Séquestré !

Chapitre 7

4 Juin

Après de longues heures d'absence, le rai paraît de nouveau. L'obscurité totale se fend d'une clarté dérisoire. Cela ne me passionne guère : au fond de ma prison la nuit est éternelle et le jour un doux rêve bercé d'espoirs inaccessibles.

Manifestement le jour s'est levé. Je perçois ce changement infime et malgré ma situation je souris tristement.

Le 4 juin de ma quatorzième année, je viens de vivre ma première nuit blanche. Depuis le soir où, peu à peu, le rayon sous la porte de la cave s'est évanoui lentement, je suis resté assis, prostré, immobile et muet, les yeux dans le vague, à réfléchir sur tout et n'importe quoi. Toute la nuit, le cœur battant à tout rompre et assailli par l'angoisse, j'ai attendu que le sommeil daigne s'intéresser à moi. En vain. Les bras de Morphée se sont refusés à m'emporter. À mon plus grand regret. Dans ma posture pitoyable, la nuit m'a condamné à ressasser mes peurs pendant des heures.

Première nuit blanche donc..., une expérience nouvelle dont les effets ne me semblent pas être très agréables. Mon corps tout entier se plaint de la fatigue. Ma nuque est raide, mon cou endolori comme si j'avais un torticolis. Mon ventre proteste.

La faim et la fatigue se mêlent en mon sein. Un cocktail destructeur ! Je me sens plus faible que jamais. Le moindre geste semble devoir m'achever. J'esquisse une tentative pour me lever. Péniblement, en grimaçant de malaise, j'y parviens. Une fois debout, je manque de m'effondrer et me retiens juste à temps contre le mur. Je tente un pas, la fatigue m'étreint plus encore. Épuisé et dépité, je me rassieds et commence à me morfondre une fois de plus sur mon triste sort.

Pourvu qu'ils ne tardent pas à m'amener de quoi manger !

Voilà désormais trois jours que je suis prisonnier au fond de la cave humide de cette maison perdue dans la campagne. Trois jours que j'ai disparu aux yeux du monde. La police me recherche partout. Sans succès... Sans doute l'espoir qu'ils ont de me retrouver s'amenuise-t-il. Peut-être même me croient-ils déjà mort.

Pourtant je suis ici et bien vivant. Dans un piteux état, affamé et exténué, mais vivant. Pour l'heure c'est sûrement là le plus important.

Ma famille et mes amis ? Comment vivent-ils ma disparition ? Ils doivent se faire un sang d'encre ! Mes parents surtout. Dans son travail dans la police, mon père, des enfants enlevés puis retrouvés morts, il en voit tout les jours. Quelle funeste ironie, un terrible coup du sort : eux qui réduisaient mes instants de liberté pour ainsi dire à rien par peur, justement, d'un enlèvement.... Pourquoi cela devait-il comme par hasard tomber sur moi ? À présent je dois me rendre à l'évidence ; mes parents avaient raison. Ils avaient raison de me protéger autant que possible et de craindre le pire. Le pire n'arrive pas qu'aux autres... La preuve ! Ils sont certainement presque aussi inquiets que moi. Et le petit Hippo ? Curieusement, je n'ai aucune idée de la façon dont il doit réagir. Nous sommes aussi proches que peuvent l'être deux frères, mais pourtant je ne sais pas comment il peut vivre ces instants d'angoisse. Peut-être s'efforce-t-il de rester digne et fort malgré l'anxiété. Peut-être a-t-il plutôt cherché du réconfort auprès des parents pour faire sécher ses larmes. Je ne sais pas... Cette incertitude m'apporte étrangement un sursaut d'énergie.

Ne t'en fais pas Hippolyte, tu me reverras !

Mais il n'y a pas que ma famille à laquelle je tiens. Il n'y a pas que ma famille qui tient à moi... Mes amis comptent aussi. Mon ami devrais-je dire plutôt, puisqu'il n'y a qu'une seule personne au monde que je considère comme un véritable ami.

Je ferais n'importe quoi pour le revoir, et je sais que c'est réciproque. À tous les coups il doit remuer ciel et terre pour me retrouver. Je crains malheureusement que ce soit peine perdue. Comment pourrait-il seulement imaginer que je ne suis pas retenu au cœur de la métropole lilloise, mais au beau milieu de la campagne, plusieurs dizaines de kilomètres plus loin ?