XII

11 3 5
                                    

Mathilde grogna pour la millième fois. Depuis ce matin, ma cousine s'était portée volontaire pour m'aider à apprendre les bases de la première année de scolarité à l'Académie, l'école la plus prestigieuse de ce monde, d'après Mathilde. Apparemment, j'y étais inscrite depuis que mes parents étaient entrés dans les rangs du groupe et mon dossier attendait sagement dans la poussière jusqu'à ce que mes tuteurs se décident à m'y scolariser. J'allais entrer en Cycle 2, ce qui signifiait que j'avais un an de retard. Cette idée me donnait des frissons. Je n'étais pas vraiment brillante au lycée, mes notes étaient très basses et je craignais d'être dans le même cas ici.

Nous y avions passées la journée et plus le soleil se couchait, plus ma concentration disparaissait avec lui. Mon cerveau se perdait dans diverses réflexions.

- Tu ne m'écoutes toujours pas. Remarqua Mathilde en croisant les bras, assise sur mon lit.

- Désolée... M'excusai-je encore une fois.

Ma cousine soupira avant de s'allonger sur le ventre. Sa tête se retrouva à côté de la mienne que je penchai en arrière pour fixer le plafond. Son sourire contredisait son regard accusateur. Je m'étalais sur le sol en grimaçant.

- De toute façon il est tard. Déclara Mathilde. Mais avant qu'on arrête je veux que tu me résumes les matières principales.

Je soupirai à mon tour et lui dictai donc les différentes matières qui n'avaient rien à voir avec les mathématiques ou le français. J'allais, à partir de lundi, étudier la magie, les créatures fantastiques, les potions ainsi que plusieurs autres sujets improbables. Le seul qui correspondait à ce que j'apprenais dans l'Autre monde, c'était l'histoire. Mais là encore, Mathilde m'avait appris que beaucoup d'évènements importants étaient à l'origine du Mauvais Ordre mais simplement camouflés par le gouvernement et l'organisation. Ma mère nous appela pour passer à table depuis la cuisine.

- On arrive ! Répondis-je tandis que ma cousine m'aidait déjà à me redresser.

Nous nous précipitâmes en bas. Nos ventres grognaient depuis plusieurs minutes, tellement que nous attendions l'heure du repas avec impatience. Sur la table du salon, de délicieux plateaux repas nous appelèrent comme des aimants. Mes parents avaient prévu de manger devant un film pour nous récompensées d'avoir travailler toute la journée. Nous installâmes et commençâmes à déguster.

Depuis que je leur avais avoué ce que j'avais vu dans le local de mise en quarantaine, le comportement de mes parents avait changé. Le plus flagrant était l'attitude de ma mère. Depuis deux jours, elle me surprotégeait, me demandait toujours où j'étais ou si j'allais bien. Ça en devenait inquiétant et pesant.

Le pire dans tout ça, c'étaient les non-dits. Je savais qu'ils me cachaient quelque chose, je le sentais. Malgré moi, les paroles de ma mère refirent surface dans mon esprit.

Elle ne doit pas savoir... Pas maintenant.

Les questions s'accumulaient sans que je ne puisse y apporter de réponses. Qu'est-ce que je ne dois pas savoir ? Et pourquoi j'ai l'impression que l'oiseau-tonnerre fait partie de moi ? Je n'osais pas aborder de nouveau le sujet de peur qu'ils m'interdisent de retourner au Refuge. J'avais prévu d'y retourner. Il fallait simplement que je trouve une bonne excuse à tout ça. Malheureusement, Mathilde avait prévu de me faire réviser tous les jours jusqu'à la rentrée de lundi.

Le film défila sous mes yeux sans que je n'y prête vraiment d'attention et ma cousine partit après nous avoir aidé à ranger. Quant à moi, j'allai m'enfermer directement dans la salle de bain pour prendre une douche rapide avant d'aller m'allonger dans mon lit une fois propre et sèche. Je finis par sombrer dans un sommeil sans rêve, juste de l'obscurité.

***

- Que faut-il pour créer le sérum d'invisibilité ? Me questionna ma cousine le lendemain.

Je fermai les yeux, cherchant désespérément la réponse dans les entrailles de mon cerveau.

- Un crin de licorne, une larme de phœnix et une goutte de salive de dragon. Le tout dilué dans de l'eau de tulipe. Répondis-je, sûre de moi.

- C'est bien ça ! Me félicita Soane. J'ai mis plus d'une semaine à maitriser la recette. Voyons voir si tu fais mieux que moi.

Mathilde avait eu la bonne idée d'appeler Soane et Siméo pour m'aider à réviser. Ils avaient donc décidé de consacrer cette journée à l'apprentissage du vocabulaire des potions et des sérums, ainsi qu'à la pratique de celles-ci. Nous descendîmes tous à la cuisine pour créer un sérum d'invisibilité. Après une brève explication sur le différent matériel à utiliser, je m'attelai à préparer le sérum en suivant les consignes de la recette avec soin. D'après mes trois camarades, cette recette faisait partis des potions de bases, une des plus faciles.

A mesure que j'avançai dans la préparation, je voyais le visage des deux garçons se décomposer tandis que Mathilde souriait de toutes ses dents. Une fois ma tâche terminer c'est à Siméo que ma cousine et son meilleur ami confièrent le soin de tester le sérum. Pendant qu'il l'avalait, je priai pour qu'il ne tomba pas dans les pommes. Au bout de quelques secondes, Siméo disparu. La fiole qu'il tenait dans sa main flottait à présent et la mâchoire de Soane était tellement ouverte qu'elle pouvait se décrocher à tout moment. Je fronçai les sourcils.

- Quoi ? Demandai-je sans vraiment comprendre sa réaction.

- Maddy, tu viens de réaliser une des recettes les plus difficiles du Cycle 2 ! S'exclama-t-il. Dans notre classe, aucun élève ne l'a réussi du premier coup, pas même les plus intelligent.

Je le regardai, ahurie.

- Vous m'avez dit que c'était l'une des plus faciles du Cycle 1 ! Dis-je.

- Mathilde à parier que tu la réussirais, mais que tu ne voudrais pas la faire si tu savais. Expliqua Siméo.

Je me retournai en sursautant. J'avais oublié qu'il était devenu invisible. Evidemment que je n'aurais pas voulu la faire ! J'aurais très bien pu faire exploser la maison si je me ratais !

- Ma cousine c'est la meilleure ! Chantonna Mathilde en tendant la main vers son meilleur ami. Allez ! A moi la richesse !

Soane soupira et lui donna un billet, sûrement de l'argent. Nous passâmes le reste de la semaine ensemble, à étudier pour la rentrée de lundi. A chaque question, j'avais une réponse. Et tous les sérums qu'ils me firent faire étaient tous réussis. Moi qui craignais d'être en retard, je me retrouvais à vouloir en apprendre encore plus. Les informations s'encraient dans mon esprit et je ne rencontrais aucune difficulté à m'en souvenir. J'avais presque hâte de commencer. Mais le stresse me rappela à l'ordre.

Les nouveaux n'étaient pas rares mais pas assez fréquents pour que je passe aisément inaperçu. Et attirer l'attention était tout ce que je détestais. D'autant plus que, si j'en croyais les anecdotes de Mathilde, Soane étaient assez populaire à l'Académie. Toutes les filles étaient à ses pieds. Ce même Soane qui trainait avec nous, ce Soane qui faisait tourner les têtes à son passage.

Le meilleur ami de ma cousine ne semblait pas particulièrement heureux de cette réputation mais il avait appris à vivre avec et même parfois à en jouer.

Et cerise sur le gâteau, nous devions porter un uniforme noir... Heureusement, les filles avaient le droit de porter un pantalon si elles le souhaitaient. J'étais soulagé. Les jupes n'étaient pas mon fort. J'en portais quelques fois mais ça restait relativement rare. Il y avait donc pire. D'autant plus que l'uniforme m'allait plutôt bien !

La chemise blanche me taillait parfaitement et le blazer, brodé d'un écusson représentant un oiseau-tonnerre sur un fond bordeaux, était très confortable. L'uniforme était accompagné d'une cravate de la même couleur que l'écusson et rayée de noir. Je m'observais dans le grand miroir de la chambre de Mathilde.

Demain, je plongeais dans l'inconnu.

Mauvais OrdreWhere stories live. Discover now