3- Le dîner

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10 octobre, 20 h.

Je sonne à la porte et, étonnamment, c'est Némésis qui m'ouvre.

- Salut, microbe, dit-elle en se décalant pour me laisser entrer.

- Salut, Nem. Pourquoi c'est toi qui m'ouvres et pas les vieux ? dis-je en entrant et en retirant mes chaussures.

- Déjà, parce que j'étais à côté, et puis tu avais peut-être envie qu'ils t'ouvrent ?

- Euh, non, répondis-je, désemparé. D'ailleurs, tu veux bien me payer un plein d'essence ? Non franchement, un loyer pour un dîner de merde, ça ne suffit pas.

- Attends quoi ? Direct comme ça ? Même pas un « as-tu passé une bonne journée ? » Dit-elle en croisant les bras.

- Je peux toujours repartir, lançais-je avec un ton de rigolade en attrapant mes chaussures.

- Non non, c'est bon, je te ferai le plein d'essence, tu as gagné.



Je souris victorieux et je me dirige vers le salon. Ils sont là, assis sur le canapé en train de discuter. Je racle ma gorge et je les salue. Je vois leurs sourires hypocrites, alors je fais de même. Je m'assois sur le canapé en face de leurs fauteuils et ma sœur me rejoint. J'écoute alors mes parents et Ném parler. Je n'interviens pas, je n'ai pas grand-chose à dire. Je regarde mon téléphone en espérant que James a besoin de moi.

~~

Après une quinzaine de minutes de discussion inutile, le moment du dîner arrive enfin. J'avais vraiment faim à ce stade. Je prends place toujours à côté de Nèm, et le repas commence. Je me sers et commence à manger. Les plats sont pas mal du tout. Mes parents sont peut-être mauvais, mais pas leurs plats.

- Alors, comment s'est passée ton inscription à ta nouvelle université ? me demande ma mère en me servant de l'eau.

- Mh... assez long, mais c'est fait. C'est une bonne université. Merci, répondis-je en attrapant mon verre d'eau pour le boire.

- C'est extrêmement dommage que tu aies dû changer d'école en cours de route. Nous t'avions inscrit dans une si bonne école... lance mon paternel en coupant sa viande.

- Ton père n'a pas tort. Cette université aurait pu t'ouvrir tellement de portes... Et puis, on aurait pu passer de si bons moments en...

- Non, arrêtez-vous. Lâché-je. Vous savez très bien pourquoi je suis parti. Arrêtez de remettre cette discussion sur le tapis. Je ne reviendrai pas, pas la peine de me supplier. Je me sens bien dans ma nouvelle université.

Mes deux parents se lancent un regard sans rien dire, et je soupire en regardant Nèm. J'ai failli faire exploser la bombe, je devrais me calmer un peu. Mais ils m'ont tout de même cherché. Ils ont commencé à me taquiner.

Ils reprennent alors leur discussion comme si rien ne s'était passé, et heureusement. Ils enchaînent les plats sans s'arrêter. Je ne comprendrai jamais comment ils font pour autant manger. Je m'étais alors plongé dans mes pensées en repensant à la journée de ce matin. C'est vrai que le regard d'Eli m'avait transpercé. Je n'aurais jamais pu croire que je la croiserais plutôt. Ses yeux clairs m'avaient manqué, néanmoins. Un regard si vif qui pourrait te donner de l'énergie à chaque coup de mou... Mais pourquoi je repense à elle, je ne devrais pas. Elle m'a lâché pour ses autres amis, je ne devrais plus y penser.

Je bois alors un verre d'eau avant de le remplir une seconde fois, puis je me reconnecte à la réalité en me joignant à la conversation. De ce que je peux comprendre, ils parlent d'activités culturelles. Mon père m'interpelle alors sur ce sujet :

- Alors, que fais-tu après les cours, fiston ?

- Je travaille, ou je compose, comme d'habitude, à vrai dire...

- Je n'arrive pas à croire que tu continues avec ta musique de rue. Moi qui croyais qu'en changeant d'habitation, tu allais devenir quelqu'un de responsable... me lâche-t-il tout en me dévisageant.

- Pardon ? répète un peu, dis-je en sentant la colère me monter au nez. Musique de quoi ?

- Musique de rue, tu as très bien entendu. Tu aurais pu te concentrer sur tes études et devenir un grand historien, mais non, tu préfères composer comme les artistes de rue.

- Alors là, je ne te permets pas !, réponds-je en me levant. Que je sache, tu n'as pas ton mot à dire sur mes choix de vie.

- Si, à vrai dire, nous sommes tes parents, tu dois nous écouter... me dit calmement ma mère.

- Non, non, et non, je ne vous laisserai pas me détruire une seconde fois, répliquais-je en sortant de table. Vous m'avez assez pourri la vie ces dernières années à cause de mes choix, et je ne vous laisserai pas le faire une seconde fois !, crachai-je avant de sortir dans le couloir pour prendre mes affaires.

Je vois alors Nèm me suivre avec un regard désolé. Elle s'excuse de m'avoir forcé, sort de sa poche les chèques qu'elle me devait et les met dans mon sac. Je sais qu'elle se sent coupable, alors je la prends simplement dans mes bras pour la rassurer. Je lui conseille aussi de s'en aller, mais je ne sais pas si elle le fera. J'entends mon père m'injurier dans tous les sens, mais je fais preuve d'ignorance. Je récupère mes affaires et embrasse ma sœur sur la joue avant de m'éclipser de cette maison d'enfer. Je ne pensais pas que cela finirait aussi tragiquement ce soir.

Je me dirige vers ma voiture en soupirant profondément. Je prends une grande inspiration pour me calmer, puis je monte dedans pour essayer de m'éloigner au plus vite de cet enfer.

Une fois arrivé, sans perdre de temps, je dépose mes affaires et accroche mon manteau avant d'aller dans la salle de bains pour me changer.

Une fois changé et débarbouillé, je me jette alors dans mon lit en repassant tous les événements de la journée dans ma tête. Mon père voulait continuer à me confronter même par téléphone, mais j'ai fini par l'ignorer. Comment peut-on être si renfermé pour une telle chose ? Je me demande comment j'aurais pu réagir si j'étais resté à table. Je ne comprends vraiment pas pourquoi ils sont si peu tolérants envers la musique. Cette situation me désespère. Mais je ne dois pas prendre en compte leurs avis. J'ai changé de fac et de lieu de résidence, ce qui signifie que je commence une nouvelle vie.

Je me retourne plusieurs fois dans mon lit en soupirant. Pourquoi je repense encore à elle ? Elle n'était plus censée faire partie de ma vie, pourquoi revient-elle maintenant...

Je pose mon téléphone au loin et finis par m'endormir au fil des minutes qui s'écoulent, épuisé par les tragiques événements de la soirée.

Fated MatesWhere stories live. Discover now