Les origines du louvetier

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Enfin seul dans ma chambre, vêtu d’une longue chemise en lin que j’utilisais pour dormir, j’inscrivais dans mon carnet les péripéties de cette première journée. Sous la lueur rougeoyante d’une bougie, assis derrière mon écritoire, je grattais le papier vélin de la pointe de ma plume. La fatigue irritait mes yeux et je ne cessais de bâiller. Quand tout fut retranscrit, je me levai et, ma chandelle en main, m’installai au lit.

L’auberge était bien confortable malgré le vacarme encore en cours dans la salle de convivialité située juste au-dessous. On pouvait également entendre le ballet incessant de portes qui s’ouvraient et se refermaient, accompagné par le grincement des lattes et de bruit moins glorieux d’organismes que l’on vide.

Je dénouai le ruban de mon catogan puis laissai mes cheveux reprendre leur liberté. Ma main effleura la surface froide et métallique de ma nouvelle entrave. Je ne savais que penser d’un tel dispositif, signe tant de soumission que de protection. Je me sentais honteux à vrai dire, assujetti à cet alpha et relégué au rang de canin docile. Pourtant, cet objet de disgrâce me rassurait et me permettait d’être serein quant à ma promiscuité avec l’énergumène que je devais étudier. Sans compter qu’il était fort possible de rencontrer quelques dragons et soldats de passage comptant en leurs effectifs de potentiels alphalensis.

Au lieu de me perdre dans de telles conjectures, je réunis suffisamment de salive en mon palais puis pris l’un de mes suppresseurs que j’avalai en grimaçant. Ma médecine ingérée, j’ôtai mes besicles puis soufflai sur la flammèche, autorisant la pénombre à envahir mon cocon. Enfin, je m’allongeai et fermai les yeux, me laissant transporter dans les bras de Morphée.

***

Il faisait chaud en cette après-midi. Le soleil brillait dans ce ciel bleu azuré dépourvu de nuage. On pouvait ainsi admirer le paysage vallonné où champs et bosquets s’étendaient jusqu’à l’horizon.

Plus nous nous enfoncions vers le sud, plus le territoire s’ensauvageait. La forêt étendait son emprise de sa gigantesque masse sombre où pins et chênes s’érigeaient parmi les arbres annexes. La présence de l’homme se faisait moins régulière. Désormais, les bêtes d’élevages prenaient possession des pâturages verdoyants établis parfois à flanc de falaises. Par moments, des torrents vomissaient leur flot d’eau écumeuse dans les vallées situées en contrebas. Dans les massifs montagneux, les chemins se faisaient plus hasardeux et les montures rechignaient à avancer, apeurées par le moindre bruit suspect ou un obstacle qui jonchait la voie.

Las de cette neuvième journée de trajet, nous regardions le paysage sans réel entrain. Mon organisme souffrait de ce périple. Je ne supportais plus de rester assis, séquestré dans cet habitacle où les assises moelleuses de prime abord étaient devenues une véritable hantise. Mes articulations me faisaient mal, j’avais les membres raides et changeais en permanence de position afin d’espérer trouver un minimum de confort. Pour couronner le tout, le collier m’étranglait et me démangeait sans que je parvienne à glisser ne serait-ce que mon auriculaire pour me gratter.

Incommodé par la chaleur étouffante, j’entrouvris la vitre pour laisser pénétrer un filet d’air frais dans ma cage d’acier. Ce mouvement effectué, un tiraillement me foudroya la nuque. Je gémis et tressaillis par réflexe. De la pulpe de mes doigts, je palpai l’irritation que le collier me provoquait, due aux frottements et à la sudation. Depuis deux jours, ma chair était rougie et parsemée de boutons. Sur les abords de la mâchoire et des clavicules, un fin liseré pourpré suintait.

— Faites-moi voir, demanda gravement mon acolyte.

D’abord interdit, je me pliai à sa demande. Je glissai ma main dans la poche pour en sortir la clé, redressai la tête et le laissai ôter les sangles. Méticuleusement, il écarta les pans du collier. Quand le fer libéra ma nuque, il grimaça et me darda d’un regard réprobateur.

Entre Chien et LoupWhere stories live. Discover now