Chapitre 3

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Lior Rosenbach


            Je l'aime trop, cette fille. Son sourire et sa façon de rendre les choses si peu importantes. C'est étonnant, d'ailleurs. Karen est l'incarnation parfaite des ratés de la jeunesse dorée londonienne. Fille unique, pourrie gâtée par des parents absents. Droguée et légèrement dépressive. Elle est le drame incarné et elle s'en fout. Elle relativise, elle sait le faire. Rien n'est vraiment grave pour elle. Alors, forcément, vu que ça fait cinq jours que je déprime parce que je n'ai aucune nouvelle de Daël, elle m'a de nouveau forcé à la suivre en boîte de nuit, à la Fabric. Comme Karen ne sait pas vraiment comment réconforter les gens, elle s'est contentée de me mettre des verres d'alcool dans les mains. C'est vrai que ça va mieux.

Je m'adosse contre le mur derrière moi et la regarde danser. Je crois qu'elle est défoncée. Elle a dû se faire un rail quand j'avais le dos tourné. Elle a au moins eu la décence de me le cacher. Neil est là, ce soir, je crois que c'est lui qui l'a fournie car je les ai vus ensemble en début de soirée. Il n'est pas venu me voir. On a beau eu le suivre plusieurs nuits de suite, on n'a jamais pu l'approcher, ni lui, ni ses patrons. Notre mission sauvetage s'est révélée un tel échec qu'on a fini par juste sortir et se bourrer la gueule comme avant. J'en viens même à me demander si tout ça n'était pas qu'une simple excuse pour tout recommencer.

Karen m'invite sur la piste de danse, mais je refuse d'un geste de la tête. Ça tourne beaucoup trop là-dedans, je n'ai pas envie de m'éclater la gueule devant tout le monde. Elle râle puis part danser avec quelqu'un d'autre. Je ferme les yeux. En fait, c'était des conneries. Ça ne va pas mieux. Peu importe l'ivresse. Je cherche mon portable du bout des doigts dans le fond de ma poche. Je le sors et observe l'écran. Cinq jours. Cinq putains de jours. Je ne suis pas sûr qu'on ait été séparés aussi longtemps avec Daël depuis que je suis sorti de la clinique.

Je sors de la piste de danse pour rejoindre le coin fumeur, j'ai besoin de prendre l'air. Je me fraie un chemin entre les danseurs, mon portable toujours dans les mains. Enfin à l'extérieur, je compose le numéro de ma cousine. C'est toujours elle que j'appelle quand ça ne va pas, surtout depuis que je ne parle plus à Grace.

— Allô ? me répond Lili après quelques sonneries dans le vide.

— Je devrais l'appeler, non ?

Je l'entends soupirer au bout du fil.

— Oui, je te l'ai déjà dix mille fois.

— En même temps, il pourrait appeler, lui aussi. Pourquoi ne le fait-il pas ?

Je crois qu'elle va me tuer. On a cette conversation tous les jours. Littéralement, tous les jours.

— Peut-être parce que tu lui as clairement dit qu'il t'étouffait, rétorque Lili. Il te laisse juste respirer.

— Il me manque.

— Rappelle-le. Qu'est-ce que tu veux que je te dise ?

— Je veux qu'il fasse le premier pas.

— Tu me fais chier, Lior.

Lili me raccroche au nez et je n'arrive même pas à m'en offusquer. Je sais que je suis chiant à ne jamais savoir ce que je veux. Je range le portable dans ma poche et sors mon paquet de cigarettes. J'en coince une entre mes lèvres alors qu'un mec vient m'aborder.

— Salut.

— Salut, réponds-je, indifférent.

— Tu serais intéressé par un peu de coke ?

Cette fois, ma réaction trahit le fond de ma pensée.

— J'ai de la bonne qualité.

« Non. » Putain, ce n'est pas si compliqué.

LOVERS - Personne d'autre que toi (Tome 3)Where stories live. Discover now