Alter Ego

Chapitre 5- Le choc

Une fois notre repas terminé, Murray est resté avec moi encore une bonne heure, avant de repartir. Il voyait bien que quelque chose me tracassait, je lui ai alors expliqué que j'étais simplement très fatiguée. Ce qui était vrai, il m'a donc laissée me reposer. Je n'avais vraiment pas la force de tout lui expliquer, et je n'étais pas sûre de pouvoir encaisser les questions.

J'ai dormi pendant pratiquement 2h, d'après l'heure sur ma montre à mon réveil. En ouvrant les yeux, j'entendis la télévision dans le salon. Je me pencha pour regarder à travers la verrière de la mezzanine, et m'aperçut qu'elle était allumée. Ezra avait dû revenir pendant que je dormais.

Je descendis les marches menant au salon, et le découvrit dans la cuisine, en train de faire cuire des gaufres. Quand il m'aperçut, il me souria, et me dit :

-J'espère que t'as la dalle, je me suis un peu emballé sur les quantités. Empilées dans des assiettes, deux montagnes de gaufre refroidissaient à côté de mon frère ; ça me fit rire. Je me dirigea vers la cuisine et récupéra une des assiettes, ainsi que du sirop d'érable rangé dans un placard. Je pris ensuite place dans le canapé et attendis qu'Ezra ne me rejoigne, ce qu'il fit au bout de quelques instants.

-Mmmh, elles sont super bonnes ! lui dis-je la bouche pleine.

-Ouais, je suis plutôt fier. C'est grâce à cette recette de gaufre que j'ai pu séduire Lana, me répondit-il dans un éclat de rire. L'entendre s'esclaffer ainsi, le son ricochant sur les murs, c'était une thérapie incroyable. Comme si son rire était palpable, vivant, comme de la colle agissant sur ma plaie béante à l'intérieur. Me voyant perdue dans mes pensées à nouveau, Ezra reprit ;

-Ça te dirais de sortir ce soir ? D'aller prendre un verre avec Eliott, Morgane et les autres. Ils seraient contents de te voir, et ça te ferais aussi du bien de retrouver le monde extérieur en dehors de la fac et de Charlotte. Tu te comportes de plus en plus comme un ermite.

Je réfléchis un court instant à sa proposition. Cela faisait plusieurs semaines que je n'étais pas sortie avec mes amis hors fac. Ma vie en ce moment - étant chamboulée par les visions, les cauchemars et les sauts dans un semblant de monde parallèle, se résumait à aller à la fac, me nourrir (vaguement), et dormir. Et je dois avouer que ça me convient. J'aime être seule, je n'ai jamais eu peur de la solitude, même si je ne l'ai jamais vraiment été. Ezra était toujours là, dans tous les moments de ma vie. Ce n'était pas une solitude physique, mais émotionnelle. Bien qu'il soit là, j'avance seule, je pose les pierres qui créent mon chemin, et plante les fleurs qui le borde. Et ça ne m'a jamais dérangée. Malgré tout, mes amis me manquent. Je dois reprendre une vie normale, en commençant par sortir de cet appartement. Je répondis donc ;

-D'accord. Je viendrais avec toi.

~Samedi soir~

Au moment de sortir de l'immeuble, j'eue la peur de revoir le corbeau, toujours écrasé sur le sol. Je n'avais pas osé regarder par la fenêtre de mon appartement pour vérifier. Mais heureusement, il avait été enlevé du trottoir.

Le bar qu'Ezra avait choisi était bondé. Comme pratiquement tous les bars un samedi soir. Eliott, Mathy, Morgane et Logan nous attendaient, attablés à l'extérieur. Dès qu'il me vit, le visage d'Eliott s'illumina. Quand nous avons emménagés dans cette ville, Eliott a été le premier ami d'Ezra. La première fois qu'il m'a rencontrée, il n'a pas détaché ses yeux de moi. J'ai toujours su qu'il avait un faible pour moi, qui s'est accentué quand nous avons commencé à coucher ensemble quelques mois après mon entrée à la fac. Je crois qu'Ezra ne l'a jamais appris. J'avais toujours été claire avec Eliott ; je ne voulais pas de relation sérieuse, je passais donc mon temps à le repousser, sauf quand la tentation était trop forte. Evidemment, la place à côté de lui était vide, et Ezra prit soin de s'assoir près de lui, ce pour quoi je le remercia silencieusement. Je m'installa donc à côté de mon frère.