Chapitre 10 :Bruit de couloirs

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Mayzel les entendait. Elle n'était pas sourde. Est-ce qu'ils pensaient vraiment être discrets ? Ou voulaient-ils au contraire qu'elles les entendent ? Corwynn se glissa près d'elle, son sac sur l'épaule, un éternel sourire sur les lèvres.

« Les affres de la popularité...

— Je leur fermerais bien les oreilles, moi.

— Quoi ? »

Corwynn éclatant de rire, ses boucles blondes dansaient sur son front. Mayzel avait mal dormi et son visage le laissait savoir.

« Désolé. C'est juste que... Ils n'ont pas mieux à faire ? »

Dans les couloirs les élèves s'amassaient et l'observaient. Apparemment des secondes années avaient conté ses exploits passés. Et ils ne s'étaient pas contentés du sauvetage des élèves de Monsieur Pourprebraise. Tout y était passé : le concours, le kraken... La moitié de l'école connaissait en détail sa vie. Et bien sûr son intervention dans le dortoir des Hydres n'avait rien arrangé. Heureusement la plupart des regards et des commentaires étaient positifs. Pourtant Mayzel voulait simplement pouvoir étudier dans la bibliothèque sans entendre les conversations d'élèves à son sujet... Heureusement ces escapades nocturnes n'étaient pas terminées. Henuie avait même offert son aide.

Ces amies avaient bien essayé d'arrêter la propagation des rumeurs et les bruits de couloir, mais rien n'y faisait. Les élèves discutaient, la fixaient, jetaient de petits coups d'oeil sur elle aux heures de repas, ou quand elle étudiait.

« Bah, au moins tu es populaire.

— Ouais. Ils ne te jettent pas des tomates.

— Enfin, ils ne me jettent pas des fleurs non plus. Et quand bien même : je voudrais juste une scolarité sans vague.

— Et sans tentative de kidnapping, répétèrent en cœur Corwynn et Henuie. »

Camille avait proposé d'en parler à la directrice, mais la sorcière avait pensé que ceci ne ferait qu'empirer les choses. Elle préférait faire profil bas. Ils trouveraient bien autre chose de plus intéressant d'ici quelques jours. Quelqu'un finirait bien par se faire remarquer. De préférence ni elle et ces amis.

Elle se glissa dans la salle. Felicya lui tendit un regard amical et la salua. Ces amis étaient tous avec elle pour ce cours. Heureusement. Felicya était gentille, mais ne restait qu'une connaissance. Et à l'heure actuelle, Mayzel préférait ne pas se faire de nouveaux amis. Elle ne savait pas qui avait lancé les rumeurs, mais cette personne devait la connaitre, et savoir que même positive des rumeurs blesserait Mayzel, terrifié à l'idée d'attirer de nouveau l'attention... Encore plus quand il s'agissait de chose supposée secrète. Elle traversa les allées pour se mettre devant. Elle serait moins gênée par les bruits des discussions. Sorën avait déjà réservé d'autres bureaux pour le groupe. En allant s'assoir, Mayzel croisa un regard jaune. Helnielle était assise sur le bureau à sa droite. La harpie baissa la tête. Elles ne s'étaient pas reparlé depuis que Corwynn l'avait exclu. Au début, Mayzel s'était senti mal pour elle, mais la jeune harpie avait rapidement retourné sa veste, sans trop de remords. Elle faisait partie des rares qui ne l'avaient pas remercié pour le « sauvetage ». Mayzel ne lui en voulait pas. Il n'y avait rien à remercier, et elle savait surement que le groupe en restait tout de même indirectement la cause. Néanmoins, cela en disait beaucoup sur son état d'esprit. Tout à coup elle releva la tête. La harpie était toujours perdue dans la contemplation de sa table.

« Cor...

— Oui... »

Elle pointa Helnielle. Son ami suivit son fil de ses pensées et fronça les sourcils. Son visage vira au rouge. Mayzel le rattrapa, elle ne voulait pas qu'il se batte. Cela n'arrangerait rien. Surtout Corwynn. Il n'était pas du genre à se battre. Il préférait alléger l'atmosphère. Désamorcer les conflits. Pourtant quand il s'agissait du groupe... Il s'asseyait, mais son regard resta prostré. Mayzel se tourna vers Helnielle.

« J'espère que tu t'amuses bien avec tes histoires, commença-t-elle tout fort. Tes amis doivent être ravis de voir l'importance que tu accordes à la confiance.

— Je... Je n'ai rien fait... de mal.

— Non. Rien de mal... En effet. »

La harpie se retourna vers ses amies. Mayzel ne voulait pas la provoquer plus. Ces paroles à peine voilées avaient probablement déjà mis en garde le reste de la classe. Elle ne voulait pas qu'elle ne fasse de mal à quelqu'un d'autre. Quelqu'un lui confierait ces secrets à tort. Elle ne pourrait rien faire de plus.

Elle soupira. Corwynn était à peine moins énervé. Helnielle avait trahi leur secret et elle portait toujours sur sa main, invisible aux yeux des autres, le sort qui leur permettait de se prévenir. À la rentrée, lorsqu'elle avait voulu localiser le groupe, elle avait vue, aux lions sa lumière briller. Symbole de leur amitié... Camille et Henuie tentèrent de lui changer les idées.

« Cor' lance Frigga, oublie. On vivra avec.

— Oui, confirma Mayzel, on s'en fiche.

— Hum.

— Cor' si tu continues comme ça, on va finir dépressif, lança Sorën avec un sourire taquin. Tu l'as dit : sans toi je broie du noir. Je me retourne dans mon cercueil. »

Le visage de leur ami s'illumina.

« Je sais, je sais. Je suis essentiel. Mes blagues sont hilarantes et ma présence rayonnante.

— Ah bah voilà !

— Bon, faut pas exagérer non plus, sourit Frigga. »

Leur professeure arriva et les conversations se firent silencieuses. Étrangement, le cours de langue magique fut le plus amusant. Corwynn appela un lapin un dragon et Hélène affirma que les carottes dansaient dans la cuisine. Plutôt que d'harponner les élèves, leur professeur pointait leur erreur de manière à amuser tout le monde et marquer leur esprit. Et cela marchait bien. Henuie et Frigga étaient les plus doués avec Camille. Mayzel se défendait, mais tenir une conversation en langue magique restait pour l'instant au-dessus de ces forces. Cette langue était surtout utilisée pour des sorts et cérémonies. Elles permettaient de créer des sorts plus puissant et plus précis. Si on ne confondait pas armure et fourchette, par exemple. Heureusement, Mayzel ne comptait pas demander de renommer son balai. Elle risquerait de se retrouver avec un éléphant à la place.

*

« Ouch. »

Frigga se massa l'épaule. Une première année trop pressée l'avait bousculé. Le fautif se figea et les fixa. Tous restèrent interdits.

« Euh, en général, on dit pardon. »

Frigga n'était pas particulièrement énervé, plutôt intrigué.

« Tu as perdu ta langue ? souriait Corwynn.

— Euh... Euh. Désolé. Je n'ai pas fait exprès. Je... Désole.

— Pas besoin de t'excuser autant. Ce n'est rien.

— Oh.

— Tout va bien ?

— Oui... C'est ...

— Oui ?

— C'est juste que dans mon ancienne école les grands étaient moins sympas. Surtout...

— Surtout ?

— Vous êtes populaire. Tout le monde parle de l'année dernière.

— Ah.

—T'inquiète. File en cours tu vas être en retard. Et nous aussi. »

Alors que la première année s'éloignait, le groupe en fit de même. Ils avaient cours de sortilèges. Néanmoins Mayzel nota les regards en coin des premières années.

« Mayzel a encore frappé.

— Tais-toi Corwynn. »

Soralen - École de magie : Deuxième AnnéeWhere stories live. Discover now