Le silence pesait sur la ville morte. Chaque bruit, aussi infime soit-il, me paraissait un vacarme. Ma propre respiration, le froissement de mes vêtements, mes pas sur le sol... Tout pouvait trahir ma présence.
Je marchai avec prudence pour éviter les infectés immobiles. De près, ils ressemblaient à des statues de cire, figés dans une posture uniforme. Tous se tenaient droits, les bras raidis le long du corps, comme s'ils attendaient un ordre silencieux. Leurs têtes étaient inclinées, et leurs yeux clos leur donnaient l'apparence de dormeurs sinistres.
L'atmosphère était irréelle, presque sacrée, comme si je me trouvais au milieu d'un cimetière d'ombres prêtes à s'éveiller. Je retenais mon souffle à chaque pas, de peur qu'un mouvement trop brusque ne rompe cet étrange sommeil.
Je détournai les yeux et accélérai le pas. L'envie de fuir m'emplissait, mais je savais que le moindre bruit risquait d'attirer leur attention. Alors, je continuai, chaque muscle de mon corps tendu à l'extrême.
Les rues familières prenaient une allure cauchemardesque. Les fenêtres béantes des maisons semblaient autant de bouches muettes hurlant dans le vide.
Je passai devant la boulangerie du père d'Aurore. Sa vitrine brisée, les étagères renversées, la farine répandue sur le sol comme une couche de neige maculée de sang.
Plus loin, l'aire de jeu où j'allais parfois avec Lucas et Emma. Là où, autrefois, des rires et des voix résonnaient, ne subsistait plus qu'un silence de mort. Les balançoires oscillaient sous l'effet du vent et grinçaient dans la nuit.
Au milieu du bac à sable, se tenait un enfant. Droit comme un piquet, les bras le long du corps, la tête baissée et les yeux clos, comme les autres. Il ne devait pas avoir plus de six ans. Sa petite veste bleue était maculée de sang séché, ses mains minuscules crispées comme si elles s'accrochaient à un souvenir perdu.
Je sentis mon estomac se tordre. Cet endroit, autrefois empli de vie et d'innocence, venait de révéler l'horreur dans ce qu'elle avait de plus cruel.
Et puis, soudain, un bruit.
Sec, métallique.
Clang.
Mes muscles se figèrent, comme si mon sang s'était transformé en glace. Les yeux écarquillés, je fouillai l'obscurité, incapable de distinguer quoi que ce soit.
L'écho du choc s'était dissipé, remplacé par un roulement. Lent, circulaire.
Quelque chose venait de tomber plus loin et roulait sur le bitume. Il s'éloignait de moi, vers les rues plus basses. Je n'en voyais pas la source, mais je l'entendais, ce bruit si singulier, si reconnaissable, celui d'un disque métallique qui tourne sur lui-même, incertain, fragile. Comme une pièce de monnaie hésitant avant de tomber à plat.
Le son vrillait l'air.
Vzzzzzzzzzzz-clink... zzzzt... zzzzt... clink.
zzzzt... clink...
...clink.
...
Et puis, plus rien.
Le silence revint. Plus lourd encore.
Je n'osais pas bouger. Mon cœur cognait si fort que je croyais qu'il allait exploser. Ce simple bruit — ce petit rien — venait de me ramener à l'état primitif, celui de la proie qui sent le regard d'un prédateur, tapi dans l'ombre.
Et ce n'était pas qu'une impression.
D'abord, un râle. Profond. Puis un autre. Puis plusieurs.
Des grognements se levèrent, épars, puis convergents.
Et bientôt, le fracas de pas lourds.
Des infectés.
Ils se réveillaient, attirés par le son. Je les entendais grogner, courir, et heurter les voitures, comme une meute dérangée en plein cauchemar.
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Les Yeux de L'Oracle
HorrorDans un village devenu cimetière, les derniers vivants se barricadent dans une église, dernier bastion contre l'horreur. Alors qu'ils attendent des secours, c'est une aide inattendue qui se présente à eux.
