CHAPITRE 10

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(À écouter: Durch Den Monsun - Tokio Hotel)

(mention du suicide)

CHAPITRE 10
Durch Den Sturm

Gabin

2014

– Je vais te chercher de quoi manger avant l'interview ! me prévient Tom de l'autre côté de la porte. Repose toi en attendant !

Je ne réponds rien, me contentant de rabattre la couverture jusqu'en haut de ma tête et de laisser mes larmes rouler sur l'oreiller. Des pas écrasent le sol, un objet tombe, un juron est prononcé en Allemand puis une porte claque. Je me retrouve seul avec mes pensées qui ne me donnent aucun répit depuis hier. Dès notre retour à l'hôtel après la prestation, j'ai foncé dans mon lit et je n'en suis pas ressorti. Savoir que j'ai définitivement perdu Max me serre l'estomac. Tous les espoirs que je m'étais fait vis-à-vis de nos retrouvailles, du groupe et de notre retour à Leipzig viennent de s'envoler. Je n'ai même pas la force de me nourrir ou de me lever. J'aimerais juste passer le reste de la journée ici en m'efforçant d'oublier que dans quelques heures, Max sera dans un avion en direction d'Hambourg.

Je me retourne du côté de la fenêtre, posant mon regard à travers. Mes idées noires se font déjà une place dans mon esprit que je tente de chasser mais en vain. Je me répète alors en boucle le refrain de Spring Nicht, les yeux fermés, mais l'image de moi penché au-dessus du vide à Leipzig est plus forte que mes propres mots. Je m'imagine toutes les vies qui ont été sauvées grâce à cette musique, tous les fans qui ont reprit le goût de vivre à travers les paroles de Spring Nicht qui s'impose comme message d'espoir. J'ai conscience du fait qu'il est plus que réconfortant pour eux de s'imaginer pouvoir compter sur la joie de vivre, le sourire et surtout la musique de trois petits anges. Mais je me demande ce que nos fans penseraient de moi s'ils savaient que je ne trouve même pas la force de croire en ma propre musique. Que Spring Nicht se transforme en Spring.

Ich schreie in die Nacht für dich. Aber du hörst mich nicht. Bitte hält mich nicht zurück.

Je crie dans la nuit pour toi. Mais tu ne m'entends pas. S'il te plait ne me retiens pas. Malgré moi, un rire jaune traverse la barrière de mes lèvres. Ces phrases résonnaient comme un message d'espoir, elles ne sont désormais plus ce à quoi je pense. J'ai vraiment l'air pathétique à imaginer les paroles d'une musique dont le but premier est de, justement, ne pas sauter. D'autant plus que ce n'est pas l'envie qui me manque mais si je ne passe pas à l'acte, c'est entièrement pour Tom. S'il n'était pas mon jumeau, mon double, mon âme-sœur et s'il ne faisait pas partie de ma vie, je pense que je ne serais plus là, à l'heure actuelle. Et comme imaginer Tom seul m'est insupportable, je reste. Je dois rester fort pour lui. Je m'efforce donc à penser à autre chose qu'aux paroles de cette musique qui tourne en boucle dans mon esprit puis me tourne, dos à la fenêtre.

La seule chose qui puisse noyer mon chagrin et mes pensées, c'est le goût amer de l'alcool. Bien que rechuter soit une connerie monumentale, je préfère être saoul que de me jeter par la fenêtre. Je me redresse puis passe une main sur mon visage. Je dois avoir le teint pâle et une mine affreuse sans maquillage mais je m'en contenterai jusqu'à ce que ma coiffeuse et ma maquilleuse ne me rendent plus présentable pour notre interview chez NRJ Audio. Je sors enfin du lit, frissonnant au contact de l'air frais contre la peau nue de mon torse. J'enfile une veste puis me penche au-dessus du minibar. Et comme je m'en doutais, pas la moindre petite bouteille d'alcool.

Évidemment, Nolan et Jakob se sont sûrement chargés de demander à la réception de n'apporter et servir aucune bouteille d'alcool dans notre suite. Je fouille tout de même dans le frigo de la cuisine puis dans le minibar de la chambre de mon frère avant de chercher désespérément dans toute la suite. Mais je ne trouve rien. M'asseyant sur le canapé, je repose ma tête contre le dossier de ce dernier. Ce goût amer glissant le long de mon œsophage me manque à m'en faire trembler. J'arrive à cacher tous ces petits symptômes à Tom mais ça en devient effrayant de trembler autant et d'avoir la nausée dès que je me lève le matin. Je ne sais même pas comment j'ai réussi à tenir pendant deux ans. Ça me semble tellement difficile tout à coup.

Schrei - Tome 1 (BxB)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant