Ariona Maltais - les 73e Hunger Games

Chapitre 11 : L'évaluation

Bien évidemment, je compte mettre ce tableau à jour régulièrement en fonction des avancées de chacun, des morts aussi, mais je pense qu'il pourra tout de même m'être utile d'avoir une sorte d'ordre de grandeur par rapport à mes adversaires quand j'entrerai dans l'arène.

Ce qui concentre néanmoins toute mon attention en ce moment, ce ne sont ni les Jeux à venir, ni même l'interview qui sera pourtant filmée demain. Non, à cet instant, toutes mes pensées sont focalisées sur la séance privée avec les Juges que je m'apprête à passer.

Depuis maintenant une semaine que nous nous entraînons, je reste persuadée que la plupart ne connaissent même pas les noms des différents tributs, et encore moins leur visage ou leurs compétences. Autant dire que la note finale se jouera presque exclusivement sur cette démonstration de force... et sur la parade. En effet, je suis convaincue que cette première impression conserve une immense influence sur la façon dont le public, et par extension les Juges, nous considèrent.

De manière totalement partiale donc.

Pour ma part, avantagée ou non, je ne compte pas briller outre mesure durant cette séance. Rétrospectivement, je ne suis pas sure non plus que j'y serais arrivée si j'avais essayé, mais ce n'est de toute façon pas mon intention. Entre ma participation inattendue à la Moisson et ma parade époustouflante, je suis déjà pour ainsi dire le tribut vedette de l'année. Or, cette position a tout du cadeau empoisonné dans l'arène.

De fait, bien que la célébrité attire de très nombreux sponsors - encore que dans mon cas je n'en profiterai même pas -, elle attire également la jalousie des autres participants, qui tentent de récupérer cette place à tout prix. La seule manière de la conserver est alors de frapper la première, autrement dit de savoir se battre et tuer. Ne sachant faire ni l'un ni l'autre, je ne deviens plus seulement une cible, mais une véritable proie sans défense. La seule issue qui pourrait me permettre d'éviter cette situation serait de me faire oublier un peu avant le commencement des Jeux, ou tout du moins de paraître suffisamment faible pour convaincre les autres tributs, notamment les Carrières, que je ne constitue pas un danger suffisamment important pour devoir me traquer à n'importe quel prix. Et cette stratégie commence ici, avec les Juges.

*

Cela fait maintenant plus de deux heures que j'attends, et nous n'avons même pas atteint la moitié. Tous les tributs ont été réunis dans la cantine en début de matinée, puis appelés un à un pour paraître devant les juges, dans l'ordre croissant des districts. Le garçon d'abord, la fille ensuite. Ce qui fait de moi la dernière d'une longue liste. Et comme les séances durent une dizaine de minutes chacune, au mieux, j'en ai encore pour longtemps à me tourner les pouces en regardant la porte grise en face s'ouvrir et se fermer toutes les 600 secondes.

Bien évidemment, je me suis tout d'abord intéressée à mes adversaires, étudiant leurs réactions pour essayer de déterminer lesquels auront les meilleurs notes. Les Carrières, pour sûr, qui paraissent tous aussi arrogants que convaincus de leur supériorité. Eux exceptés, la majorité des tributs semblent plus impressionnés ou angoissés à la perspective d'affronter les Juges seuls. Esteban particulièrement, dont les mains tremblent de plus en plus violemment à mesure que son tour approche. Ayant remarqué durant la semaine qu'il s'était particulièrement entraîné sur les parcours d'escalade et d'accrobranche, je sais qu'il compte faire une démonstration de ses talents de grimpeurs. Mais sa nervosité risque de lui causer bien du tort, sans compter que son ordre de passage ne l'a pas vraiment avantagé. Passant après Ria et Sacha, il risque de laisser une piètre impression. Les jumeaux athlétiques du Sept quant à eux, de même que Varin, affichent une mine neutre, voire blasée, comme si les résultats de ces séances ne leur faisaient ni chaud ni froid. Ce qui bien sûr, n'est vrai de personne ici.