Chapitre 3

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Dans l'austère atmosphère du bureau du notaire, Nessibel se tint aux côtés de sa mère et de sa sœur. Austère était en effet bien le mot adapté : une pièce en bois froid, avec des têtes d'animaux empaillés partout où Nessibel regardait, un vaisselier avec des chinoiseries surement volées, des rideaux dignes du XVIIIᵉ siècle, et même une collection de plumes à encre. La cadette ne savait pas que ça se faisait encore ce genre de décoration dans un monde où Ikea existe.

Pire encore, le notaire était une chouette grise au front dégarni, aussi rigide que son interieur. Ses lunettes pendaient au dessus de son nom, et il craquait ses doigts sans arrêt, comme une mélodie infernale.

— Maman, ce mec me fait peur, quand est-ce qu'on part ?

— Nessi, tu n'as pas honte ! Répliqua Tennessee.

— Ne t'inquiète pas, ma puce, on s'en va dès qu'on a notre argent. Chuchota Cecilia à Nessi.

La plus grande des sœurs, et aussi la plus sage ou docile – ou stupide – gronda

— Maman ! Comment peut tu être aussi insensible.

Eh bien ce n'est pas toi qui as subi les humeurs de ton père, avait-elle envie de lui cracher, mais son rôle de mère avant tout.

— J'ai pleuré toute la journée d'hier et d'avant-hier alors que je devais tout gérer pour l'enterrement, les invités, la famille éloignés et les terrains, jeune fille ! Maintenant, j'ai mal à la tête, et j'ai terriblement envie de casser des trucs, donc ne me parle plus jamais sur ce ton.

Cécilia était terriblement menaçante quand elle le voulait. Tennessee baissa les yeux, hagarde.

Les papiers étaient prêts à être lus, chaque mot pesant comme une sentence sur leur destinée. Mais avant que le notaire ne puisse commencer, un nouvel arrivant fit son entrée.

— Excusez-moi du retard.

— Nous, Peter, nous sommes tout les deux en retard !

— Oui oui.

Nessibel se tapa la tête contre le bureau, malgré que son fond de teint soit du Fenty Beauty ayant couté la peau des fesses. C'était Peter, son demi-frère, accompagné de sa femme Nancy.

Oui, leur père aimait bien tremper son biscuit dans différentes sauces durant son vivant.

L'attitude glaciale de Peter contrastait avec l'air de suffisance affiché par Nancy, dont le regard méprisant balaya Nessibel de la tête aux pieds.

— Mon Dieu, Nessibel, as-tu vraiment mis cette robe ? Elle te grossit encore plus, lança Nancy d'un ton cinglant, ses lèvres pincées dans un sourire moqueur.

— En plus de ne pas aller avec son teint ? Ajouta son mari, comme s'il n'avait pas ignoré sa femme de tout le voyage et ne la critiquait pas aussi durement sur tout ce qu'elle portait.

La colère gronda dans le ventre de Nessibel, prête à éclater en une cascade d'insultes cinglantes. Elle complexait déjà assez sur ses cheveux court et frisés pour aller tous les matins au salon, et les lisser. Mais Tennessee posa une main réconfortante sur son bras, l'incitant au silence.

— Nancy, ce n'est vraiment pas le moment, réprimanda Tennessee d'une voix calme, mais ferme. Si le décès de notre père ne t'affecte pas, tu peux attendre dans le couloir. Tu ne fais aucunement partie de la famille et tu n'as donc aucune obligation d'être ici. Quant à toi Peter, comporte-toi comme un adulte au moins une fois dans ta vie, père n'est plus la pour t'applaudir à chaque gribouillage. 

L'évantail aux ailes briséesWhere stories live. Discover now