33 | Peur

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Chère journal, j'aimerais aller tout habillée dans une fontaine.

Mara

Le lendemain, je me réveille. Mon esprit est un peu vaseux, mes hématomes sont douloureux. La place à côté de moi est vide, Jack est parti. Je laisse ma déception dans un coin de ma tête. Aujourd'hui j'enterre mon frère. Il me l'a dit vaguement cette nuit, entre ses baisers et les deux orgasmes qu'il m'a donné.

Une petite robe noire cintrée est disposée sur un cintre le long de l'armoire. Je souris en touchant le tissu, Jack a pensé à ça.

Je l'enfile. Je coiffe mes cheveux blonds dans un chignon impeccable et applique un rouge à lèvre rose, j'essaye de camoufler mes blessures derrière de la poudre comme je peux. C'est encore gonflé et violet mais ce n'est plus à vif. La clef de l'impala de Jack est disposée sur la commode. Sa voiture, son bébé. Il est parfait.

Je descends doucement et me dirige vers la voiture. Tout le monde dort, la maison est plongée dans un calme plat.

En arrivant au cimetière je suis seule sans grande surprise. Je regarde ma montre hors de prix, il est l'heure. Un corbillard se gare devant moi, trois hommes en sortent, transportant le cercueil en acajou noir de mon frère. Il aurait aimé la couleur peu commune, j'en suis sure.

Je les suis, marchant péniblement pendant que ma gorge se serre.

Le cercueil est mis dans le trou, je lance un lys blanc.

— Je te pardonne grand frère.

Des larmes ruissellent le long de mes joues, mon souffle est saccadé, ma respiration s'accélère. Je ne peux pas putain.

Je suis seule. Personne ne viendra.
Ses mots résonnent encore dans ma tête.

Des bras musclés me retiennent quand je tombe sur mes genoux, quand je relève la tête je vois Jack. Il est venu. Il me redresse, essuyant mes larmes avec ses pouces, regardant mon frère. Sa main prend la mienne et je continue à regarder le sable allant d'un sac au trou, encore et encore. Jusqu'à que le cercueil ne se voit plus. Une main prend la mienne disponible, je regarde, Nil. Il est à mes côtés lui aussi. Il sert plus fort quand je croise ses yeux gris. J'exprime toute ma reconnaissance dans mon regard. Puis une main me touche l'épaule. Quand je me retourne Sam est là. Son sourire en toute circonstance en place. Il a quitté ses vacances de rêves à Tahiti pour moi.

Les pièces se mettent en place, c'est pour ça que Jack n'était pas là ce matin, il est parti le chercher. Plus loin Lana et Valentina sont, elles aussi toute en noir, m'adressant un mouvement de tête. Hades, Todd et Spike se tiennent aussi appuyés contre la jeep de Nil. Ils sont tous là. Je les regarde tous un par un, les larmes aux yeux. Je ne suis plus seule. Quelqu'un viendra, toujours.

Nous prenons la route vers chez les Spicher. La main chaude de Jack me réchauffant la cuisse tout le trajet. Nous faisons la route que tous les deux, les autres sont montés dans le 4x4 et dans une autre voiture. Je ne peux pas exprimer à quel point je suis reconnaissante envers eux. À quel point j'aimerais que mon frère ait la chance de connaitre ça.

— Prête ? Me dit Jack devant la porte de sa maison familiale.
Je regarde les autres disparaitre dans l'habitation. En plus d'avoir organisé toute la mise en terre de mon frère, il organise chez lui le pot d'adieu.

Je hoche la tête en pinçant mes lèvres dans une fine ligne. Il vient m'ouvrir la portière et me tend sa main, que j'accepte comme si ma vie dépendait de ce contact.

Quand j'entre, la seule chose que je vois est mon père. Ses yeux bleus sont fixés sur moi, regardant mes blessures aux jambes, mes bleus au bras, mes croutes sous les ongles et mes bosses sur le visage. Mes yeux deviennent de nouveau humides, je ne pensais pas qu'il me restait encore des larmes en stock. Je n'ai pas le temps de bouger, qu'il fait les quelques pas qui nous séparent. M'entourant de ses bras et plaquant son corps contre le mien. Je pleure, pleure et pleure encore dans ses bras.
Pardon. Pardon. Pardon.

Je pleure plus fort. Il prend mon menton, me forçant à le regarder. Des larmes coulent aussi le long de sa joue.

— Ne t'excuse jamais. S'il y a une personne ici qui doit s'excuser c'est moi. Pardonne moi Mara, pour tout. Je t'aime tellement.

Il remet mon visage contre son torse jusqu'à que j'arrive à calmer ma respiration. Ils sont là. Ils ne sont pas partis. Ils n'ont pas fui. Peut-être que... non... et si ?

Non...
Mais si je n'étais pas un monstre ?

Le cheminement de mon cerveau continue à se faire. C'est une prise de conscience intense, fracassante. Et si, pour la première fois de ma vie, ce n'était pas ma faute ? Si j'acceptais que mon frère fût malade et que je n'aurais pas pu l'empêcher ?

Je secoue la tête, fatiguée, à bout. L'important c'est qu'ils sont là. Mon père et... Jack.

Sincity Frozen Campus Where stories live. Discover now