Chapitre 19 : "C" pour Connard

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Je balaye la rue passante du regard à la recherche de Yuri.

Pendant ce temps, je mouline. Qu'est-ce que je vais pouvoir lui dire ? Que je suis désolée ? Facile une fois le mal fait. Qu'il avait raison quand il a compris que je servais de lui ? Sûrement pas. Ce n'était mon intention, j'étais juste trop aveugle pour m'en rendre compte.

Je l'aperçois sur le trottoir opposé, les mains dans les poches, le visage fermé. Je traverse sans grande prudence mais quelqu'un là-haut doit être avec moi parce que je ne finis pas aplatie comme une crêpe sur le bitume. Je crie son nom mais il m'ignore. Alors je slalome entre les passants pour le rattraper.

Je m'agrippe à son épaule.

— Yuri, s'il-te-plaît, ne m'abandonne pas comme ça. Comme la moins-que-rien que je suis. 

Il résiste, il est plus fort que moi et je me résigne à me plaindre à son dos.

— J'ai fait une erreur okay ? C'est tellement dur de vivre comme on le fait, ma voix faiblit. J'ai sauté tout un tas d'obstacles : quitter mon foyer, ma famille, et puis la maladie, les blessures, l'entraînement. Tellement que j'ai oublié que... je déglutis difficilement. Que l'on est pas invincible à seize ans, que l'entraînement et les victoires ne remplaceront jamais tout ce que j'ai lâché. 

Mon cœur saigne, s'enflamme. Je n'ai jamais avoué. Et jamais je ne pensais que je le ferais.

— Ça y est, j'ai enfin compris Yuri, je serre ma prise sur son épaule. Mais je suis complètement pommée ! Il n'y a personne pour me dire quoi faire, y'a pas de manuel.

Sa voix claque comme un fouet dans mes oreilles.

— T'as des parents et t'as des amis, je te signale. Ils sont tous à ta portée mais tu es incapables d'accepter leur aide parce que tu es putain de bornée.

— JE SAIS ! Mais- mais j'ai p-peur. Pourquoi ils m'écouteraient, hein ? Tout le monde à ses emmerdes et moi je devrais me plaindre d'avoir gâché toute seule la chance d'une vie ? Que je suis inapte à rire de tout et vivre l'instant présent comme si le lendemain n'était qu'une formalité. Que je suis trop conne ! Pour prendre soin des gens qui compte plus que tout le reste, pour savoir avancer sans trembler comme une enfant de trois ans dès que je perds mes repères ! Que- que...

Je suis à bout. Pitié... 

— Que je suis bouffée par la solitude et l'échec, avoué-je, enfin.

La gorge crispée, la bouche déformée par la douleur. Dans la rue. Face au dos du garçon qui a réussi à me retourner la tête. J'éclate en sanglots. Mes larmes me rendent incapable de le supplier d'avantage. De me garder, de regarder ce qu'il me fait faire. Je serais presque en colère contre lui si je n'étais pas effrayée qu'il me plante sur ce trottoir.

La résistance au bout de mon bras s'amenuise enfin. 

La chaleur de ses doigts sortis de sa poche transperce mon menton qu'il soulève. Je n'ai pas le temps d'apprécier la douceur de son contact que son regard glacial me frappe telle une avalanche de neige.

— Et tu crois que ta peine est une bonne excuse pour te servir de moi, tranche-t-il.

Ce n'était pas une question.


***

 La poutine. Un mélange grossier de frites plongées dans du cheddar fondu et noyé sous une sauce de viande. Moi je préfère la sauce barbecue. Pourtant, je n'y touche pas depuis que ma meilleure amie l'a sorti du sac que le livreur nous a confié. En revanche, Rhosyn qui déteste ce plat s'est ruée dessus. La rage lui donne toujours faim. Elle se transforme en gobelin sanguinaire, avide de viande rouge qui sustentera ses envies assassines.

Freeze(d) [Yuri Plisetsky x OC]Kde žijí příběhy. Začni objevovat