Escapade ramaine

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Depuis quelques mois, Antoine et Lucie passaient de plus en plus de temps ensemble, au point qu'il s'était éloigné de Dimitris et sa bande de copains. Il avait tendance à s'isoler, pour rester de manière presque exclusive avec Lucie. Dimitris lui en voulait. Ils étaient en froid. Lucie manquait à Antoine. Sans elle, il se sentait perdu, vide. Leur relation était tumultueuse. Le jeune homme avait constaté qu'elle avait déteint sur lui, sur son comportement. Lucie était possessive. Antoine avait le sentiment grandissant qu'elle ne le laisserait pas partir, si il tentait de la quitter. Elle avait un caractère tenace.

Nine ressentait de la gratitude envers Leila. Elle lui manifesta sa reconnaissance par une attitude plus douce. Paul eut une réaction déconcertante face au récit du séjour bercelunais. Il agit comme si rien ne s'était passé. Les enfants eurent une réaction plus étrange encore : au lieu de s'insurger de l'absence de réaction de leur père, de lui en tenir rigueur, ils firent de même. L'incident était clos.

Leila tenta de comprendre, retournant la situation dans tous les angles possibles et imaginables.Elle n'était pas devenue folle. Elle avait une preuve tangible : l'appel d'Antoine. Elle aurait bienargué le choc émotionnel ou le déni, mais c'était plus compliqué que cela. Elle décida de suivre lemouvement, de copier leur comportement : passer l'incident Bercelune sous silence. A y regarder de plus près, il flottait un parfum d'étrange autour de Nine, Paul et Leila. Entre les appels que tous semblaient ignorer, l'odeur de chrysanthème présente partout dans la maison, l'absence régulière de ses occupants, leur mise sous silence, sans oublier le sonneur fantôme et le bouquet... Cela commençait à faire beaucoup.

Quelques jours après leur retour de Bercelune, Leila s'interrompit en plein époussetage d'une étagère du bureau de Paul. Elle se tourna vers lui, prit une grande inspiration, avant de lui faire part de ses inquiétudes :

- Excusez-moi de vous déranger, mais il est arrivé quelque chose de singulier.

- Quoi donc ? répondit Paul d'un air distrait.

Il ne la regardait pas, trop occupé à rédiger un mail.

- Il est arrivé que quelqu'un sonne à la porte. Au début, j'ai pris cela pour une plaisanterie, mais une autre fois, j'ai trouvé un bouquet de roses sur le paillasson.

- Des roses ? Ah, ce doit être un cadeau de Jérôme, pour me féliciter de l'obtention du projet. Où l'avez-vous mis ? Je ne crois pas l'avoir vu.

Leila tritura le plumeau entre ses deux mains. D'une petite voix mal assurée, elle répondit :

- Elles ont fini... à la poubelle, Monsieur... Elles étaient accompagnées d'un... flacon...d'une...fiole... remplie de... sang.

Perchée en hauteur, Leila vit le visage de Paul devenir exsangue. Elle n'aurait pas dû jeter les roses sous le coup de la peur. Il demeura immobile comme une statue jusqu'à ce que Leila, descendue de son escabeau, ne lui touche l'épaule :

- Monsieur ?

- ...

Les mains de Paul se posèrent lentement en soutien de chaque côté de sa tête, les coudes en appui sur le bureau. Il se racla la gorge, avant de répondre d'une voix blanche :

- Je...Si cela se reproduit, appelez immédiatement la police.

...

La famille et Leila partirent lors de la pénultième semaine de septembre en Italie. A Rame, ville de mythes et de légendes. Seule Rame était digne de Périsse, et seule Périsse était digne de Rame. Installés au St Regis, à proximité immédiate de la fontaine de Moïse et la Piazza Della Republica, les voyants étaient au vert pour passer un fabuleux séjour. Cette fois-ci, le père Klein était de la partie.

La lumière dans l'ombreWhere stories live. Discover now