D. Je suis une FEMME

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Savoir qui on est véritablement est un exercice difficile. Le devenir l'est deux fois plus. Le chemin pour y arriver est long et semé d'embûches. Ne s'y aventure pas qui veut, mais qui peut.

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Depuis le bas âge, j'ai toujours rêvé d'être une fille. Je voulais porter des robes, me maquiller, faire tout ce que les autres filles font. Au début, je croyais que j'étais juste un petit garçon efféminé. Toutefois, au fil des années, je me sentais de moins en moins à l'aise dans le corps dans lequel j'étais. Ce corps de petit garçon était incompatible avec la personne que j'étais au fond. Le contenant était inadapté au contenu.

J'en souffrais énormément. Je considérais cette différence comme un lourd fardeau. Et comme si cela ne suffisait pas, j'ai vécu des traumatismes durant mon enfance qui n'ont fait qu'empirer les choses.

En effet, en classe de 5e, j'ai vécu une situation qui m'a laissé des séquelles. Un jour, alors que j'avais fini les cours à 11h, je suis restée dans ma classe pour attendre une amie qui, elle, finissait à midi. Hormis moi, il n'y avait personne d'autre dans la classe. C'est à ce moment-là que deux autres garçons, beaucoup plus grands que moi, sont entrés. L'un d'entre eux s'est approché de moi et a dit : « C'est toi le petit pd là ! Comme tu veux être femme, on va t'aider. » Juste après, son acolyte m'a saisi. Il s'est mis à descendre son pantalon sous mes yeux. Le choc s'est emparé de moi. Je n'arrivais pas à crier vu qu'il m'a menacé. Puis, il a introduit son pénis dans ma bouche. Je tentais de me débattre. Mais son ami me donnait des coups dans le ventre. Finalement, je me suis laissée faire vu que plus, je me débattais, plus, il me frappait.

La classe était située derrière un grand bâtiment. Malheureusement, personne ne nous a entendus. Cette scène m'a beaucoup traumatisé. Je me sentais sale, souillée. Il me suffisait de fermer les yeux pour revivre cette horrible scène. Par la suite, j'ai eu des dépressions et des crises de panique. Un jour, j'ai même voulu mettre fin à mes jours tant la douleur de cet abus était difficile à supporter.

Je ne pouvais pas en parler autour de moi. Qui m'aurait cru ? Il aurait suffi qu'ils donnent une version contraire à la mienne pour décrédibiliser mes dires. Et même si la vérité finissait par être découverte, ça n'aurait pas changé grand chose. On m'aurait sûrement dit que je l'avais mérité. J'aurais été la risée de toute l'école.

Comme je l'ai dit au début, j'ai toujours rêvé d'être une femme. Mais, c'est à 19 ans que j'ai pris la décision d'effectuer ma transition. En ce moment, je vivais chez ma grand-mère. Pour elle ainsi que tous les autres membres de ma famille, mon désir de devenir une femme n'était qu'une crise d'adolescence. Personne ne me prenait au sérieux. Ils se disaient tous que c'était passager et que j'allais finir par abandonner cette idée.

Avec l'argent de poche que me donnait mes parents, je me suis acheté des hormones que je prenais. Mais, il me fallait plus d'argent. Vu que je n'avais pas de soutien, j'ai fini par quitter la maison.

Grâce à une amie, j'ai intégré un réseau de prostitution. C'est un monsieur qui se chargeait de nous trouver des clients et en retour, on devait lui verser 15.000 francs CFA par semaine. J'étais aussi sur des sites de rencontres privés et payants. En réalité, notre proxénète avait une structure de mannequins. Mais, celle-ci n'était qu'une couverture pour ses activités peu catholiques. Je n'ai pas fait long feu en tant que prostituée car non seulement, je ne gagnais pas grand chose, mais aussi, c'était très difficile tant au plan physique que moral. Aujourd'hui, je vis de la vente d'articles sur Internet.

Dans ma famille, ma mère est la plus tolérante vis-à-vis de la personne que je suis. Elle dit qu'elle va toujours prier pour moi afin que Dieu me guide sur le bon chemin. Mais concernant mon père, il s'oppose farouchement à ma transidentité. Ça ne m'a pas vraiment surpris de sa part car il voulait me marier de force à une fille. En grand homophobe qu'il est, il ne conçoit pas que j'aie voulu adapter mon corps à la personne que je suis. Pour lui, je suis une honte. Quand j'ai commencé ma transition, il a envoyé des gens vers moi pour soi-disant me ramener à la raison. Mais, j'ai préféré me choisir et depuis lors, je n'ai plus eu de ses nouvelles.

J'ai décidé de m'éloigner de la grande famille. En effet, pendant que je sentais de la pitié dans le regard de certains, je voyais de la haine chez d'autres. Même s'ils ne sont pas d'accord avec mon choix, j'aimerai toujours mes parents et il y aura toujours une place pour eux dans mon cœur.

Au début de ma transition, les gens avaient des doutes. Mais, grâce à la prise d'hormones, plus personne n'en a aujourd'hui. Je ressemble bel et bien à une femme. Toutefois, je ne suis pas encore satisfaite. En effet, ma transition n'est pas complète. J'aimerais subir une opération pour changer de sexe car j'ai l'impression que cela me bloque dans mes relations avec les hommes.

Ce n'est pas facile d'être une femme trans au quotidien. Nous ne sommes qu'un fantasme pour plusieurs hommes hétérosexuels. Ils nous veulent dans leur lit seulement la nuit, à l'abri des regards. Quand vient le moment d'assumer, il n'y a plus personne.

Je suis tombée amoureuse d'un mec qui croyait que j'étais une femme de naissance. Je savais que mon amour pour lui était réciproque vu qu'il me parlait de mariage et d'enfants. Cependant, j'avais peur de lui avouer la vérité. Je ne savais pas comment il allait réagir. Donc, j'ai dû mettre fin à la relation. Je ne voulais pas souffrir encore. Car oui, il y a un autre à qui je l'ai avoué et qui l'a très mal pris. Il m'a étranglé. J'ai failli mourir ce jour-là.

Être une femme trans, c'est difficile car nous sommes constamment exposées à des risques. Par exemple, un mec qui m'a invité dans une résidence m'y attendait pour me tendre un piège. Heureusement, j'y ai survécu. Mes amis homosexuels se révèlent parfois être mes principaux bourreaux car ils ne se gênent pas pour raconter aux gens que je suis une personne transgenre. C'est la raison pour laquelle je préfère ne pas les fréquenter.

Même si je n'ai pas vraiment de religion, je crois en Dieu et à son amour pour moi. Je rêve de trouver un homme qui va m'aimer réellement et qui ne sera point dérangé par le fait que je suis transgenre. Je garde espoir qu'un jour, je connaîtrai l'amour et la paix.

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Quand j'ai vu qu'une femme trans m'avait contacté pour me partager son vécu, j'ai sauté de joie car c'est tellement rare d'en trouver. J'espère qu'à travers son histoire, vous avez appris. Cultivez l'amour et la tolérance autour de vous !

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