𝓒𝓱𝓪𝓷𝓽𝓮 ! [Livai x OC]

2. La flûte enchantée (2/2)

— Plus droite, bon sang. Cessez donc de vous avachir sans cesse. Vous ne sentez donc pas que l'air passe mieux quand votre dos est aligné avec vos talons.

Suzanne se retint de soupirer devant cette énième remarque de son autoproclamé professeur de chant. Après avoir enchaîné plus de dix heures de travail debout sans prendre de pause, elle s'était rendue directement dans la chambre de Madame Ackerman qui l'attendait de pied ferme avec de nouveaux exercices. La blonde avait commencé à regretter sa décision en seulement quelques minutes à peine de pratique de respiration. Pour ne pas perdre contenance, elle se remit en position droite, tenant d'ignorer la douleur de ses talons ancrés dans le sol.

— C'est mieux ! Levez-la tête et regardez droit devant vous. Oubliez votre condition humaine.

Le regard portant vers la fenêtre ouverte, l'aide-soignante tenta de mieux visualiser ce qui se passait dehors. Les nuages défilaient à toute allure soufflés par le vent du soir. Les branches des arbres plièrent perdant au passage quelques-unes de leur feuille verte. Suzanne suivit le voyage de l'une d'entre elles virevoltant entre les courants d'air avant que cette dernière ne disparaisse de son champ de vision, sûrement pour se poser dans le centre de la cour vide à cette heure avancée.

— Lancez-vous, chuchota la voix chaude à son oreille.

Sans perdre sa concentration, Suzanne attendit quelques secondes supplémentaires avant de projeter sa voix telle que Kuchel lui avait expliqué. D'une simple expiration tout l'air contenue dans son ventre s'expulsa dans une note aiguë maintenue et mélodieuse.

— Parfait, c'était très bien. On reprendra demain en enchaînant plusieurs notes.

La blonde ne comprit pas de suite ce qui venait de se passer, reprenant le fil de ses pensées au fur et à mesure. Elle avait senti le changement produit dans son corps, son ventre qui se dégonflait en même temps qu'elle tenait la note puissante, le résonnement dans ses cordes vocales et dans sa tête. Le sentiment de pouvoir monter encore plus haut avec un peu d'entraînement lui donnait envie de recommencer pour pouvoir connaître sa limite. Pour la première fois, depuis qu'elle avait accepté la proposition de la cinquantenaire, elle s'amusait et ressentait ce sentiment de liberté qu'on lui avait tant vendu, grâce à une seule note.

— Avec plaisir ! sourit-elle de toutes ses dents avant de souhaiter une bonne soirée à la femme et de retourner chez elle pour se reposer et de repenser à toutes les sensations qu'elle venait d'avoir.