2. Apprendre à recevoir les coups

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Joshua

Mardi soir,

J'écoutai tranquillement Saul me dire comment me positionner et mettre mes bras pour mieux anticiper les coups. Mais en fait je n'en avais rien à foutre. S'il savait cet abruti. Je lui avais fait croire que j'étais là pour rester en forme et casser la gueule à d'autres mecs en peaufinant mon style accessoirement.

Sauf que ma raison était toute autre. Je venais ici pour Dane. Cette salle de sport était à lui. Elle était un peu miteuse, le café était dégueulasse. Mais il fût l'un des plus grands champions de la WBO dans la catégorie poids léger il y a bien longtemps. Et surtout, j'avais encore une dette avec ce vieux loup, "une vie pour une vie", j'étais là pour m'en acquitter.

Elle était présente comme tous les mardis soir. Elle assistait assidûment aux cours de self défense donnés par Dane. Je l'observai depuis plus de deux mois. J'avais remarqué qu'il était le seul à pouvoir la toucher.

Il n'avait pas voulu me dire pourquoi il tenait tant à ce qu'il ne lui arrive rien lorsqu'il m'avait appelé. Il m'avait juste dit comment je pouvais honorer le paiement de ma dette. Je n'avais pas posé plus de questions, car en fait cela m'importait peu.

Je la scrutai méthodiquement et le plus discrètement possible, comme à chaque fois qu'elle était sous ma garde sans le savoir. Elle nouait toujours ses longs cheveux blonds en une queue de cheval haute. Elle faisait 1m65, 1m70 tout au plus. Elle avait une silhouette toute en courbes généreuses.

Elle était pulpeuse et elle avait un joli minois, pas de quoi exciter un mec non plus. Elle n'était absolument pas le genre de femmes qui m'attiraient, ni que j'avais l'habitude de me taper.

J'étais happé par la cicatrice qui lui soulignait sa mâchoire gauche, quand je pris un uppercut de Saul en pleine joue.

L'enculé de bâtard, de fils de pute !

-- Mec, tu n'es pas concentré et c'est comme ça qu'on se prend une branlée, s'esclaffa-t-il.

-- Ok, tu veux du sport ? Tu vas en avoir pour ton compte, fis-je amusé.

J'affichai mon regard le plus menaçant, soutenu par mon sourire en coin. Je vis son visage perdre toute sa couleur.

-- Joshua, on reste sur le sport bien sûr. J'aimerais éviter que tu me fasses une autre tête au carré. Je dérouille encore de la semaine dernière, reprit-il inquiet.

-- Fallait pas me prendre en traître. Alors maintenant ferme ta putain de gueule et boxe, au lieu de couiner comme une gonzesse ! lui ordonnai-je froidement.

Je le vis déglutir difficilement et se mettre en position de défense. Il savait qu'il allait encore finir au tapis, je savais que j'allais encore le défoncer.

Anabel

La session se finissait, j'avais hâte de partir. Comme à chaque fois que je passais une mauvaise nuit, je devenais plus tendue qu'à mon habitude. Je n'avais pas réussi à rentrer vraiment dans ce cours, Dane l'avait bien senti d'ailleurs.

Résultat, j'avais passé une heure à subir les prises des autres participants. J'avais été incapable de faire ce qui était demandé, ou d'appliquer les conseils de Dane, une vraie catastrophe. Mon corps était endolori et ma dignité se situait au ras des pâquerettes.

Tandis que tous les autres récupéraient leurs affaires pour quitter la salle, Dane s'approcha doucement de moi.

-- Hey, Anabel, ça va toi ?

-- Oui, impec, feins-je de mon plus beau sourire forcé. J'ai juste eu une petite nuit, des voisins bruyants. Tu sais ce que c'est ?

-- Oui je vois bien. S'il y avait quelque chose d'autre qui t'empêchait de dormir, tu en parlerais bien sûr ?

-- Si quelque chose de nouveau était apparu à l'horizon, bien sûr que j'en parlerais au groupe. Mais non, R.A.S, la bonne vieille routine quoi, fis-je en rangeant mes affaires dans mon sac pour ne pas avoir à le regarder.

Je savais que je lui mentais éhontément. C'était juste que je ne voulais pas l'inquiéter.

Dane était intervenu dans mon groupe de soutien aux victimes pour parler du self défense et pour nous inciter à suivre ses cours. Il m'avait convaincue. Depuis deux ans maintenant, j'étais là tous les mardis soir.

Quand à lui, il avait fini par faire partie du groupe. Je ne comprenais pas vraiment pourquoi. Il ne semblait pas avoir été une victime et il prenait rarement la parole.

-- Si tu le dis, enchaina-t-il. Mais ces derniers temps, je te sens moins dans les cours, plus à fleur de peau. La semaine dernière tu as mis un gamin au sol, car il t'avait frôlé près des toilettes.

-- Depuis il a appris qu'on ne s'approche pas d'une femme comme ça. Et qu'on ne les touche pas sans leurs permissions d'abord, me défendis-je. On devrait plutôt me remercier de lui apprendre les bonnes manières.

-- Anabel, il n'avait que 12 ans, me réprimanda-t-il. Il a failli se pisser dessus tellement tu lui as fait peur. Ça ne te ressemble pas vraiment cette façon de faire. Je m'inquiète pour toi.

-- Désolé, j'ai pas mal de commandes à la boutique en ce moment. Je dors peu, et avec les cours à la fac qui ont repris, c'est la course. Je suis un peu plus fatiguée que d'habitude, c'est tout. Il me faut juste un peu de temps pour reprendre un rythme, et tout rentrera dans l'ordre.

-- Si tu le dis, je garde quand même un œil sur toi !

-- Je sais Dane... Merci.

Il me prit dans ses bras furtivement, même s'il savait que je n'aimais pas les contacts. Je ne lui avais jamais dit mais en fait son toucher ne me dérangeait pas, tant que ça restait à petite dose.

Il s'éloigna de moi en lançant à la cantonade.

-- A samedi jeune fille !

Je me retournai pour le regarder s'éloigner avant de lui répondre sur la même lancée que lui :

-- Alors d'une je ne suis plus vraiment une jeune fille, même si j'adorerai. Et de deux...

Je m'arrêtai net dans mon élan, intimidée par deux yeux d'un bleu polaire qui me soutinrent du regard. Il ne m'en fallut pas plus pour quitter la salle en fuyant aussi vite que possible.

Écorchés Tome 1 (Correction)Onde histórias criam vida. Descubra agora