CHAPITRE 1 : Une sortie qui tourne... mal

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Tout en soupirant, Elenna finissait de plier le linge que sa petite sœur avait malencontreusement et avec forte habilité envoyé valser au sol lors d'un départ brusque pour se rendre chez une amie. Elerinna était une véritable tornade aux vents dépassant les 500 km/h, un cataclysme aux cheveux blonds et aux yeux bleus qui faisait des ravages, tel l'ouragan Sandy en 2012. C'était l'une des raisons pour laquelle elle l'aimait, car on ne pouvait en trouver d'autres comme elle. Quoique heureusement sinon la Terre se serait trouvée en bien mauvaise posture. Souriant à sa réflexion, elle ouvrit le placard du monstre d'une main avant d'y déposer son précieux fardeau de l'autre. Fardeau dont elle avait dû s'occuper trois fois avant de pouvoir s'en débarrasser dans la petite armoire de la seule chambre de l'appartement.

Soupirant une nouvelle fois, elle ne pouvait que songer qu'elle devrait peut-être commencer à sévir davantage. Certes, Elerinna restait son plus cher trésor, celui pour lequel elle se battait à chaque instant pour garder la tête hors de l'eau, pour lutter contre l'abattement qui la menaçait lorsque ses souvenirs rejaillissaient, mais elle l'élevait, elle était en charge de son éducation et se devait de la punir ou tout du moins la gronder à certains moments.

Et alors que ces pensées faisaient route dans son esprit, elle fut brutalement sortie de son songes par une porte refermée avec empressement.

« -Elenna ! Elenna ! Elenna ! Charline et sa mère m'ont invitée à manger chez elle ce soir ! Je peux y aller ?

Tout en secouant la tête, la jeune femme se mit à regarder l'enfant de neuf ans passés. Pouvait-elle véritablement sévir plus ? Il semblait que oui, qu'elle le devait pour son avenir. Mais sa résolution toute nouvelle, elle ne put se décider à la punir dans l'instant pour quelque chose s'étant déroulé plus en avant dans l'après-midi. Et puis ses yeux de Chat Botté avaient de quoi en faire changer d'avis plus d'un.

-Si tu reviens pour dix-neuf heures tu peux y aller, Blondie.

-Je m'appelle pas Blondie, grimaça sa petite sœur en lui lançant un regard noir avant de s'adoucir et de lui sourire tout en l'enlaçant rapidement. Mais quand tu m'appelles pas comme ça, tu es la meilleure !

Lui donnant un baiser sonore sur la joue, la gamine de neuf ans laissa ses lèvres s'étirer une dernière fois avant qu'elle ne détale à toute vitesse vers le palier voisin.

-La porte ! s'exclama Elenna en entendant cette dernière claquer à nouveau, ce qui était bien inutile puisque Elerinna s'en était déjà allée. »

Quelque peu ennuyée au départ, la jeune femme finit par laisser une esquisse de sourire naître sur son visage. Car bien que ses manières soient brusques, elle n'en restait pas moins rafraîchissante et empreinte d'une certaine naïveté enfantine qui était plaisante face au monde de brutes auquel elle avait à faire chaque jour. Penser à la violence de cette terre la ramena lentement mais sûrement vers des choses qu'elle aurait préféré oublier. Et avant même qu'elle n'ait eu le temps de faire le moindre mouvement, elle se retrouva plongée dans ses souvenirs dramatiques, dans ceux qui la hantaient chaque jours.

Un cri, des supplications. Elle hurle, les conjure d'arrêter mais ils refusent, c'est bien trop amusant. De voir sa souffrance, naît en eux une joie malsaine, une joie corrosive qui les mènent sur le chemin de leur déchéance. Et alors qu'elle subit l'une des pires humiliations au monde, que son âme crie sa douleur sans qu'elle ne puisse l'écouter, elle pense à sa sœur qui l'attend, se demandant certainement pourquoi elle n'est pas encore arrivée.

Se raccrochant au mur, elle tenta de faire taire les images envahissant sa vision. N'avait-elle donc pas assez souffert ? Fallait-il encore que l'horreur qui avait été sienne resurgisse comme un poison mortel se délectant de ses blessures ? Elle en avait déjà tant vécu, ne pouvait-on pas la laisser en paix ? N'avait-elle pas le droit de vivre comme tout le monde ? À peine âgée de dix-huit elle était déjà devenue orpheline, perdant ses parents et son aînée, devant prendre en charge sa cadette de quatre ans. Aujourd'hui, à vingt-trois ans, elle se retrouvait enceinte d'un père dont elle ignorait le nom, d'un géniteur dont elle abhorrait l'existence pour toutes les tortures qui lui avait faites. Soufflant lentement pour se calmer tout en chassant rapidement une larme qui avait coulé, elle tenta de se reprendre. Elle n'avait pas le droit de craquer. Pour Elerinna, elle se devait d'être forte, de survivre à son cauchemar permanent. Elle avait toujours réussi à faire face à la dureté de la vie, cumulant boulots sur boulots, subvenant aux besoins de sa petite princesse du mieux qu'elle le pouvait. Et si à présent sa situation se retrouvait compliquée, elle savait qu'elles finiraient par s'en sortir, quand bien même l'un de ses patrons la licencierait pour sa grossesse. Elle savait que cela risquait de se produire étant donné que ses deux jobs étaient non déclarés.

Le Retour aux OriginesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant