22 (b). Frédérique

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On a donc installé le bivouac à côté de la belle vasque et des deux jacuzzi, en face de la falaise. Les Zaôtres n'en revenaient pas tellement c'était beau. Tout le monde était hyper content, même s'il avait fallu trimballer les canoës qui pesaient une tonne sur le sentier pas encore bien débroussaillé. On avait fait comme pour la photo de famille : on avait retourné le canoë sur notre tête et telle une tortue, on parcourait le sentier, avec juste nos quatre pattes qui dépassaient. Tom avait immortalisé l'instant avec une photo, pour comparer avec l'entrainement il avait précisé. Le point positif, c'est que ça faisait un peu d'ombre, pas du luxe par cette chaleur étouffante dans ce bush sans arbres. Comme il y avait tout le matériel dans les canoës, avec la nourriture, les tentes et nos sacs, il avait fallu faire plusieurs allers-retours. Il avait aussi fallu transporter les planches que l'hydravion avait déposées à côté de l'arrivée du sentier, là où le bivouac était initialement prévu. Bref, Matt et moi, on avait foutu un sacré bordel dans l'organisation et on s'était rajouté du boulot, mais le jeu en valait la chandelle, rien qu'à voir les mines ravies de Noz et Olivia qui n'avaient pas attendu le repas de midi pour se jeter dans les remous des deux jacuzzis.

Comme prévu, on avait commencé à aménager le bivouac et Matt avait eu raison, le terrain était au moins aussi bon que sur les autres emplacements. Heureusement que par endroits il y avait des dalles rocheuses, des grandes et belles dalles rocheuses, ça nous faisait ça de moins à débroussailler. Parce que de la broussaille, il y en avait. Il y avait d'ailleurs que de ça. Mais personne ne mouftait et chacun s'attelait à sa tâche dans la bonne humeur sous la chaleur. C'est qu'il y avait la promesse d'une superbe baignade ce soir, après l'avant gout du midi !

En fin d'après-midi, on avait dégagé suffisamment d'espace pour planter trois tentes et implanter un barbecue de fortune avec quelques pierres dans un coin sécurisé. La cuisine n'était pas encore construite, ne parlons pas de la table ni des toilettes. On était clairement à la bourre, mais cela n'inquiétait que Mike, qui bougonnait dans son coin depuis l'appel radio. Sur le coup des 17h, on décida d'un commun accord qu'on en avait terminé pour aujourd'hui et le record mondial de montage de tente igloo fut battu.

Et peut-être aussi celui de course vers une vasque, tant en quelques minutes nous avions squatté les trous d'eau.

Cette eau fut un délice, une pure merveille, un havre de fraicheur après cette chaleur étouffante. Il fallut d'ailleurs que je m'asperge le visage plusieurs minutes pour que ma température redevienne normale et que j'apprécie la fraicheur de l'eau.

J'en étais à la traduction franco-italienne de mon jeu de mot avec Olivia, surtout qu'il était question d'un de ses compatriotes, quand Matt est arrivé avec les bières. Non seulement la bière était fraiche (le gros avantage de travailler au bord de l'eau) mais en plus elle était servie le cul dans la vasque (haut de gamme), par un joli garçon, qui de toute évidence impressionnait toujours autant Noz, rien qu'à voir son regard de poule et son rire exagéré. Elle était pas belle la vie ?

L'alcool aidant, un doute m'assaillit : et s'il n'était pas italien mais espagnol ou portugais, le père Vasco ? Gama, ça sonnait quoi ? J'aurais dû mieux apprendre mes leçons d'histoire, d'autant que je ne me souvenais plus du tout pour quel fait d'arme cet explorateur s'était rendu célèbre. Ce qui n'était pas idéal pour expliquer mon jeu de mot qui de toute évidence ne faisait rire que moi. Tant pis, j'avais mieux à faire, j'avais une vasque à explorer.

Le massage des trapèzes et des lombaires était salutaire, presque indispensable pour décompresser après la chaleur torride de la journée et le travail toujours aussi fatigant. En m'enfonçant légèrement sous l'eau, les remous venaient marteler mon crane et étonnement me procuraient un sentiment de calme qui ne s'arrêtait que lorsqu'il fallait que je reprenne mon souffle (je n'avais jusqu'ici jamais pensé être si crispée de la cervelle !) En changeant de côté, je pouvais successivement essayer de relaxer les muscles de mes cuisses et de mes mollets, qui restaient encore malheureusement trop contractés. Et clou du spectacle, une position complètement improbable me permettait de jouir de la pression salvatrice des jets sur la plante de mes pieds.

Et pendant ce temps-là, à Tapachula (mon été dans les bois)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant