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Arrivée devant la porte de mon appartement, je me heurte aux yeux vifs de Madame Herrero. Elle se tient toute droite du haut de sa petite taille et me sourit grandement lorsqu'elle m'aperçoit.

Putain, la dernière fois que j'ai vu l'une de mes voisines dans une position à peu près similaire, j'ai dû déménager.

— Par pitié, ne me dites pas qu'Angel a laissé le gaz ouvert ! me lamenté-je d'entrée.

La gentille dame me gratifie de son rire solaire tandis que je glisse nerveusement mes clés dans la serrure. Tout semble intact lorsque l'appartement s'ouvre devant moi. Pas d'explosion à signaler.

— Non du tout, Madame Herrero me suit à l'intérieur. Je venais simplement vous voir tous les deux mais il semblerait qu'Angel ne soit pas là. Je comptais repasser plus tard avant que vous n'arriviez.

Je range le bol de nourriture que ma mère m'a obligé à rapporter ici -bien que je ne m'en plaigne pas du tout- puis propose un verre à ma voisine. Elle le refuse poliment, prétextant qu'elle ne restera pas longtemps.

— Vous venez me communiquer la date de la prochaine soirée tango ? je fais de mon mieux pour garder un visage sérieux.

Honnêtement, je me suis vraiment amusée à leur soirée à la con, cependant, je ne sais pas si je serai capable d'y retourner. Une histoire de fierté, certainement.

Madame Herrero doit réussir à voir à travers mon sarcasme car elle glousse.

— Non, elle secoue énergiquement la tête. À vrai dire, je venais plutôt vous parler d'un projet que nous avons avec les autres résidents de l'immeuble. J'en avais déjà fait part à Angel mais j'ai peur qu'il ait oublié, ma voisine sourit dans le vide. C'est un jeune garçon occupé. Il a mieux à faire que de se souvenir des paroles d'une vieille dame comme moi.

Personnellement, je dirais plutôt que s'il ne s'en souvient pas -ce qui est probablement le cas-, c'est parce que c'est un connard qui s'en fout de tout. Ou alors, il n'a pas oublié car c'est un putain de psychopathe. Les deux options se valent.

Je ravale tout avis controversé sur mon colocataire afin d'interroger mon interlocutrice.

— Assurément, il ne m'a rien dit, déclaré-je. Je ne suis donc au courant de rien du tout.

Ce n'est pas comme si on communiquait pour autre chose que pour se foutre sur la gueule. Peu importe le projet, je suis convaincue qu'il préférerait le réaliser sans moi. Malheureusement pour lui, on dirait que Madame Herrero me porte plutôt dans son cœur. C'est sans doute grâce à mes dons incroyables en espagnol.

— Comme vous le savez, commence la petite dame, mis à part Angel et vous, la plupart des résidents de l'immeuble sont déjà à la retraite. Nous avons tendance à nous ennuyer alors nous organisons souvent des petites choses entre nous, histoire de s'occuper. Cette année est spéciale. Vous êtes arrivée au bon moment car nous avons enfin pu nous mettre d'accord sur un projet plus conséquent. Nous prévoyons de partir au Mexique et je serai ravie que vous veniez avec nous, son expression s'assombrit quelque peu. Avant la dernière soirée tango, Angel ne nous avait plus fait grâce de sa présence depuis son aménagement. Je suis sûre que vous pourriez le convaincre de se joindre à nous.

Ça faisait deux mois qu'il n'avait pas été voir les petits vieux ? Moi qui pensais qu'il participait à tous leurs évènements. Il avait l'air tellement à l'aise et les autres résidents semblent beaucoup l'apprécier. Pour ma part, je trouve cette affection très discutable, mais à nouveau, je pense que mon avis importe peu.

Et puis moi, le convaincre ? Je crois que Madame Herrero a besoin de lunettes, elle n'a pas dû voir la haine qui flotte dans l'air à chaque fois qu'on se regarde. Pourtant, je la trouve assez palpable. Je dirais même que par moment, elle m'étouffe.

Sativa: Feel in a HeartbeatWhere stories live. Discover now