Charles • Carlos

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Carlos ne rentrait que maintenant dans le paddock Ferrari. La conférence de presse, censée être rapide, s'était éternisée deux heures de plus, l'empêchant de tenir la promesse qu'il avait faite à Charles sans même s'en rendre compte. Dès que le dernier journaliste avait rangé son micro, Carlos s'était précipité hors de la salle, son sac encore à moitié ouvert sur l'épaule, les pensées déjà tournées vers Charles. Il balaya la zone des yeux en arrivant, espérant le croiser, mais un ingénieur s'approcha, l'informant que Charles venait de partir, qu'il avait quitté le paddock quelques minutes plus tôt pour rentrer seul chez lui.

Sans réfléchir, Carlos reprit sa course, ses jambes avalant la distance entre le paddock et le parking comme si chaque seconde comptait, et c'était le cas. Il savait exactement pourquoi Charles était parti sans l'attendre. Ce soir, c'était leur anniversaire de couple. Quatre ans. Quatre années à se construire, à s'aimer, à partager les victoires et les défaites, les hauts comme les bas, et Carlos n'avait même pas trouvé le moyen de se libérer pour lui.

Il aperçut finalement Charles, silhouette frêle dans l'obscurité, emmitouflé dans l'un de ses pulls, l'un de ceux que Carlos lui prêtait toujours après les courses quand la fatigue se mêlait à la brise fraîche de la nuit. Charles marchait la tête basse, les mains dans les poches, sa capuche rabattue sur ses cheveux pour cacher son visage aux rares passants encore présents. Il avait l'air si seul, si résigné, et Carlos sentit son cœur se serrer à cette vision. Il força sur ses jambes, voulut crier, l'appeler, mais aucun son ne franchit ses lèvres, et Charles ne se retourna pas.

Carlos n'était pas assez rapide. Il regarda, impuissant, la Ferrari noir s'éloigner, disparaissant dans le virage, sans qu'un seul regard ne soit échangé, sans qu'un mot ne soit dit. Il resta planté là, la poitrine haletante, réalisant trop tard l'erreur qu'il venait de commettre.

De son côté, Charles roulait à une vitesse mesurée, les mains crispées sur le volant. Sa mâchoire était tendue, et malgré ses efforts pour se concentrer sur la route, son esprit revenait sans cesse à Carlos. L'amertume et la déception lui broyaient l'estomac. Il se sentait idiot, ridicule, comme un amant trop dévoué qui se contentait de miettes d'affection.

Il n'avait pas demandé grand-chose, juste une soirée, une simple preuve que ces quatre années comptaient autant pour Carlos qu'elles comptaient pour lui. Mais il se sentait comme un poids, une obligation que l'on repousse, un rendez-vous que l'on oublie. Les larmes montèrent à ses yeux, brouillant légèrement sa vision, mais il les refoula. Il ne pleurerait pas, pas pour un homme qui n'était même pas capable de prioriser leur relation le jour de leur anniversaire.

Quand il poussa la porte de sa chambre d'hôtel, le parfum familier de Carlos l'accueillit, flottant encore dans l'air comme un souvenir doux-amer. Ils avaient partagé ce lit la veille, leurs rires encore accrochés aux draps, et maintenant Charles se sentait stupide d'y revenir seul. Il se laissa tomber sur le matelas, le visage enfoui dans l'oreiller qui portait encore l'empreinte de Carlos, et resta là, immobile, respirant les traces de son amant comme pour combler l'absence.

Il tourna la tête vers la table de chevet, ses yeux se posant sur un bracelet oublié, celui que Carlos portait toujours lors des longues journées de course. Cette vision fit trembler ses lèvres, une vague de chagrin l'envahissant à nouveau. Carlos était partout, son odeur imprégnée dans les draps, ses affaires mêlées aux siennes, son nom résonnant dans chaque recoin de cette pièce.

Charles se redressa avec effort, se traîna jusqu'à la salle de bain, laissant ses vêtements tomber au sol avant de se glisser sous l'eau chaude. Les gouttes dévalaient son corps, brûlantes, mais elles ne purent laver cette douleur sourde qui comprimait sa poitrine.

Quand il ressortit, la serviette nouée négligemment autour de sa taille, il fouilla sa valise à la recherche d'un vêtement propre, mais ses doigts se refermèrent sur l'un des t-shirts de Carlos, celui qu'il lui empruntait toujours, même quand ce dernier protestait. Il hésita un instant, puis l'enfila, l'épaisse matière venant réchauffer son cœur glacé.

FORMULA 1 • One Shot Where stories live. Discover now