Le fils

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Au départ, Leila détestait faire le ménage. Elle aurait ri à gorge déployée, si on lui avait dit quinze ans auparavant que cela deviendrait un jour son métier. A l'âge de onze ans, sa mère Christiane lui avait tendu un bac rempli de matériel et produits ménagers, accompagné d'un : « Tu sais, ma chérie, il est grand temps que tu apprennes à nettoyer par toi-même. Tu vas voir, ça va te rendre res-pon-sable ! Au-to-nome ! Libre ! ». Leila ne voyait aucun rapport entre le fait de dépoussiérer les bibelots traînant sur les étagères et la liberté, mais elle n'avait pas rechigné. Docile, elle avait récupéré les affaires. Elle n'avait aucune envie d'affronter sa mère, qui aurait fini par tenir un discours moralisateur affreusement long.

Les gestes répétitifs et la sollicitation de ses muscles la fatiguaient, le contact avec la saleté la dégoutait. Plus vite elle s'exécuterait, plus rapidement elle retournerait à sa lecture. Elle avait hâte de savoir si ses prédictions allaient s'avérer justes, si Léo M. était bien l'assassin.

Elle apprit petit à petit à apprécier le nettoyage et le rangement. Ces tâches finirent par lui apporter un sentiment de satisfaction, et développèrent chez elle un amour du travail bien fait. Leila était particulièrement fière d'elle en voyant le fruit de ses efforts. Le bazar total devenait impeccable. En grandissant, cela devint un refuge, un aspect de sa vie qu'elle pouvait contrôler. Martin l'avait trompée ? Les piles de son armoire en prenaient pour leur grade. Un examen raté ? Toutes ses affaires de cours finissaient triées, classées par ordre alphabétique. Elle ne s'arrêtait qu'après avoir apporté la touche finale : les stabilos rangés à deux centimètres à droite de son ordinateur, disposés de manière à former les couleurs d'un arc-en-ciel. Fini, le désordre ! Une fois que Leila était passée par là, tout était ordonné et clair. Elle faisait le ménage à la fois sur le plan physique et mental. Cela la rassurait au plus haut point.

...

L'étudiant en école de commerce se laissa tomber sur le canapé. Il était à peine 22h, mais il était complètement déchiré. Thaïs avait l'air d'être décidée à ne pas le lâcher.

- Laisse-moi tranquille, tu vois pas que j'ai pas envie de te parler ?

- Tu m'avais dit que tu allais me donner une réponse aujourd'hui, alors dis-moi.

- C'est non, maintenant pars. 

- Allez, stp, donne moi une chance.

- Qu'est-ce que tu comprends pas dans « non » ? Je veux pas sortir avec toi, t'es bouchée ?

- Ok... bon.

Thais s'éloigna et partit parler à Victoire, qui était à l'autre bout de la pièce, en grande conversation avec trois personnes qu'Antoine ne connaissait pas.

Thais avait laissé tombé l'affaire un peu trop facilement au goût d'Antoine. Elle reviendrait à la charge plus tard, il en était persuadé. Elle était trop prévisible.

Antoine aurait dû lui parler de Lucie, pour l'éloigner pour de bon. Il l'avait rencontrée à plusieurs reprises dans les soirées qui avaient eu lieu chez Dimitris, et en boîte. La première fois, il était intimidé. Antoine avait peur de rater quelque chose, alors il avait fini par se lancer à la dernière soirée. La vie était trop courte pour avoir des regrets. Lucie était douce, charmante, et compréhensive. Elle ne faisait jamais de reproches.

Le jeune homme fluet se leva en titubant, sous l'effet de l'alcool. Il avait bu plus que de raison.

Il sortit son téléphone de la poche de son jean. Il avait trois appels manqués, auxquels ils n'accorda aucune importance. Il passa sa commande, puis partit à la recherche de Dimitris. A tous les coups, il devait être avec Léa et Bérénice. Il passa devant la cuisine, qui était bondée. Qu'est-ce qu'ils foutaient tous là ? Ils faisaient une contre-soirée ou quoi ? Pas de Dimitris à l'horizon. Il continua tout droit, ouvrit la porte de la 1ère chambre, qu'il ferma d'un geste rapide en entrapercevant un couple qui faisait son affaire. Dans la 2e et 3e chambre, personne. Il ne restait plus que la 4e.

La lumière dans l'ombreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant