Que se passe-t-il au bourg de Saint-Brieuc

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Dans ce monde aux possibilités stupéfiantes, un clochard se rue vers une pomme que les rats de la ville n'ont pas encore trouvée. Les rues sont claires cet après-midi, les passants divaguent ou s'apprêtent, et au milieu de tout cela, comme une vrille sans fin, il y a ce vieil homme sans sou qui rampe et qui bave en grognant. Le spectacle amuse la galerie et attriste les consciences, c'est le tableau brossé d'une réalité de ce pan de la vie, une cité qui s'élève sur le dos décharné de ceux qui ne le peuvent pas. C'est grâce à lui si les bonnes gens peuvent s'en moquer. Dans le square d'en face, une vieille dame arrose son parterre de fleurs tandis que des gamins jouent au foot sur la pelouse. Sur un banc, un dandy tourne une page du journal lorsqu'un promeneur passe avec son chien. Au pas de sa porte, un retraité observe la rue s'agiter, une tasse à la main. On peut se dire que c'est tout, mais soudain un coup de pied maladroit engraine l'action et le ballon de foot percute le journal du type, qui se prend le visage dedans, affolé le chien aboie et tire sur sa laisse, s'échappe de son maître et ruine le parterre ; La vieille dame panique et dans un effort pour stopper la décadence projette de l'eau partout, asperge vos visages et le journal dont la page sport devient illisible. Amusé, le retraité descend sa tasse d'une traite et retourne se coucher. Et la vie continue. Des travailleurs embarquent et semblent fortement politisés. Ils portent tous le béret et le marcel et leurs épaules larges témoignent des lourdes charges qu'ils ont eu à porter tout du long dans leur vie. Ils s'en moquent de la vie banale des autres, car c'est le parti qui les porte. Un cocher et son cheval passent et leur fausse la route. Le type qui pourrait s'appeler Gaston est indigné car ce florilège de chauffards qui leur barrent le chemin l'emporte dans des sommets d'énervement. Mais le type au long nez qui s'appelle Fred lui assène toujours cette fameuse claque sur l'épaule, et puis ça continue chaque jour que dieu fait.

Les falaises de pierre de ce paysage morne et aride est le passage redouté de tous les voyageurs du Nil. « Ferme ton clapet Jo la malice. » Indigné le pauvre bougre s'enflamme. « Ne t'en prend pas à tous ces bras cassés, ignore-le mon brave. » Plusieurs esprits s'étaient échauffés et ça mettait dans l'ambiance globale une odeur de poudre ou de souffre. Des insultes étaient lancées ci et là au gré du voyage et on sentait que la tension ne venait pas que de la caravane, que le paysage y était pour quelque chose. « Arrête de mettre la faute sur ce qui t'entoure. C'est toi le responsable de ton humeur. » le propos plutôt cordial eut droit à son lot de jurons et d'insultes.

Assis au bord de l'étang, le petit Pierre jetait des pierres dans l'eau ; jamais sans son fidèle compagnon, Quentin le pantin en pierre taillé par papy le maître artisan du clocher Saint-Félix. Les roseaux ploient. Détendu, relaxé, un trouble dans son esprit lui fait froncer les sourcils. Le crissement typique de la nature s'amplifiait en cette période. Il soupira, et ferma les yeux.

Une étincelle se promène dans la métaphysique. Tu dois la trouver, elle te donne accès à ce que tu recherches réellement. La magie, la narration, le feu intérieur. Ne cherche pas à atteindre un but tout de suite. Pense ce que tu écris. Le doute et la pression ne te submergent pas. Fais de l'espace dans ton esprit. Appréhende l'infini, laisse couler les ténèbres qui t'habitent. Elle est là, flottante, innocente et si dense. Sans matière mais si riche. Essaie de l'attraper. Impossible ? Dans ce monde aux couleurs nouvelles, le noir se fond et surgit un univers d'une grâce infinie. Les détails, où sont les détails ? Ils semblent former une texture si fine dans la paroi de cette pensée que la forme des concepts en devient palpable comme au toucher mais dedans, une appréhension impossible à définir sans avoir pensé à la magie comme concept intrinsèquement lié au mystère et à ce qui touche à la difficulté d'embrasser la totalité des mécanismes. Détendez-vous et discutez avec Merlin, c'est votre bon pote ; trinquez avec Sylvain Duriff, c'est un guide plutôt bien. Dans le monde de votre âme, il y a ce que vous redoutez le plus, mais c'est en fait le monde des esprits, mais c'est en fait le monde physique. Ton mal de crâne initial est devenu un petit chevalier qui fonce. En fait, c'est lui qui porte la pression de toute la douleur du monde. Mais il n'est plus dans ta caboche, il s'est enfui quelque part. Il manque quelque chose mais quoi ? ah oui, c'est ça, des frontières précises. Soudainement tout devient plat comme un cartoon et les dragons de l'enfer s'élèvent et font gicler la lave en fusion, une goutte et votre thé est prêt, une deuxième et plus personne ne se rappelle votre existence. Au-dessus de votre histoire un grand père très vieux, extrêmement sénile frappe le plancher avec une canne en chêne et dans votre délire fiévreux vous vomissez des couleurs par la bouche, les yeux dans le vague et la conscience chatouilleuse. C'en est fini de vous, vous n'allez jamais pouvoir tout avouer à vos parents. Comment vont-ils vous aimer après ce que vous avez fait ? Une chèvre passe, elle broute de l'herbe sous un spotlight. Paisible, elle vous fait signe de la suivre. Vous, l'éléphant cosmique multicolore et multiples, pensez que c'est une chouette idée de penser à autre chose qu'à votre peau, alors affaissez-vous. Le lourd tribut de votre présence ne laisse pas de doute quant au moment où la chèvre broute, mais vous ne vous faites pas trop chier à comprendre où la nature cherche à aller en fait. Peut-être que vous devriez la suivre, elle fait des petits sauts de cabri à quelques mètres au loin. Vous avez rarement senti une aussi chouette texture, l'herbe est douce et les cailloux sont plats, un ruisseau traverse l'aval. La chèvre braie sur vous. Votre ventre vous chatouille.

Soudain, une armée de cochons se ruent sur la ville, la boue emporte tout, des kilogrammes de pomme suintent de la réalité, sans gémir une femme hurle à l'orgasme et de ses deux seins deux paires de jumeaux sortent. Il faut du lait. Du lait ! Le liquide blanc et perlé éclabousse au visage d'un million de prolétaires et des panzers attaquent pour dire sus à l'ennemi. C'est absurde ! qui aurait besoin d'autant de chars d'assaut, une seule brouette suffirait. La mêlée se déroule au ralenti et pendant des phrases successives, se passent très vite puis de nouveau lentement, c'est une coulée de boue mais maintenant il manque des images, on dirait que ça lag, d'ailleurs quelques pixels morts s'affichent, dans les bruits de clavier qu'on tape, l'écran se fissure mais tombe comme du sable simulé par un logiciel poussé, et juste derrière, un aperçu de la réalité, mais quelle réalité ! Si ça, c'est le réel, qu'en est-il de ce qui était juste avant, et juste avant ça, et cela juste avant ? Quelle importance car voyez-vous, si votre réalité est justifiée par ce que vous croyez connaître, donnez-moi donc ce qui justifie cela. Vous n'aurez jamais le monopole du réel, jamais, et ce quoi que vous ne fassiez, à jamais. Alors vivez comme bon vous semble que diable ! vos ancêtres n'ont pas rien fait et vous non plus pardi. Souvenez-vous d'eux bon sang, mais rappelez-vous de vous-même.

Absorbé par sa morale le curé de Saint-Brieuc s'était résorbé fixement dans la lumière du christ, tenant sa croix, fébrile, des larmes lui coulaient des yeux et les passants le regardaient, mi-amusés, mi-inquiets. Un enfant et un touriste essayèrent de le sortir de sa torpeur mais une rage insoupçonnée le transforma en bestiole avide de carnage. Il égorgea par deux fois toutes les personnes présentes quand des malheureux eurent l'audace de s'interposer entre lui et sa vision.

La communauté des mangeurs de taz était en pleurs car leurs leaders venaient de s'en aller, aimait à dire le disquaire du bourg. Pendant ce temps les fantômes des mouvements hippies refaisaient surface dans le cœur des libres penseurs. Ce mouvement qui avait amorcé la florescence du psychédélisme s'était fané à force de courants de modes dérivant de la source. Des coalitions se créèrent, et ainsi évoluèrent les arts. De nombreux courants musicaux dérivent quasi directement de cet état d'esprit ; aller jeter un œil dans ce qui se fait, autant dans aujourd'hui qu'hier, est toujours vivement recommandé. Le truc est simple. Rencontrez des gens qui aiment, ouvrez-leur votre écoute. Si vous persévérez, vous renforcerez votre persistance. Vous ne savez pas par où commencer, alors rendez-vous dans les lieux dédiés à vos passions, les bars, et le disquaire bien sûr, ça lui fera plaisir. Si vous persistez, vous trouverez ce qui vous allume. Une infinité de pyramides de Gizeh aux couleurs et formes variées planent dans le ciel cosmique de la noosphère, il est de notre devoir de les entretenir, des âmes y vivent et les cultivent. Notre époque peut nous faire croire l'inverse, mais croyez-en le vieux fou du parc, celui qui criait au Dalaï Lama pour amuser les jeunes, il a tant d'histoire à vous faire vivre.

L'étang aux grenouillesWhere stories live. Discover now