Chapitre 20

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Les choses ne s'étaient pas arrangées pour Godefroy, au contraire, tout s'était encore plus compliqué. A la fin du mois novembre, le Commissaire Perrot avait exigé une évaluation psychologique avant de le laisser reprendre son poste. Le psychologue n'avait fait que lui mettre des bâtons dans les roues, orientant ses questions pour le faire passer pour un fou. Résultat des courses, il n'avait pas reprit le travail et il était en congé maladie pour une durée indéterminée. D'après le psychologue, il serait obsédé par Cimeon Sylvestre et chercherait par tous les moyens de le rendre responsable des meurtres de l'étripeur. Il avait aussi posé des questions sur sa mère, sur les circonstances de sa mort, certain que ces deux histoires étaient en lien, même si Godefroy lui répétait que ça n'avait rien à voir. Mais ce psy de pacotille avait tort sur toute la ligne, il n'était pas obsédé par Cimeon, il n'était pas persuadé qu'il était l'étripeur. Pas lui seul du moins. Il en était persuadé, toute la petite famille Sylvestre était mouillée dans cette histoire.


Il n'aurait pas pu renoncer à cette enquête même s'il le voulait. Il était persuadé que les Sylvestres en avaient après lui, qu'ils ne laisseraient jamais tranquille. Il avait recroisé Cimeon accompagné d'une demi-douzaine de chiens de toutes tailles, alors qu'il promenait Goldy dans des bois. Un moyen de l'intimider, il en était certain, c'était la première fois qu'il l'y croisait alors qu'il y venait régulièrement. Godefroy aurait voulu l'éviter avant qu'il ne l'aborde, mais sa chienne en avait décidé autrement. Elle l'avait reconnu à plusieurs mètres et s'était précipitée sur lui, heureuse de recroiser son sauveur.

— Je commence à croire que vous me suivez, avait dit Cimeon en caressant l'encolure de Goldy.

— Je commence à croire la même chose, avait répondu Godefroy en attachant la laisse à sa chienne pour qu'elle reste à ses pieds.

Cimeon ne s'était pas éternisé, préférant s'enfoncer au petit trot dans la forêt avec sa meute. C'est à partir de cette rencontre fortuite que Godefroy commença à passer de plus en plus souvent devant la maison des Sylvestres. Ce n'était pas seulement pour passer le temps, il s'équipa pour pouvoir les espionner sans se faire remarquer, une paire de jumelles et un couteau de chasse, au cas où. Au début, il ne remarqua rien de particulier. Les Sylvestres semblaient avoir une vie tout à fait normal, excepté qu'âgés de vingt à vingt-huit ans et ayant une bonne situation financière, ils vivaient toujours sous le même toit.

Puis, il remarqua des comportements assez particuliers. Ils jouaient à se chamailler comme des enfants, mais semblaient se porter de réels coups. Il les vit plusieurs fois sauter par les fenêtres du deuxième étage sans sourciller. Certainement que tout l'alcool qu'il buvait ne lui permettait pas de faire la part des choses. Mais ce qui ne mentait pas, c'était les différentes preuves qu'il commençait à collecter. Il avait complètement investi la maison de ses parents, recouvrant plusieurs murs de ce qu'il considérait comme des preuves, des informations prouvant la présence des différents membres de la famille Sylvestre à proximité des meurtres de l'étripeur. Chacun avait un mur attitré, qui se remplissait rapidement, Godefroy n'avait pas décidé si c'était une bonne ou mauvaise chose, y ajoutant des meurtres qui ne semblaient pas avoir de lien avec le tueur en série présumé, des disparitions ou encore des vols dans des morgues. Le tableau du rite satanique, de la secte semblait se consolider dans son esprit alors que l'alcool engourdissait son corps.


Deniel s'inquiétait pour son meilleur ami, il avait peiné à le convaincre de venir passer Noël avec sa petite famille. Il passait de temps en temps lui rendre visite à la maison de ses parents, l'obligeant à passer sous le pommeau de la douche, s'assurant que lui et Goldy avaient de quoi manger, ramassant les cadavres de bouteille d'alcool parsemée partout dans la maison. Il essayait de le convaincre que son enquête allait nulle part, que ce n'était qu'une obsession et qu'il devait se faire aider.

— Et tout ça ? dit Godefroy en lui montrant un mur au milieu duquel était écrit Maple Sylvestre. Je trouve que ça représente pas mal de preuves.

— Moi je trouve que ça ressemble à des coïncidences, rétorqua Deniel, et t'as plein de meurtres que tu ne peux pas lier aux Sylvestres, ajouta-t-il en montrant une pile de dossier. D'ailleurs, comment t'as eu accès à toutes ses infos ? Je croyais que tu n'avais plus accès aux dossiers du commissariat.

— Pour l'instant. Ils ne sont que la partie immergée de l'iceberg. Ils sont l'arbre qui cache la forêt que représente l'ordre Olympie. Je vais trouver. Je vais le prouver, dit-il avec conviction.

— Tu perds vraiment la tête.

— Tu ne vas pas t'y mettre, s'emporta Godefroy. Je ne suis pas fou ! Je ne suis pas obsédé ! Je sais que j'ai raison, les Sylvestres cachent quelques choses. Je vais te le prouver, je vais vous le prouver à tous.

— Calmes toi, tenta-t-il, je suis de ton côté, mais je ne peux pas ne pas m'inquiéter. Dis-moi comment tu as eu accès à toutes ses infos ? réitéra-t-il.

— Tu devrais me laisser, dit-il pour éviter la question, j'ai encore beaucoup de travail.

Deniel ne lutta pas, il savait que Godefroy ne l'écouterait pas, mais il commençait à désespérer qu'il puisse revenir à la raison. Il réfléchissait à un moyen d'aider son ami et envisagea de le faire interner. Malgré tout, quand le journal fit mention d'un nouveau meurtre de l'étripeur, il envoya un message à son ami pour lui dire d'allumer la télévision.

Le Fou de la ReineOù les histoires vivent. Découvrez maintenant