À vrai dire, j'évite les bustiers. Je n'ai pas de quoi les tenir. Malgré les remontrances de ma voisine, je finis par la convaincre que ce n'est pas la bonne.

Les tenues défilent. Je me prête au jeu alors que je sais très bien que je n'ai pas de quoi payer. Peu importe le vêtement de cette boutique. Mon père a raison sur une chose: je ne peux pas m'amuser à dépenser de l'argent sur des choses qui ne sont pas essentielles. Et manifestement, un déguisement mexicain n'est pas l'une de ces choses.

J'ajuste la fermeture de la robe avant de lever les yeux vers mon reflet.

Eh bah putain. Celle-là envoie vachement.

Le haut de la robe ressemble presque à un corset. Les tissus rouge et noir s'entremêlent joliment dessus et deux rubans noirs se nouent au décolleté -du moins sur le peu que je possède-. Les manches fines tombent bas, laissant ainsi mes épaules dénudées. Pour ce qui est de la jupe, elle est entièrement noire, légèrement bouffante et m'arrive un peu au-dessus des genoux.

J'imagine bien ça avec un maquillage squelette et un chignon bas. Pour une fois, je tourne sur moi-même, émerveillée. Je n'ose pas regarder l'étiquette qui pend dans mon dos, essayant de préserver l'illusion le plus longtemps possible.

Lorsque je sors pour montrer le résultat à Madame Herrero, elle ne réagit pas tout de suite.

— Je pense que j'aime bien celle-là.., soufflé-je timidement. Par ailleurs, même si j'ai été ravie de faire les boutiques avec vous et que je me suis beaucoup amusée, je suis obligée de vous dire que je ne peux pas me permettre de l'acheter. Mon père a...

— N'en dis pas plus Corazón ! elle m'interrompt subitement. On prend celle-là et tu n'as aucune excuse, je suis d'humeur à faire chauffer la carte bleue ! File t'habiller, je crois que mon mari en a fini avec Angel.

Je tente de répliquer mais elle est très têtue du haut de ses un mètre soixante. Je me retrouve donc à lui obéir une fois de plus. Combien de personnes vais-je encore laisser me payer quelque chose ? Mon père a raison. Je ne sais pas me gérer.

Cette certitude me serre encore le ventre au moment où Madame Herrero règle à la caisse. Je la regarde se disputer avec mon colocataire quant au paiement de sa propre tenue. Pourtant, comme avec moi, elle finit par gagner.

En dépit de mes efforts, je ne parviens pas à comprendre ce qu'Ernesto a choisi pour Angel. Tout ça n'est qu'un fouillis de rubans, de tissus et d'étoffes.

Notre voisine nous fourre nos deux sacs dans les mains puis sourit joyeusement.

— Je m'occuperai de toi ce soir ! clame Rosalía en pointant Angel. Et j'enverrai Lucile pour aider Sativa ! elle frappe plusieurs fois dans ses mains. Je suis vraiment ravie d'avoir à nouveau des petits jeunes à chouchouter. Depuis que notre fille est partie en Asie, nous n'avons plus personne à choyer.

Son mari acquiesce gravement. Ceci explique cela. Ce sont des parents malheureux.

Si seulement les miens pouvaient penser de la même manière. Je suis certaine que si je venais à déménager à l'autre bout du monde, ils remercieraient tous les jours le ciel de mon absence. Quoique, ma mère ferait mine que je lui manque avec des appels vidéos incessants et des messages déchirants. Sa comédie durerait au moins le premier mois.

Toutes ces pensées m'ont presque distraite de l'essentiel. Sincèrement, je la trouve très investie dans cette histoire. Je n'ose pas croire que sa vie est si triste qu'elle s'extasie à propos de déguiser deux jeunes adultes difficiles.

Angel n'a pas lâché un mot depuis que nous sommes sortis du magasin. Si bien que j'en avais presque oublié son existence.

J'aurais aimé qu'il soit aussi mort que silencieux.

Sativa: Feel in a HeartbeatWhere stories live. Discover now