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(TW harcèlement)


Le vestiaire

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Mon collège était bleu. C'est ce qui me vient en mémoire lorsque je pense à ses murs, ses salles, ses couloirs et son préau, son linoléum qui se décollait, ses cages d'escalier humides où pleuvaient les coups de pieds. J'aime pas le bleu.

Sur Google Maps, je redécouvre le lieu dans lequel j'ai passé ces quatre années. Vu de l'espace, tout est pareil, et je ne vois pas pourquoi l'intérieur aurait changé lui aussi . Sur le parking, à droite du bâtiment principal, sont garées six voitures. La prof de musique avait une voiture immense, je l'avais aidé à y ranger une contrebasse, un jour où un concert avait été organisée au collège. Un spectacle ? La fête de la Musique peut-être.

La voiture de ma prof de musique n'est pas là, en revanche je m'amuse de voir qu'on distingue une personne en train de gravir les petites marches menant directement à la salle des profs. J'ai beau zoomer, impossible de reconnaître le visage flouté.

À gauche, côté boulevard, il y a le portail ; bleu lui aussi. On s'y massait en attendant que les surveillants ne viennent l'ouvrir, et on quémandait l'entrée à l'interphone lorsqu'on était en retard. Mes initiales et celles de Kelly y sont-elles toujours gravées ? Après un court chemin ombragé longeant le bâtiment, nous arrivons à la cour. Sur les images satellites, on voit les délimitations du terrain de foot, les lignes de la piste de course et même le banc de pierre où je traînais pendant les récrés. De l'autre côté de la cour, enfin, le toit de tôles orange du gymnase.

Le lieu que je haïssais le plus, de tout mon cœur âgé de treize ans.

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Il avait plu toute la nuit. Le muret de béton qui longeait la rue devant le collège devait être trempé car aucun élève ne s'y trouvait assis. Je scannai rapidement les groupes en plissant les yeux. Adossé à l'extrémité du portail, Hugo faisait son charmeur auprès d'Océane et de Salma ; un groupe de troisièmes écoutait de la musique ; quelques garçons de quatrième d'une autre classe se chamaillaient bruyamment à cause d'une histoire de stylos 4 couleurs volés. Il y avait aussi des plus petits, que je ne connaissais pas, mais qui ne constituaient aucune menace à mes yeux.

J'estimai que si j'évitais le groupe de bagarreur et que je passais suffisamment loin des filles et d'Hugo, je pourrais arriver tranquillement jusqu'à l'entrée du collège.

Mais c'était sans compter les personnes qui arrivaient dans mon dos.

- Hé Réval !

Je me figeai au milieu de la route. Ça ne pouvait être que Cynthia, la seule élève dans tout le collège qui m'appelait par mon nom de famille, car c'était ainsi qu'elle appelait toutes les personnes qu'elle ne respectait pas. Mon cœur se mit à battre beaucoup plus vite, faisant gonfler une boule dans ma gorge.

Cynthia avait au moins deux ans et deux têtes de plus que moi, des tresses avec des rajouts rouges sur ses cheveux noirs, une moyenne qui frôlait les plaines abyssales, et le record du plus grand nombre de retenues du collège. La moitié d'entre elles avaient pour motif bagarres et violence envers d'autres élèves. Ils attendaient quoi pour la virer ?

- T'as piqué les fringues de ton grand-père ou quoi ?

C'est quoi leur manie, à ces gens, d'emmerder les personnes qui ne leur ont rien demandé ?

Je mis quelques pas de distance entre Cynthia et moi puis répondis d'un sobre mais efficace doigt d'honneur.

- Tu vas morfler, Réval, gronda la fille. T'as intérêt à me filer ton DM de maths si tu veux pas finir avec la tronche éclatée.

Garçon, Fille ou GwenWhere stories live. Discover now