Schrei - Tome 1 (BxB)

CHAPITRE 2

À écouter: Spring Nicht - Tokio Hotel

(Mention d'automutilation, mention du suicide, violence verbale, violence physique)

CHAPITRE 2
Spring Nicht

Gabin

2005

La lame posée sur mon avant-bras, je m'autorise un dernier regard à travers le miroir de la salle de bain. Une larme roule sur ma joue. Mon cœur est brisé. Parfois, j'ai juste envie d'en finir. De partir, de m'envoler. De rejoindre la mère que je n'ai jamais connu, loin de ce monde. Loin des moqueries et des insultes. Loin de notre père qui n'a jamais su en être un. Je veux juste déployer mes ailes et me laisser guider par la main de ma mère. Car je sais qu'elle m'attend, qu'elle nous attend. Le plus tard possible, bien sûr, mais plus les jours défilent, plus j'ai cette envie qui résonne en moi.

Néanmoins, ma vie est loin d'être aussi terne que je le prétends. Il y a ce rayon de soleil qui souvent dissimule le nuage gris qui plane au-dessus de ma tête. Mon frère jumeau, Tom. Je n'ai jamais pû imaginer une vie où il n'y est pas car Tom a toujours été là, près de moi. Nous faisons tout ensemble et ne sommes différents que par le style vestimentaire. Sinon, nous nous ressemblons en tout point. Donc s'il m'est difficile d'imaginer une vie sans lui, je suppose qu'il est tout aussi compliqué pour lui d'imaginer une vie sans moi.

D'autant plus que nous ne sommes plus réellement seuls avec Tom désormais. Car en plus de la musique, nous avons Max pour nous aider à sortir la tête hors de l'eau. Il nous a sauvé, mon frère et moi, d'une certaine manière. Il est le seul à ne pas s'être moqué en nous voyant arriver en classe d'Allemand. Le seul à ne pas nous avoir jugé quant à notre apparence atypique. Et non seulement il a été d'une compréhension déconcertante mais il a également accepté de nous accorder sa confiance en nous montrant ce qu'il savait faire avec sa basse. Je sais que si ce jour-là, ça avait été un autre gars, ça n'aurait pas fonctionné.

Mes yeux quittent enfin le reflet que me renvoie le miroir puis s'attardent sur la lame que je tiens, prête à me déchirer le poignet. De la même manière qu'on me déchire le cœur lorsqu'on m'attaque de moqueries. Je respire, je ferme les yeux et je me revoie deux ans plus tôt, caché sous les couvertures avec mon frère. L'orage grondait si fort qu'on n'arrivait pas à dormir. Alors on se racontait tout ce qui nous passait par la tête. Ce soir-là, je lui ai avoué que j'étais gay. Tom s'est contenté de hausser les épaules et de me répondre qu'il s'en fichait. Que ce n'était pas parce que j'aimais les garçons que ça allait changer notre relation.

Puis je lui ai expliqué que parfois, un gros nuage noir passait au dessus de ma tête et je n'arrivais pas à éloigner toutes ces idées sombres de mon esprit. Même malgré le rayon de soleil qu'il était. Tom m'a alors pris les mains et m'a fait promettre que rien, ni personne ne nous séparerait. Qu'on resterait toujours ensemble, peu importe les obstacles qui se mettront en travers de notre chemin. Depuis, on se soutient mutuellement. Et tout ce dont j'ai besoin à cet instant, c'est de Tom. Alors je range la lame dans la trousse de toilette de mon père et au moment où j'ai l'intention de sortir, la porte s'ouvre.

Mon regard se plante dans les yeux bleus océan de mon frère. Sans un mot, il referme la porte derrière lui puis s'installe par terre, adossé contre la baignoire. Je l'imite puis laisse reposer ma tête contre son épaule. Quelques dreads qui lui tombent sur le torse me gênent, je les retire d'un geste de la main, les passant dans son dos. Et je reste là, aux côtés de la seule personne qui me comprend réellement et la seule pour laquelle je m'efforce de rester.