Épilogue

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UN AN PLUS TARD.

Seul le tapotement frénétique du pied de Kit contre le sol comble le silence dans la voiture. J'essaye de capter son regard mais rien n'y fait : il ne bouge pas d'un cil. Fixant le paysage droit devant lui, il contracte sa mâchoire plusieurs fois.

— Dis quelque chose, Kit. S'il te plaît.

Ma voix se brise en disant ces mots car je sais que s'il vient à parler, je risque de ne pas réussir à retenir les larmes qui menacent de couler depuis plusieurs minutes.

Soudainement, je le vois ouvrir la bouche.

— Tu le sais depuis combien de temps ? Me crache-t'il sans daigner me regarder.

Je lâche un soupir. Ça ne va pas lui plaire. Et je ne peux pas lui en vouloir. J'essaye de chercher une façon de calmer la tension qui s'est installé mais c'est bien trop tard. De toute façon, je ne veux pas retourner en arrière. Mon choix est fait et ce, depuis longtemps.

— Depuis hier. J'ai été accepté hier soir.

— Je reformule. Quand as-tu demandé à t'inscrire ?

Kit tourne enfin son visage vers moi. Je déglutis et ma respiration s'accentue lorsque mon regard rentre en contact avec le sien. Il est furieux. Et encore, le mot est faible. Il est déçu.
Merde. Merde.
Retenir mes larmes devient alors impossible et je me laisse aller, reniflant péniblement.

— Quelque mois. Mais c'est la chance de ma vie !

— Alors pourquoi je suis le dernier au courant ? Si c'est quelque chose d'aussi important pour toi, pourquoi tu me préviens après tout le monde ? Et si tu avais été refusé, je ne l'aurai jamais su, c'est ça ?

Je soupire et passe mes mains sur mon visage, épuisé par ces disputes incessantes que je vis au quotidien avec Kit. Je savais que lui dire aller en créer une nouvelle.

— Kit... Je t'aime mais je ne peux pas louper cette chance. C'est tout mon avenir qui est en jeu et j'ai la chance de pouvoir faire ce que j'ai toujours voulu faire.

— C'est dingue. Un an que nous sommes ensemble et je ne t'ai jamais entendu parler de chant.

— Peut-être parce que tu ne t'es jamais vraiment intéressé à ce que j'aimais ! Tu ne faisais parler que de toi et de ton audition pour je-ne-sais-plus-quoi !

Il ricane et me toise de haut en bas en secouant la tête.

— Et c'est moi qui ne m'intéresse pas à ce que tu aimes ?

C'est à moi de secouer la tête en ricanant.

— Arrête de retourner la situation. C'est toi qui m'en veux de vouloir vivre mon rêve.

Je reste impassible, ne souhaitant pas lui donner raison. Nous avons tous les deux tords mais je ne serai sûrement pas celle qui craquera la première.
Toutes ces disputes se sont accumulés sans que je m'en rende compte et désormais, je suis incapable de faire passer l'amour avant la haine.

— Je ne t'en veux pas de vouloir le vivre ! Je t'en veux de me l'avoir caché pendant des mois ! S'écrit Kit en riant jaune.

— Qu'est-ce que ça aurait changé ? Tu m'en aurais quand même voulu.

Il me regarde d'un air désespéré, attristé par mes mots.

— C'est très mal me connaître.

— Je ne pense pas te connaître, justement, je rétorque en attrapant mon sac à mes pieds.

J'ai besoin de m'éloigner de lui avant de dire des choses que je vais regretter. Tout nous éloigne, ces temps-ci. Comme si grandir nous avait fait nous comprendre que nous étions trop différents l'un de l'autre.

— C'est tout, alors ? Tu vas partir sans un mot de plus ? On peut au moins essayer d'arranger la situation ? Demande Kit en me suppliant presque.

Je me tourne vers lui.

— Dans quel but ? Pour que ça recommence dans deux jours ? Je suis fatiguée de tout ça.

— De tout ça ? De nous ?

— Oui. De nous. On devrait peut-être faire une pause.

Ses yeux s'élargissent comme des soucoupes avant que son expression se transforme en une incompréhension total.

— Une pause ? Tu me balances ça juste avant mon audition ?

Je lance un regard devant nous où se trouve le lieu de l'audition. Plusieurs garçons de l'âge de Kit rentrent un à un avec tellement d'espoir sur le visage.

— Tu n'aura pas besoin de moi. Et j'ai besoin de prendre du temps pour moi.

Kit n'en revient pas, il perd ses mots et secoue la tête plusieurs fois comme s'il n'arrivait pas y croire.

— Si tu quittes cette voiture, Joy, cette pause dans notre relation sera définitive.

Je baisse légèrement les yeux et ne répond rien, sachant déjà que rien n'y changera.Je ne vais pas lui courir après et je n'irai pas à cette audition avec lui. J'ai déjà assez essayé de sauver cette relation.
Il est peut-être temps d'accepter que Kit n'était qu'un amour de jeunesse.

Je mets mon sac sur mon épaule et ouvre la portière dans un silence intenable. L'air frais d'avril balaye mes cheveux et me fais frissonner. Mes joues chaudes couvertes de larmes se glacent et je racle ma gorge.

— Bon courage pour le rôle de Charlie, je lâche dans un soupir, sans me retourner, ne souhaitant qu'il me voit pleurer.

Je n'obtiens aucune réponse mais c'est exactement ce que j'attendais pour pouvoir m'en aller.
Sentant son regard posé sur moi, je referme la portière de la voiture de Kit et m'éloigne en sentant mon cœur me hurler de faire demi-tour.

*

;)

BASOREXIE - KIT CONNOR (TOME 1)Where stories live. Discover now