XVI

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Un murmure parcourut les capuches. Rama se sentit à la fois loin des regards insistants et, curieusement, projeté au cœur d'une attention plus grande encore. Les chuchotements gagnaient en ampleur quand une voix déclama :

— Ce garçon est renié des Sujets de la Couronne. Ses droits et devoirs envers le royaume sont rompus...

C'était cette femme, là-bas. Enroulée dans un drapé clair, elle portait à son cou une table couverte de parchemins. La salle sembla retenir sa respiration quand elle se pencha sur l'une de ses feuilles. Le souffle manqua même à Rama. Il ne comprenait pas le dernier mot de la dame blanche. Il ne comprenait pas ce qu'ils voulaient faire de lui.

La femme aux parchemins releva la tête.

— Des terres de Vendomeland il sera expulsé demain à l'aube, au passage de l'île de la Terre-Ciel.

Cette fois-ci, la salle fit plus que respirer. Elle cria. Des exclamations surgirent dans les armées de têtes en toges. L'homme brun massa son front de la main, yeux clos. La femme blanche, sur le haut trône doré, pâlissait tant qu'on pouvait le remarquer.

Souffle court, Rama se riva sur les armures qui s'approchaient de lui.

— Qu'est-ce qui se passe ? se força-t-il à demander quand les mains gantées défirent quelques liens.

Il n'eut pas de réponse. Les monstres de métal étaient identiques à ceux de Sa Majesté, mais rien en eux ne lui rappelaient quelque chose de familier. Des poignes froides et solides le saisirent par les épaules. Poussé en avant, il se leva de la chaise.

— C'est cruel !

Un homme en toge venait de crier, en cherchant du regard la femme blanche. Quand il vit que Rama l'observait, il cessa ses gesticulations, pour se fondre dans la foule.

Rama marchait, plus libre qu'il ne l'avait jamais été dans cette salle. Mais impossible de penser ; plongé dans la folie, aligner deux pensées logiques était impossible.

Les armures le guidaient vers d'immenses portes blanches, à l'opposé du siège doré.

— C'est quoi la Terre-Ciel ? articula-t-il encore.

Du silence. Mais dans son dos régnait une douce clameur alarmante, qui ne montait jamais haut. Rama tordit son cou en arrière, pour lancer un dernier coup d'œil à cette femme, qui ressemblait tant à Sa Majesté. Celle-ci, penché sur ses mains jointes, ne le regardait plus.

Il passa les battants baignés dans la lueur d'un soleil couchant.

« Cet homme a dit que seule l'Angevert pourrait te sauver, s'entendit-il murmurer à Chauvette. Alors, d'accord. »

Ses pieds voulurent faire marche arrière. Les armures appuyèrent sur ses épaules ; rabattirent son regard sur les dalles de l'extérieur.

« Je te ramènerai l'Angevert. »

Les grandes portes claquèrent dans son dos.


Un coucher de soleil, Rama n'en avait jamais vécu quand il était Blondin. Le ciel prenait plus de couleurs qu'il n'en connaissait ; de l'or, du rose chaud, toutes les teintes de bleu. Il pouvait lever le menton, tourner la tête, le spectacle continuait où qu'il pose les yeux. Il respirait, remplissait ses poumons du vent, sentait le frais sur son crâne, et les tourbillons glacés sous sa chemise.

Les MiraculésWhere stories live. Discover now