Chant 7

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« Il y a parmi les Éthiopiens un animal appelé manticorus ; il a trois rangées de dents qui s'enchevêtrent telles celles d'un peigne, visage et oreilles d'homme, yeux bleus, corps cramoisi de lion et queue qui finit en aiguillon, comme celle des scorpions. Il court avec une grande rapidité et il est très amateur de chair humaine ; sa voix ressemble aux sons mêlés de la flûte et de la trompette. » Astabel le Perse.

— Il faut bien reconnaître qu'il est d'une efficacité étonnante !

— Peut-être, mais je ne lui fais pas confiance.

Yvannia avait une réunion en tête-à-tête avec son vizir. Les deux semaines précédentes avaient été riches en émotions et en espoirs. Barukh avait exécuté une quantité invraisemblable d'opérations en éclaireur. Depuis le ciel, sur le dos de ses manticores, il prétendait qu'il pouvait observer presque l'ensemble du désert sans être remarqué. De ses expéditions, il ramenait des renseignements qui avaient déjà permis d'intercepter quatre corps de troupes hyksos. Sachant précisément où ils se trouvaient et dans quelle direction ils partaient, il était facile de les faire tomber dans une embuscade.

— Déjà près d'un millier de guerriers hyksos morts ou prisonniers. Tout cela affaiblit leur armée et donne à nos bataillons le temps de se réunir.

— Oui, mais toujours pas de trace de Salitis.

Min-Rekh leva les yeux au ciel.

— Sauf votre respect, ma reine, cela me semble normal. Leur roi se cache et se protège.

— Se cache ? Tu es complètement à côté de la plaque, mon ami ! Salitis est avec le gros de ses forces, dans le nord. Sans doute à attendre ses renforts pour nous écraser.

— C'est possible, mais nous n'en avons pas la certitude. Nous ne pouvons pas risquer nos armées sans preuve.

— Non, c'est plus que probable. Et ce qui nous aurait aidés, c'est de le localiser. Nous aurions pu alors estimer ses troupes et peut-être l'éliminer avant qu'il reçoive du soutien.

— Oui, oui...

La porte de la salle du trône s'ouvrit à ce moment-là, laissant place à un garde qui annonça les personnes qui désiraient une audience avec la reine.

— Le seigneur Barukh et le général Nassor Sa Majesté !

— Barukh et le général, s'étonna Yvannia. Je ne les attendais pas maintenant, et certainement pas ensemble.

Min-Rekh hocha la tête alors que Barukh entrait avec son assurance coutumière, suivi de près par le général.

Le maître des manticores s'agenouilla.

— Ma reine.

— Barukh ? Je ne pensais pas te voir si tôt dans la journée.

— Bien sûr, pharaonne. J'ai pris la liberté d'inviter le général.

— Je vous l'ai déjà dit, Barukh, vous prenez beaucoup trop de libertés.

— Oui, certes, merci.

— Comment ça, « merci » ?

— Merci de me rappeler ma place, ô souveraine.

Il fit une courbette qui n'était pas des plus convaincantes.

— Bon, viens-en au fait, lâcha Yvannia d'un air las.

— Si je suis revenu, c'est parce que je l'ai trouvé.

Min-Rekh bondit, ainsi que le général.

— Trouvé ? Tu veux dire... ?

— Oui, vizir, j'ai retrouvé Salitis et son armée.

La Cité des Morts - Cycle du Kimet - Tome 3Where stories live. Discover now