Chapitre 3 | Un mois de repos

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Toutes ces tartes avaient au moins un effet positif : j'allais passer un mois avec mon fils. Un mois entier. Trente jours quoi. Avec un gamin de douze mois. Qui marchait à peine, enfin juste ce qu'il faut pour s'inquiéter, ne parlait pas, ne faisait rien d'autre que des areuh areuh. Une heure par jour, c'était le paradis, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, on s'approchait déjà plus de l'enfer.

Je l'aimais mon fiston, pas de doute mais j'avais été élevé à l'ancienne : l'homme s'occupe de ramener la maille et la femme d'élever les gosses. Je savais que c'était ringard et plus vraiment à la mode. Je luttais un peu contre la facilité, mais je penchais souvent du mauvais côté du manche. Avec la décision de Sylvie, j'allais en être quitte pour connaitre un peu plus mon môme. Elle avait réagi de manière expéditive mais elle ne changerait pas d'avis - autant espérer que l'eau de pluie ait goût de pommard.

Trente jours avec Clément, mon petit Clément que je connaissais si peu. Et que je n'avais pas prévu de connaitre si bien si tôt. Un enfant, un fils surtout, c'est du bonheur : jouer au foot, aller au cinéma, peut-être même boire un coup avec lui ; mais pas tout de suite, pas à un an. Qu'est-ce que j'allais pouvoir faire avec mon môme de douze mois. Manquerait plus que Sylvie nous dégote un pur boulot très bien payé et que je sois rivé là toute ma vie. Non pas possible ! Y-a pas une heure j'allais manger le monde, et là je me retrouvais le nez dans les couches.

Je déposais doucement Clément dans son lit, sans le réveiller. Toujours ça de gagné. En allant me poser dans le salon, une petite binouse à la main, j'ai eu un flash. Je venais de trouver le moyen de supporter cette période. Ma bonne vieille PS3. Trente jours de jeu et je monterai à l'assaut du monde à partir du trente et unième. Dieu aussi s'est reposé ; lui c'était après avoir bossé, mais c'est dieu quand même, on ne peut pas comparer.

La naïveté, c'est souvent de l'ignorance et mon rêve de PlayStation était basé là-dessus : prendre soin de mon gosse pendant une heure par jour et me détendre le reste du temps. J'avais vu juste mais à l'envers. Il fallait tout le temps être derrière Clément. Il n'allait pas loin, pas vite mais en permanence, avec un démarrage de préférence dans les cinq secondes où je tournais la tête. Il avait bien un parc, mais il s'ennuyait très rapidement, et quand il s'ennuyait, il pleurait. Si vous êtes adepte des jeux vidéos, vous savez qu'interrompre une partie, c'est pas bon niveau concentration. Là, j'avais à peine le temps de buter un zombie que Clément réclamait, au choix, biberon, sieste, attention, petit pot.

Sylvie ayant rajouté dans mes tâches journalières, le ménage et la tenue de la maison, je n'avais plus un instant à moi. J'étais nul pour la lessive, le repassage, la bouffe et le ménage. Oh je vous vois venir : « infâme macho ». D'une, oui, j'étais un gros macho, infâme peut-être pas, mais un macho. Et avant de m'y coller, je pensais que les femmes étaient faites pour ça et nous non. Nettoyer la merde, c'était leur truc, pas le nôtre. Trente jours à baigner dans la merde m'ont débouché les sinus et le reste. J'étais aussi peu fait pour ça qu'elles. Elles avaient plus l'habitude parce que les hommes ne foutaient rien et qu'il fallait bien que quelqu'un s'y colle. Mais le trentième jour, ce qui me demandait une heure au début se torchait en dix minutes.

J'ai pu me détendre autour de quelques bonnes parties de jeu à partir du vingt-cinquième jour. Pas exactement du loisir intégral mais moins l'esclavage qu'au début. Trente jours pourtant, c'est rien : trente jours de bonheur ou trente jours de bagne, quand on se retourne, c'est une paille. Et j'avais survécu. Plutôt bien si on considère que le premier jour, j'étais prêt à me jeter du balcon et le trentième, j'aurais presque demandé ma carte d'homme au foyer.

N'allez pas en déduire que femme au foyer, c'est un boulot de rêve. Je tenais la maison selon mes critères et c'était souvent un sujet de friction. Mais je me plaisais à être un peu le responsable de la maison, de ce qu'on y mangeait, de comment on y vivait. Chaque soir, comme un bon mari aimant, j'attendais le retour de ma petite femme :

Une tarte dans la gueuleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant