Roadtrip

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La voiture était lancée à toute vitesse sur l'asphalte. Caté avait proposé à Selma de partir en roadtrip, pour qu'elle puisse voir du pays. Selma avait accepté avec grand plaisir. Elles s'étaient retrouvées au Malecon, avec une petite valise chacune. Les jeunes femmes partaient pour 5 jours. Caté n'avait de cours prévus sur la durée de leur voyage. Quant à Selma, elle avait dans un premier temps éludé les questions relatives à son activité professionnelle, puis elle avait inventé qu'elle donnait des cours de droits à distance, sur une plateforme spécifique. Elle était soi-disant autoentrepreneuse, et travaillait au rythme et horaires qui lui convenaient. Selma prétexta ne pas avoir de cours à donner en ce moment, mais un peu d'argent de côté, pour se justifier auprès de Caté. Caté ne se douta de rien. Elle avait toute confiance en Selma. C'était une personne honnête et loyale.

Cela faisait une heure que Selma et Caté avaient quitté La Havane à bord de leur Chevrolet Tri-Five rose pétant. Le moteur de la vieille voiture des années 50 vrombissait. Le pot d'échappement relâchait une épaisse fumée blanchâtre à l'odeur monoxydée, mais elles n'y prêtaient pas attention. Leur attention était concentrée sur le paysage qui s'ouvrait devant elles. Le vent chaud fouettait leurs visages et leurs chevelures. Les filles étaient captivées par la vision de Las Terrazas. Le terrain vallonné était aménagé en succession de plateaux verdoyants. On se serait cru en Indonésie. Les hautes herbes et les arbres de la campagne cubaine remplaçaient les rizières indonésiennes. Caté avait proposé à Selma une virée loin de l'agitation de la capitale, dans un lieu inconnu des touristes. Elles se garèrent sur un lopin de terre battue qui faisait office de parking. Selma sourit en imaginant des Stargrameuses grimaçant et pestant à la vue du sol. Leurs chaussures à talons hauts se seraient enfoncées dans la terre humide, empêchant tout mouvement.

Les jeunes femmes étaient équipées de chaussures de marche, adaptées au terrain.

Elles empruntèrent un chemin de terre, pour se rendre à la gloriette où allait se tenir un concert de musique cubaine. Les musiciens étaient déjà installés. Leur public également. Une trentaine de cubains étaient venu assister au spectacle. Elles repérèrent 2 sièges vides au 4e rang, à gauche de la gloriette, et s'y assirent. Selma reconnu, parmi les instruments, une guitare, un tambour, des maracas posé sur une table de fortune, une trompette, des bongos. Elle demanda à son amie quel était le nom des deux autres instruments. Caté ne voyait pas bien, à cause du grand homme assis devant elle. Elle se pencha en avant, en inclinant sa tête sur la droite. Sa tête dépassait un peu dans l'allée, elle put voir. Elle fronça légèrement les sourcils, puis reprit sa position initiale, tout en portant sa main à son menton : « Mmmh, j'ai aperçu un très et des congas ».

Le concert débuta 5 minutes plus tard. Ils reprirent des morceaux classiques du répertoire cubain, dont le succès avait atteint le reste du monde, et ne s'était pas démenti depuis. Sur les Champs-Elysées et dans le métro périssien, des chanteurs entonnaient Guantanamera. Les musiciens interprétèrent Chan Chan, El Cuarto de Tula, Candela, De Camino a la Vereda, à la manière du Buena Vista Social Club. Le public chantait avec eux, en choeur. Ces chansons faisaient partie du cœur et de l'enfance de tous les cubains. Et de leur patrimoine immatériel. Les airs étaient tantôt lascifs, tantôt festifs et entraînants, tantôt emplis de mélancolie. Il y en avait pour tous les goûts. L'acoustique n'était pas celle de l'opéra Bastille, ce qui était compréhensible. 

Ils étaient en pleine nature. Ce n'était pas grave. Une chose était indéniable : les musiciens et le chanteur, un homme d'une quarantaine d'année au front dégarni et à la moustache drue, dégageaient une émotion forte. Ils mettaient toute leur âme, toute leur énergie dans ce qu'ils faisaient. Cela se ressentait. Ils parvenaient à transporter le public dans les histoires que contait leur musique. Selma avait toujours été sensible à la musique, et aux rythmiques. Son cœur fut touché d'assister à ce spectacle. Elle mesurait sa chance et appréciait pleinement le moment présent. C'était un instant unique.

La lumière dans l'ombreHikayelerin yaşadığı yer. Şimdi keşfedin