Scène 3: une étrangère

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At some point

I've gotten scared of people's eyes

LoserBig bang

Sa voix t'était familière.

Comme une horloge mécanique qui se mettait frénétiquement à retentir, tu te dépêchas de t'essuyer les mains avant d'aller à sa rencontre. C'était la première fois que tu allais le confronter. Tu déglutis ton reste de confiance et inspiras bruyamment, comme Feue Madame t'avait si bien appris à faire (« Gère ton stress ma fille, ou tu finiras par encore me casser des assiettes et m'envoyer une bonne fois pour toute à la morgue »).

Non vraiment, il n'y avait rien à craindre, tout compte fait, Monsieur devait sûrement être différent de ces stupides rumeurs propagées par des servantes tout aussi stupides et n'ayant rien de mieux à faire. Monsieur Byun devait sûrement être comme Miss Byun, un homme droit, juste et bon.

Ces quelques mots parvenant miraculeusement à te persuader, tu pénétras dans le séjour et découvris Monsieur, toujours devant la porte d'entrée, occupé à ôter ses chaussures. Il ne semblait pas avoir remarqué ta présence, mais tu t'inclinas tout de même avant de t'approcher davantage. Comme dans tes souvenirs qui remontaient jusqu'au jour du mariage, Monsieur portait un très beau costume noir. Néanmoins, cette fois-ci la cravate remplaçait le nœud papillon, et ses cheveux semblaient légèrement plus courts. Cela faisait maintenant deux ans depuis cette fameuse cérémonie mais Monsieur Byun restait le même homme, distingué, élégant et soigné.

-          Bonsoir Monsieur, je suis Haewon, votre nouvelle servante. Tu annonças d'une voix tremblante mais qui se voulait sûre, avant de t'incliner une seconde fois.

Tu attendis quelques instants, le dos courbé avec quelques mèches de cheveux se libérant pour te gêner à leur tour, mais aucun mot ne fut prononcé à ton égard.

Rien, pas même un son.

En relevant enfin la tête, tu le surpris, à son tour, en train de te toiser méticuleusement, d'un air non pas jaugeur mais plutôt nonchalant.

Quoi ? Était-ce une habitude chez eux d'agir de la sorte ?

De plus, ses yeux bruns dits nonchalants pouvaient crier à quiconque que tout l'ennuyait, que tu l'ennuyais.

Après de longues secondes à vous regarder sans oser bouger, tu compris enfin ce que Monsieur Byun attendait de toi. Monsieur voulait que tu le débarrasses de ses affaires et non pas connaître ton inutile surnom.

Il aurait tout de même pu répondre à un simple bonjour.

Te postant derrière lui, tu lui retiras délicatement son manteau sans oser faire des mouvements brusques ou même simplement respirer.

-          How was your day, Babe ? Dit-il enfin dans une langue étrangère.

Reculant d'un pas et le manteau tenue en otage dans tes mains, tu te demandas, alarmée, ce qu'il a bien voulu te transmettre.

-          Not that bad. Répondit une seconde voix qui semblait, bien évidemment, être la destinataire.

Madame Taeyeon descendit rapidement les escaliers avant de se laisser embrasser affectueusement par son heureux mari.

Reculant encore d'un pas, tu ne pus saisir un mot de leur longue conversation. Parler devant toi dans une langue étrangère était peut-être un moyen de te faire savoir que tu n'étais aucunement invitée à la partager, ou même partager le même toit qu'eux. Tu eus alors ce sentiment d'être rejetée, expulsée telle une étrangère. Du moins, tu le ressentis de cette manière.

-          Haewon, au lieu de rester plantée là, va donc nous préparer le thé, veux-tu ? t'adressa Madame cet habile ordre maquillé.

-          Oui, Madame. Tu répondis en t'en allant à la recherche de ces foutus thés.

-          Et souviens-toi de ce que je t'ai dit. Rétorqua-t-elle, un grand sourire au visage.

-          Des perles de Jade pour Madame, du thé Jukro pour Monsieur. Je sais, Madame. Tu soupiras finalement avant de te diriger vers le placard à thé, situé dans la grande cuisine.

En l'ouvrant, tu découvris, à ton grand désarroi, des dizaines et des dizaines de variétés de thé. Il y avait des thés verts, rouges et noirs, des thés parfumés, des thés aux feuilles roulées, des thés avec des inscriptions qui te semblaient familières, d'autres qui semblaient être en chinois et même certaines dont le tracé était une découverte. Comment, oh dieu, allais-tu réussir à choisir celui dont Monsieur aimait le parfum intense et celui de Madame avec ses maudites feuilles en forme de perle ?

C'est d'une main alors hésitante que tu saisis deux sachets de thé, sans faire attention aux petites étiquettes coréennes sur chacun d'eux. Tu préparas rapidement les boissons en priant pour que celles-ci soient les bonnes, avant de te diriger vers la pièce à vivre.

Pénétrant dans celle-ci, tu découvris madame élégamment assise sur son fauteuil, les jambes croisées, et donnant la nette impression de t'attendre. Monsieur, quant à lui, tournait ennuyeusement les pages de son journal.

Avec quelques gouttes de sueur maintenant formées sur ton front, tu servis Madame sans faire attention à son regard indiscret et pesant, puis vint le tour de Monsieur.

-          Dis-moi Haewon, tu as été à l'école, n'est-ce pas ? Te demanda calmement Madame tout en sirotant son thé chaud.

Contrastant avec son calme glacial, une tempête s'annonçait dans ton esprit, et ta raison te pria de ne pas céder à l'affolement.

Même Monsieur finit par relever la tête et semblait attendre ta réponse.

-          C-comment ?

-          Quels sont les thés que j'ai demandés ?

-          Du thé jukro pour Monsieur et les perles de jade au jasmin pour Madame. Tu répétas comme un bon vieux disque rayé.

-          Bien, sais-tu lire Haewon ? Il y a pourtant bien leurs noms marqués sur chaque paquet, n'est-ce pas ?

Sentant le regard de Monsieur encore sur toi, tu pris conscience que tu étais jugée et seulement suscitant son intérêt lorsque tu étais vue comme un objet. Car, comment pouvait-on affirmer être une personne sans avoir été éduquée ?

-          Sais-tu lire ? Répéta-t-elle sans pour autant sembler énervée.

-          Non, Madame. Je n'sais pas. Avouas-tu d'une voix presque éteinte.

-          Comme c'est...formidable ! A ta réponse, Madame s'enchanta anormalement.

-          Avoir des analphabètes à notre époque et dans un pays comme le nôtre, c'est quand même quelque chose d'extraordinaire !  Tu ne trouves pas chéri ? Reprit Madame, toujours sous l'effet de l'excitation.

A cela, Monsieur ne put qu'acquiescer avant de reprendre une gorgée de son maudit thé.

[T1] La servante // [BAEKHYUN]Where stories live. Discover now