Chant 6

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« De l'Orient, un peuple de race inconnue eut l'audace d'envahir notre pays, et sans difficulté ni combat s'en empara de vive force ; ils se saisirent des chefs, incendièrent sauvagement les villes, rasèrent les temples des dieux et nous traitèren...

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« De l'Orient, un peuple de race inconnue eut l'audace d'envahir notre pays, et sans difficulté ni combat s'en empara de vive force ; ils se saisirent des chefs, incendièrent sauvagement les villes, rasèrent les temples des dieux et nous traitèrent avec la dernière cruauté, égorgeant les uns, emmenant comme esclaves les enfants et les femmes des autres. »

— Texte de Manéthon au sujet des Hyksos, Contre Appion, Livre I, XIV

Salitis partit d'un grand rire et jeta le papyrus qu'il tenait à la main dans l'immense brasero qui se trouvait à côté de son trône.

— Cette imbécile de reine ! Femelle impie ! Elle est tombée dans le piège !

Le cœur léger et avec un air presque guilleret qu'on ne lui voyait jamais, il sortit. À la cour de Thèbes, ses espions travaillaient bien. Depuis de longues années, les scribes hyksos inondaient le royaume du Kimet de textes liturgiques hybrides. Mélange contre nature entre la vision optimiste et hédoniste de la religion locale et celle, austère et doloriste, du culte de Saklas.

Salitis avait en effet découvert que l'humain était facilement manipulable. Certains ne se contentaient pas de la philosophie des plaisirs et de l'abondance, ils voulaient que leur âme soit contrainte, ils demandaient que leur esprit soit dompté et mortifié. Du point de vue de Salitis, cela montrait la grandeur de Saklas. Créateur de toutes choses, il avait implanté dans la nature des hommes les graines de la sainte culpabilité et de la soif de rédemption.

Le roi avait alors imaginé qu'il suffisait d'amener petit à petit les humains les plus réceptifs à Saklas. Comme un shraag sauvage que l'on souhaite dompter et à qui l'on va jeter des morceaux de viande, de plus en plus près afin qu'il se rapproche.

Et cela marchait ! Certains avaient commencé à intégrer les idées philosophiques de Saklas en lisant des textes très légèrement orientés. Parmi ceux-là, une fois ces idées distillées dans leur conscience, quelques-uns en voulaient plus. Leur esprit ferré, un phénomène d'accoutumance jouait, il leur fallait une dose plus forte, leur âme demandait plus de repentir, plus de lumière du Dieu.

Certains partaient mener de longues ascèses dans le désert. Là, les Hyksos pouvaient les approcher et gagner leur loyauté. Ces quelques élus pouvaient alors être renvoyés dans le monde séculier et décadent d'où ils pouvaient œuvrer pour la cause de leur nouveau et unique Dieu.

— Dans sa grandeur et sa mansuétude, Saklas a choisi de sauver quelques humains, gloire à lui !

Et grâce à ces espions, il savait maintenant que la cour du Kimet et ses généraux faisaient fausse route. Ils imaginaient pouvoir intercepter un roi hyksos en route pour aller chercher des secours vers le nord, vers la mer... alors que les renforts étaient déjà présents depuis longtemps.

À cette pensée, sans se départir de son sourire de satisfaction, Salitis salua l'équipage d'un char qui passait non loin de lui. Celui-ci s'arrêta.

La Cité des Morts - Cycle du Kimet - Tome 3Where stories live. Discover now