Le clavier mécanique est d'une robustesse formidable.

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Le petit, minuscule Hugo ne voulait pas écrire sa dissertation. Il avait la flemme, disait ses profs. Il restait là, à procrastiner sur des sujets petits, de sa taille à lui, et refusait de coopérer avec le monde. Soudain, un grand monsieur s'approche de lui.

« Je suis le manager de gestion, et je suis ton prof. Pourquoi dois-je te le répéter alors que ça fait six mois qu'on bosse ensemble ?

- Je ne sais pas c'est vous qui faites ça, pas moi Franceau.

- Ne m'appelle plus jamais par mon prénom. Maintenant, tu vas me finir cette copie. Je la veux dans une heure sur mon bureau, ou sinon le journal n'a rien à publier cette semaine.

- C'est un peu con d'avoir fait comme ça monsieur, en plus vous pouvez pas me coller parce que mes parents sont des gitans.

- On en a déjà parlé, ça suffit.

- Soyez pas gêné voyons, c'est moi qui trime ici, pas vous monsieur le diplomate.

- Tu sais pourquoi c'est pas moi ? parce que c'est moi le maître et c'est toi qui doit apprendre. Alors maintenant tu veux aider tes prochain avec ton diplôme ? Ben t'as intérêt à être solidement charpenté, parce qu'il y aura pas tout le temps ton père pour te tirer de là.

- Pas mon père mais toutes les familles de la caravane, rappelez-vous, on ne sort jamais de nos camps parce que la société nous rejette, c'est pour ça qu'on vole et qu'on vous menace librement.

- Démagogue en plus, ben tiens tu mettras ça dans ta dissertation. »

Le petit, minuscule Hugo plongea dans sa fiche, pendant ce temps, Franceau ouvrit une bouteille de jack. Il but goûlument, à pleine gorge, comme un canard ivrogne, ne doutant pas de son excellence, la fierté meurtrie néanmoins, et quand il eut fini, que la dernière goutte eut achevé son trajet, que le liquide finisse de se dissoudre dans son sang, que chacune de ses artères soient emplies, et que ses joues deviennent roses et qu'il aborde un sourire niais, il se souvint de ce quelque chose qu'il n'avait pas vu la fois d'avant lorsque tous les élèves journalistes étaient là.

« Fichu trombinoscope », se disait-il. Étant fait au début du mois de septembre, les visages présentés font toujours plus jeune. Ça fait six mois qu'il s'acharne à retenir les têtes, mais ses élèves-employés avaient toujours des coupes de cheveux ou des moustaches horripilantes. Il prit un moment pour se reconcentrer, l'alcool le remontant comme s'il était tiré par une grue, il cracha un glaire vert dans la corbeille et claqua la feuille sur la table. C'était sûr, Elisa avait bien une moustache en septembre. Comment avait-il pu ne jamais la remarquer ?

« J'ai fini ma disserte, il faudrait l'envoyer à la prépresse ASAP. Ça parle de la révolution kurde, il y avait beaucoup à dire sur le sujet, mais je n'ai pas développé trop loin, le sujet fait débat je n'avais pas envie de soulever la polémique.

- Super, mais finalement je m'en fous, tout est tellement dingue que je cherche même plus à comprendre. Notre génération, les petites meufs, elles sont toutes si fines, elles ont toutes des p'tites bottes courtes, et leurs mecs c'est un peu moi, car ils ont les mêmes fringues que moi.

- Qu'avez-vous avec vos fringues, votre look est craignos et alors ?

- Oublie ça. Il y a une affaire à résoudre.

- Non, je vous ai posé une question, j'ai besoin de savoir, on ne me laisse pas dans l'ignorance quand on commence à me dire des trucs. C'est plus un secret pour personne que vous soyez vieux et con.

- Maintenant tu vas te calmer petit idiot ou j'appelle tes parents, oublie pas que dans cette société post-apocalypse tu es considéré comme un esclave.

- Vous essayez d'éviter le sujet avec du slave-shaming, eh bien je vais vous dire, vous êtes un facho. Vous m'avez bien entendu, une véritable andouille. »

La manager-proviseur arrive. Elle a entendu l'embrouille et va y mettre un terme.

« Bonjour vous deux, vous êtes en train de parler dissertation ? je ne savais pas que vous aviez autant à cœur de bien faire.

- Oh bonjour madame vous tombez bien, j'expliquais à notre élève l'importance de l'assiduité.

- Même pas vrai, même que vous êtes un vrai facho.

- Ne l'écoutez pas, il ne sait pas vraiment ce qu'il raconte.

- Minuscule Bruno, toi qui dois rendre ta copie, puis-je la voir ?

- Je viens de la mettre sur le bureau de monsieur Franceau.

- Je t'ai déjà dit de ne plus m'appeler par mon nom toi !

- Monsieur le manager de gestion, calmez vous. Ses parents sont gitans.

- Je sais, je sais...

- Très bien, maintenant que vous êtes dans la synergie de travail c'est bien. Je m'en vais, vous devriez en faire de même, il commence à être tard.

Bruno appelle ses parents

« Personne me dit ce que je dois faire, mon père arrive et il va vous casser la gueule. »

A ces mots la porte tombe et le gitan en marcel la piétine, fit craquer le bois en sautant un peu dessus pour l'abîmer davantage, attrapa la manager-proviseur par le colback.

- ON. NE DIT PAS. QUOI FAIRE. DE. MON FILS !!! »

Aux infos ce soir, on annonce une violente dispute à l'école-business de Santos, un gitan s'est imposé, il y a eu des morts. Les survivants, un professeur mais aussi un éditorialiste, nous raconte sa version des faits.

« Ben voilà j'étais en train de faire faire une dissertation à cet élève-rédacteur et il a commencé à être insolent. Je suis monté dans les tons avec lui, mais Gisèle, elle est... pourquoi Gisèle, pourquoi il a fallu que ça soit toi qui... »

La publicité se lance. Comme le bout d'un gland pris sur le vif sans prétention sur le rebord du cadre d'une photo, la télécommande du vieux fit s'éteindre l'écran de la télé dans un flash blanc typique. Seul dans son fauteuil usé, les accoudoirs sont humides de sa sueur, mais le tissu a blanchi avec l'âge. La lampe sans abat-jour est par terre car il ne supporte pas d'avoir la lumière dans les yeux, donc elle éclaire la poussière du sol, fait de grandes ombres sur les murs.Il éternua. Son chien, aussi vieux que lui relativement, soulève paresseusement une oreille, le bruit de sa queue qui remue sur le plancher témoigne son envie d'aller dans le jardin. Sans bouger sa truffe, il l'implore du regard, mais le vieux, assis dans son fauteuil, ne bouge pas plus loin. Il semble attendre quelque chose,ou être sur le point de se lever, mais ne le fais pas. Le chien, ne pouvant pas ouvrir la porte avec ses pattes car la poignée est ronde, soupire et laisse choir son oreille, s'affale sur le dos. Un grain de poussière se pose sur son nez, alors il éternue.

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⏰ Last updated: Apr 15 ⏰

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L'étang aux grenouillesWhere stories live. Discover now