Chapitre 10

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Lorsque la porte de la grande maison s'est ouverte et que Jordan m'a priée d'entrer, j'ai été surprise de ne pas me retrouver face à une horde de jeunes gens survoltés, se déchaînant au rythme d'une musique forte à en crever les tympans. Contre toute attente, c'était calme. C'était même trop calme. En balayant promptement la vaste pièce du regard, j'ai compté sept personnes, dont Didier et Marine.

— C'est ça le « max de filles » que Didier t'a demandé d'inviter ? ai-je discrètement glissé à Jordan, suspicieuse.

Le garçon s'est gratté la nuque, l'air un peu embarrassé.

— Et toi, t'étais pas censée ramener une pote ?

— Elle n'a pas voulu venir.

— Bah pareil pour la plupart de mes invitées.

Je lui ai lancé un regard incrédule, mais il ne m'a pas laissé l'occasion de poser plus de questions car m'a traînée devant le groupe de garçons languissant près d'un buffet plus ou moins fourni. J'ai au même moment, distingué une dizaine de bouteilles de différents alcools qui était seule à occuper l'espace de la table réservée aux boissons.

— Ah, la prof m'a honoré de sa présence ! Je suis flatté ! a plaisanté Didier.

Jordan a maugréé quelque chose qui a semblé calmer les élans sarcastiques de son ami.

— Pour ceux d'entre vous qui ne la connaissent pas, c'est...

— Kelly, l'ai-je interrompu en pensant être apte à me présenter toute seule comme une grande.

— Arnold.

— Ludovic.

— Guy.

— Sarah ! a clamé la fille qui prenait des selfies avec Marine près de la fenêtre.

Je les ai trouvées très jolies. D'ailleurs, j'ai comme qui dirait constaté avec un brin d'amertume qu'elles étaient maquillées et proprement coiffées, pas comme moi qui avais débarqué avec mes six nattes collées vieilles d'une semaine.

Guy et Ludovic, des frères, étaient loin de me paraître étrangers. Il n'y avait que deux personnes dont les visages ne me disaient absolument rien.

— Arnold et Sarah sont à Vogt, a précisé notre hôte, comme anticipant ma prochaine question. Quant au reste, tu dois certainement  tous nous connaître au bahut.

Haha, évidemment, messieurs et madame les stars !

J'ai acquiescé en forçant un sourire, malgré l'envie presque irrépressible de lui présenter mon majeur.

— Joyeux anniversaire, lui ai-je tout de même souhaité.

L'ambiance était très placide. Les visages plongés dans les écrans de leurs portables, personne ne disait mot. Si c'est donc ça les fameuses fêtes entre populaires auxquelles tous les élèves rêvent d'assister...

J'ai occupé l'une des chaises vides, et à mon tour dégainé mon téléphone sur lequel je me suis concentrée. De temps à autre quelqu'un lâchait une blague et toute la bande rigolait, mais c'était toujours à propos de choses dont je n'avais aucune référence, et cela me donnait la désagréable impression d'être de trop, alors je restais silencieuse.

Environ une demie heure plus tard, Jordan est venu me voir. « Ce n'est pas trop tôt », l'ai-je intérieurement blâmé. Il s'est assis près de moi et m'a dit qu'il avait le sentiment que je m'ennuyais. Je lui ai répondu qu'il ne se trompait pas.

— C'est peut-être parce que tu restes trop sur tes gardes. Essaye un peu de te détendre. Tiens par exemple, tu n'as rien avalé depuis que t'es là. Je sais... Tu me diras très certainement que tu ne bois pas. Mais ce n'est qu'une soirée, si tu te lâches un peu, t'auras pas remis en question tous tes principes. Tu peux me croire, c'est pas en avalant quelques verres que tu foutras ton année scolaire ou ton avenir en l'air.

Le roman de Kelly Where stories live. Discover now