Charles • Carlos

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Carlos était à quelques mètres de la ligne d'arrivée. Son cœur battait à tout rompre, son souffle était court, ses mains moites et crispées sur le volant. Il pouvait sentir la tension dans chacun de ses muscles, une tension née de cette bataille acharnée qu'il livrait depuis des dizaines de tours contre Charles. Il avait tout donné, chaque virage négocié avec une précision chirurgicale, chaque ligne droite optimisée au millimètre près pour protéger sa position.

Suzuka était un circuit impitoyable. Il le savait. Chaque virage représentait un piège, chaque freinage une opportunité de perdre du temps et de voir son adversaire se faufiler. Charles avait tenté à plusieurs reprises de lui arracher la première place, plongeant à l'intérieur, essayant de le forcer à l'erreur. Mais Carlos avait tenu bon. Il avait résisté. À chaque tentative, il avait trouvé le moyen de garder sa Williams devant, exploitant les moindres faiblesses de la Ferrari pour conserver son avantage.

Et maintenant, il y était presque.

Dans la ligne droite, il apercevait le public en délire, une marée de bras levés, de drapeaux flottant sous le ciel japonais. Les tribunes vibraient sous l'excitation. L'image du drapeau à damier, qu'il devinait déjà agité au loin, s'imprima dans son esprit. Sa victoire. Il allait l'obtenir. Ce serait la première sous les couleurs de Williams, la récompense de mois de doutes, de frustrations, de remises en question. Tant de hauts et de bas, de courses où la voiture n'avait pas suivi, où la performance lui avait échappé, où la chance n'avait pas été de son côté.

Mais ce soir, il allait gagner.

Puis vint le dernier virage.

L'instant de trop.

Peut-être la fatigue, peut-être la pression. Peut-être l'envie de sécuriser à tout prix cette victoire qui lui tendait les bras. Son pied gauche s'écrasa sur la pédale de frein une fraction de seconde trop tôt, un infime instant qui fit toute la différence. Il le sentit immédiatement, ce minuscule décalage, et son instinct hurla avant même que la réalité ne s'impose à lui.

Charles, toujours à l'affût, bondit sur l'occasion.

La Ferrari s'engouffra dans l'espace libéré à l'intérieur du virage. Un éclair rouge et blanc, une attaque implacable, d'une précision presque mécanique. Carlos voulut refermer la porte, réagir, mais il était déjà trop tard. Le contact fut brutal.

Le crissement du carbone sur l'asphalte déchira l'air. Un choc sourd, puis une explosion de débris. Les roues s'entrechoquèrent, les suspensions cédèrent sous l'impact. Carlos sentit l'arrière de sa Williams se soulever légèrement avant de retomber violemment, déséquilibrée, hors de contrôle.

Puis tout s'enchaîna trop vite.

Les deux monoplaces, emportées par leur propre vitesse, filèrent vers le bac à gravier à plus de deux cents kilomètres heure. Carlos sentit son corps projeté vers l'avant malgré le harnais, son casque heurtant légèrement le repose-tête tandis que la monoplace bondissait en percutant la première couche de graviers. La voiture glissa sur plusieurs mètres dans une gerbe de poussière, ses pneus crevés peinant à ralentir l'embardée infernale. Puis vint l'impact contre les barrières de sécurité.

Le bruit fut assourdissant.

Le choc le coupa momentanément du monde. Un voile noir passa devant ses yeux, son corps encaissant la violence de l'arrêt brutal. Il ne savait pas combien de temps s'écoula avant que la douleur diffuse ne se rappelle à lui, avant que son souffle ne revienne peu à peu. Il ouvrit lentement les yeux.

Tout était flou.

Le hurlement lointain du public, les lumières artificielles du circuit, la silhouette d'une Ferrari encastrée non loin de lui. Il sentit la brûlure de l'adrénaline encore présente dans ses veines, le martèlement de son cœur résonnant jusque dans sa poitrine.

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