Prologue

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Mara :

Je me tétanise, c'est quoi ce délire ?

Je suis entre la cabine de douche que je viens de quitter, et le banc des vestiaires qui se trouvait vide il y a encore quelques minutes. L'eau s'égoutte le long de mes jambes et mes pieds ont laissé des traces de pas sur le sol derrière moi.

Pourquoi Jack Spicher est devant moi, alors que je suis presque nue devant lui et ne fais rien pour s'excuser d'être dans le vestiaire des filles ? J'avale ma salive devant son air mutin, une mâchoire carrée. Des pommettes tranchantes. Un nez droit. Je reprends vite possession de mes moyens.

— Mon Dieu, tu m'as fait peur ! Qu'est-ce que tu fais là ?

Je ne connais pas vraiment le garçon devant mes yeux. Bien sûr, on se connaît, car je connais toutes les personnes populaires de cette fac, mais Monceau est grande, je dirais même gigantesque, une mini-ville dans l'immensité qu'est New-York. Il fait partie de l'équipe de basket, que je fréquente bien moins que l'équipe de football, donc on n'a par conséquent, jamais échangé.

Je resserre l'emprise de la serviette autour de ma taille, est-ce qu'il est là depuis longtemps ? Mes pieds prennent racine dans le sol et mes jambes refusent de bouger alors que son visage reste impassible.

Je fais claquer mes doigts devant lui pendant qu'il me fusille du regard.

— Hé ho ! Tu m'entends ! Qu'est-ce que tu veux ?

Il approche d'un pas, réduisant l'espace entre nous en avalant l'air suffisant pour que je me sente bien.

— Tu vas payer, dit-il d'une voix rauque et froide comme un couteau.
Spicher.
Mon visage passe de la confusion à la compréhension en une seconde.

Valentina.
Valentina Spicher. Et lui, Jack Spicher.

Jack est son frère. Le frère de celle que j'ai drogué il y a plusieurs semaines. Je lui ai donné un putain de verre empoisonné et elle a fait une overdose qui aurait pu la tuer, elle a passé des semaines hospitalisées pour essayer de s'en remettre, j'aurai pu la tuer, la tuer !

J'ai perdu mon seul ami à ce moment-là, Nil. Quand il a appris ce que j'ai fait, il n'a pas pu passer outre, et je ne peux pas lui en vouloir, j'ai failli tuer la meilleure amie de sa copine, bon sang ! Qu'importe les raisons, qu'importe la vérité, je lui ai donné ce putain de verre et elle s'est effondrée. Cette nuit me fait cauchemarder, cette nuit me hante, rien que de replonger à cette soirée me rend faible. Je me suis excusée, j'ai assumé, j'aurais accepté toutes les punitions possibles, même la prison.

Je le mérite.

Pourtant, Nil, Valentina, Lana et Wade n'ont rien dit. Je ne suis pas naïve au point de penser que c'était pour me protéger, mais ils l'ont fait, et même si je ne le comprends pas, je suis encore ici aujourd'hui grâce à eux. Vivant dans ma prison personnelle.  

Et maintenant, Jack Spicher est devant moi et a soif de vengeance, il veut me faire payer, sa frustration est visible dans ses billes sombres. Qui suis-je pour ne pas comprendre sa rage ?

Je pourrais me mettre à genoux, m'excuser, demander pardon. Mais je vois à son regard que ça ne servira à rien, il veut me voir en morceau et moi, moi ? Je suis Mara Myers.

Je suis la reine ici, et une reine ne s'agenouille pas. Jamais.

Alors j'inspire et m'approche si près de lui, que mes seins frôlent son torse. Je serre les dents, car un frisson inconnu me submerge au contact de sa chaleur.

Il me domine d'une tête, ses cheveux chocolat tombent sur son front et ses longs cils habillent ses yeux assortis. Mon cœur s'emballe à la tiédeur de son corps, et cela me prend bien plus longtemps que prévu pour mettre ma main libre sur son torse pour tenter de le repousser. Par réflexe, il attrape ma main, puis me libère, j'essaye de ne pas trop m'attarder sur le fait que j'ai apprécié qu'il la tienne.

— Alors, bonne chance, j'attends de voir ça, soufflé-je avec le maximum de confiance que je peux avoir en redressant ma colonne vertébrale.

Quelque chose passe dans son regard, comme un éclair de rage, mais il ne s'approche pas plus, il laisse échapper un rictus satisfait. Je souris de toutes mes dents, lui faisant comprendre que je me fous de ce qu'il me dit, et qu'il m'amuse plus qu'autre chose, des gars comme ça, j'en mange cinq au petit-déjeuner. Il se rend compte de ma stupide fierté et fait un pas, s'approchant encore de moi dangereusement, je soupire d'agacement et il approche doucement son visage du mien, et viens chuchoter à mon oreille

— Je vais adorer te mettre en pièce princesse.

Son haleine chaude caresse mon visage et son odeur de cèdre et de cannelle emplit mes narines. Je me concentre sur sa menace, grimace en entendant ce surnom débile et croise les bras autour de ma poitrine avant de partir vers mon casier. J'ouvre le petit carré en métal bleu, et en sors mon téléphone pour faire semblant d'être intéressée par les notifications que j'ai reçues.

— Alors, à bientôt, je présume, dis-je sur un ton sarcastique.

Je n'entends aucune réponse en retour, et je sais qu'il est parti quand la porte claque derrière lui. J'expire en reprenant mon souffle, mon cœur est lourd, ma gorge serrée. Ce mec pense sérieusement qu'il peut m'atteindre ? Je reviens de l'enfer, je n'ai rien ni personne à perdre. Aucune faiblesse, personne ne me menace, personne ne me parle comme ça.
Jamais.

S'il veut jouer, nous allons jouer, et il perdra. Ça, c'est certain.

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