Chapitre 16 - Orion

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Une semaine qu'Orion n'avait plus vu Xan, nulle part, dans aucun cours ni rien. Des camarades avaient tenté de lui adresser la parole, mais il avait ignoré chacun d'entre eux. Le directeur l'avait convoqué par rapport à son absence, et il avait prétexté de la fièvre, et un besoin de rester se reposer dans sa chambre. Il avait pris soin de guérir ses blessures et de les cacher, comme si elles étaient un secret merveilleux qu'il réservait pour quelqu'un. Or ce n'était pas le cas, elles étaient le souvenir d'un enfer, le rappel de la surveillance, il ne pouvait rien faire ou rien dire qui ne serait pas remarqué. Quelque chose de terrible se préparait, mais il ne pouvait rien faire. Ou il mourrait.

Orion avait si honte, il désespérait d'envie de se cacher dans son lit à longueur de journée, de ne croiser aucun regard, eux qui semblaient tout savoir et l'accuser d'être complice. Et peut-être que c'était réellement ce qu'il était. Orion s'était torturé l'esprit en se disant que faire alliance avec le meurtrier le sauverait peut-être, il n'avait en effet aucune idée de ses intentions, mais était prêt à tout pour survivre.

Il se l'était promis lorsque sa sœur a disparu ; il vivrait et dévouerait sa vie à la retrouver. Et si elle n'était plus là, il vivrait pour elle. Peut-être était-ce de la folie, peut-être un excès d'altruisme, ou un manque d'amour propre, peu importait. La vie d'Orion ne valait rien sans celle de Camila, sa sœur, et il pourrait tuer pour la retrouver.

Il songea aux paroles de l'assassin, sur le harcèlement, les rires mauvais et les jugements. Orion savait à quel point une réputation pouvait basculer du jour au lendemain. Il avait connu un harcèlement, plusieurs mêmes, et s'était juré de ne plus jamais se montrer vulnérable, pour ne plus jamais vivre ce genre d'enfer. Le meurtrier avait touché un point sensible en évoquant cela, et Orion avait succombé, mais il ne pouvait pas prendre le risque d'être à nouveau une victime. Peu importait que cela fasse de lui le méchant ou un complice...

La fin de septembre annonçait un octobre fracassant, les arbres perdaient déjà leurs feuilles, déposant sur les sols des tapis orangés. Orion attendait le début du cours d'objets enchantés, posé contre l'une des arches donnant sur la cour principale, laissant son regard se balader sur la nature et les humains qui animaient sa vision.

- Orion ! fit une voix féminine au loin.

En se tournant lentement, il levait les yeux au ciel, c'était Bénédicte, la déléguée des élèves, elle lui faisait de grands signes en s'avançant vers lui. Orion poussa un soupir discret, puis força un sourire amical plus hypocrite que sympathique.

- Comment tu vas ? demanda celle-ci lorsqu'elle arriva à sa hauteur.

- Ça pourrait aller mieux.

- C'est pour ça que je suis là ! T'as entendu parler de la fête de ce weekend ?

- Bien sûr, qui n'a pas vu les affiches ?

Orion croisa les bras sur son torse. Cette soirée était annoncée depuis plusieurs jours, et tout le monde en parlait, Orion semblait l'un des rares à ne pas en voir l'intérêt. Bénédicte glissa une mèche de son carré roux derrière son oreille, et reprit :

- Je sais que c'est dur pour beaucoup en ce moment ; la situation, les cours, les amis... Enfin tu vois, il y a même des nouveaux en première année qui reprochent le manque de considération, ils ont l'impression d'être livrés à eux-mêmes et ignorés des plus âgés. Alors j'en ai discuté avec certains, et avec mes collègues, et aussi les adultes. On pense qu'on pourrait faire une petite soirée. Bien surveillée... Pour donner une autre chance à l'intégration des étudiants, et aussi pour fêter le lancement de la pièce de théâtre de l'année puisque les résultats des auditions auront lieu le jour-même.

- Je n'ai pas prévu de venir.

- Allez, Orion, tout le monde sera là. Ça te changera les idées, tu mérites d'avoir un peu de temps pour t'amuser.

- Et pourquoi donc ?

- Parce que tu es étudiant et qu'on a beaucoup de pression sur les épaules. Tout sera sécurisé et se passera dans la cour et le hall. Tu n'es pas obligé de rester du début à la fin, mais viens au moins dire bonsoir !

Orion acquiesça pour couper court à la conversation, Bénédicte s'en alla avec un clin d'œil, et la cloche annonçant le début des cours sonna, il se rendit donc dans la salle et s'installa au fond. Il s'agissait de son cours favori, « objet enchanté », le chapitre du moment portait sur les amulettes protectrices, mais on pouvait parler de tous types d'objets magiques et ensorcelés. Orion écouta donc la professeure discuter des manières dont fonctionnent les amulettes ; qui ont passé des années à être nourries de pouvoir, permettant ainsi de transmettre leur protection.

Orion se laissa distraire au fil du temps, pensant à Xan, aux paroles qu'il a pu lui envoyer, à sa disparition soudaine suite à cela... Il regretta d'avoir été si franc, mais c'était la meilleure manière de lui faire définitivement abandonner l'idée d'enquêter. Il espérait ne pas l'avoir trop blessé.e, puis se rassura en songeant que de toute façon il fallait bien passer par cette étape, c'est bien le cas de toutes les amitiés, et la raison pour laquelle il aimait tant la solitude.

Emporté dans ses pensées, Orion observa ses camarades, les amitiés, les rivalités, les secrets qu'ils se cachaient, les trahisons qui étaient faites en cachette. Orion savait tout, savoir lire dans les pensées avaient tout autant du bon que du mauvais. L'amitié était rarement sincère autour de lui, et il a rapidement évité ce type de relations.

Lorsque sonna la fin du cours, Orion fut soulagé, et il put enfin aller s'installer dehors, à lire tranquillement un livre. Mais une ombre vint le déranger, puis une voix.

- Je sais ce que vous prévoyez.

Quoi ? songea Orion en entendant ces mots. Il releva le visage sur l'air accusateur de Jess. Il retint un rire avant de demander :

- De quoi tu parles ?

- Xan qui disparaît après que vous ayiez passé tout votre temps ensemble, va pas me dire que ce n'est pas parce que vous avez une idée en tête.

- Bah en fait...

- J'ai bien compris, insista Jess en se rapprochant d'Orion. Vous comptez tuer quelqu'un ce weekend, à la soirée, faites-le et je saurai qu'il s'agit de vous.

- Mais comment ça pourrait être nous ? Pourquoi aurais-je fait ça ? demanda Orion, honnêtement confus par les hypothèses illogiques de son camarade.

- Ça il me le reste à découvrir, mais vous ne vous en sortirez pas aussi simplement.

Les sourcils levés, Orion se dit que Jess était en train de devenir fou pour tirer des conclusions si hâtives. Il posa son livre, se leva et atteignit la hauteur de Jess.

- Eh bien, on verra cela.

Jess plissa les yeux, et recula comme dégoûté. Il tourna les talons pour s'éloigner sans un mot, et Orion soupira d'épuisement avant de récupérer sa place et son livre.

Sous le murmure des ombresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant