Sous le murmure des ombres

Chapitre 5 - Pandore

Lors du dernier cours de la journée, histoire de la magie pure, le professeur rendait les copies d'un premier test rapide. Pandore avait sacrifié sa soirée détente pour réviser, et elle pensait sincèrement obtenir la meilleure note, cette fois-ci. Avant d'être une compétition avec les autres, son désir de réussir était surtout une compétition avec elle-même. Pandore a toujours voulu réussir, faire de son mieux, pour se donner la chance ultime d'entrer dans les plus grandes écoles de magie et participer aux concours du meilleur magicien. Cela provenait peut-être de son désir d'atteindre les sommets du monde, d'être la meilleure, mais surtout, elle voulait rendre sa famille fière.

Sa mère l'a toujours soutenue et encouragée à faire de son mieux, Pandore en était très reconnaissante et souhaitait lui prouver que son éducation a fait d'elle quelqu'un de merveilleux, d'extraordinaire. Son père, était décédé à ses neuf ans, rongé par des maladies physiques et mentales, la dépression l'a fait abandonner toute résistance, et il s'est laissé aller dans la mort. Pandore lui en avait voulu pendant des mois voire des années avant de brûler du désir de lui prouver qu'elle réaliserait une vie qu'il n'a pas pu vivre.

Depuis, elle n'a pas lâché les cahiers, les livres, les entraînements, n'a pas laissé de côté son pouvoir une seule seconde, et elle n'a fait qu'évoluer, passant de la petite fille innocente et naïve à celle qui contrôle, celle qui détruit et bat tout le monde.

Jusqu'à l'université, jusqu'à Hëna, qui avait cette même rage en elle, et ne lui laissait plus toujours la première place. Les professeurs encourageaient leur union qui les poussait à se dépasser à chaque instant, mais Pandore méprisait la jeune fille aux cheveux rouges qui la prenait tant de haut. Pandore avait oublié ce que cela faisait de ne plus être la meilleure, et cela l'enrageait.

Quand le professeur lui tendit sa feuille, elle l'attrapa et fixa le « 19/20 » en rouge en haut du test. Elle se mordit les lèvres, en glissant son regard du côté d'Hëna qui arborait un air ravi :

- Alors, Pandore, combien ? demanda-t-elle.

- Dix-neuf.

- Dommage, princesse, j'ai eu un parfait.

Hëna se pencha en montrant à l'étudiante sa note d'un air fier, ce qui donna envie à Pandore de lui renverser une table sur la tête.

- Ce n'est que le début, se reprit Pandore. Félicitations, mais tu n'es pas au bout de tes peines.

- J'ai bien peur que tu ne puisses pas faire mieux que vingt.

Le sourire provocateur de sa rivale l'énervait d'autant plus. Mais Pandore se calma, ses meilleures capacités n'étaient pas toujours celles notées, et elle avait toutes les chances de rattraper cette note. Liv rassura son amie en lui rappelant qu'elle avait déjà réussi à battre Hëna un grand nombre de fois, et que cela pouvait très bien se reproduire.

A la fin du cours, Pandore sortit la tête haute, et laissa ses camarades vaquer à leurs occupations, elle, devait se rendre au lac Tinnez pour se détendre. Elle se doutait que se rendre dans la forêt pour atteindre le lac seule n'était pas la meilleure des décisions en ces temps, mais Pandore avait besoin de régénérer sa magie.

En lisant des livres, la jeune fille avait pu en apprendre beaucoup sur la magie naturelle, celle qui ne demande pas de don spécial à la naissance. Très peu connaissaient cette magie, et elle faisait son maximum pour le cacher, elle n'allait pas laisser tant de potentiels rivaux connaître ces secrets. Il était alors possible de développer des sortes de pouvoirs, de protection, ou même plus. Cependant cela demandait beaucoup d'attention, de concentration, et de temps. Pandore préférait alors utiliser cette magie naturelle pour son bien personnel. Alors elle se rendit dans la forêt, ayant troqué son sac de cours contre un sac de matériaux et herbes magiques, qu'elle cachait habituellement dans un recoin de sa chambre. Par chance, le lac n'était pas loin de l'université, et elle ne marcha qu'une dizaine de minutes pour l'atteindre.

Arrivée devant cette espace majestueux d'eau, la jeune fille retira sa cravate noire, sa chemise trop grande qui reposaient sur sa jupe et ses collants noirs. En sous-vêtements, elle entra dans l'eau froide, non sans un soupir de surprise. Une fois entièrement dedans, elle se mit sur le dos, et s'allongea. La sensation de l'eau qui entourait complétement son corps la rassura, elle se sentait à sa place, entièrement. A l'aide de ses simples pensées, Pandore fit venir à elle un peu de basilic, de laurier et de lavande, qu'elle saupoudra autour de son corps. Elle invitait à elle la protection et la réussite, et elle se laissa méditer ici quelques instants. Elle laissait ses pensées se remplir d'affirmations positives, de songes de tendres sourires, de chance et de bonheur.

L'histoire avec Amélia s'était déjà atténuée, mais elle ne pouvait quitter son esprit, elle avait besoin de faire quelque chose, de trouver qui avait fait ça. Liv avait insisté pour qu'elle ne s'en mêle pas, mais c'était trop important pour elle, et elle saurait trouver un équilibre entre ses études et ce drame. Elle ne pouvait pas laisser Amélia reposer dans tant de mystères. Elle devait lui rendre un minimum de justice, même si elles se connaissaient à peine. Elle repensa à Hëna qui avait accepté de l'aider à contrecœur. Elle était persuadée qu'elles devaient faire un effort pour unir leurs forces, elles en tireraient le meilleur d'elles-mêmes.

Au bout de quelques minutes, Pandore sortit de l'eau, elle rejoignit la rive et se sécha en un instant par magie, et elle remercia son don mentalement de l'aider gagner tant de temps. Elle s'habilla de nouveau en vitesse et retourna à l'internat. La forêt ne lui inspirait plus confiance et elle évita de s'attarder sur les jolies fleurs sauvages et les écureuils qui lui faisaient de l'œil. De nature observatrice, elle aimait habituellement prendre son temps dans ce type de situation, mais considérant les risques qui entourent l'université, elle préférait retourner à l'internat directement.

Elle décida à la dernière seconde qu'elle ne passerait pas l'entièreté de sa soirée chez elle.