XV

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La première chose que Rama sentit fut cette douleur lancinante qui lui compressait le crâne.

— ... plus grande que notre royaume ait jamais connu. Une immonde et intolérable atteinte à notre noble divinité, à la Couronne, à l'Ordre, à l'Armée.

Le noir n'était plus noir. Des couleurs y tanguaient, floues, informes, elles tourbillonnaient et disparaissaient.

— Reprécisons les faits. Son ex-Altesse royale, le Prince Meyram, accompagné de l'ex-caporal, feu monseigneur Soliamédus, et de ce... de cet inconnu, ont fomenté l'assassinat de feu Sa Majesté l'ancienne Reine Lilin, de feu Sa Majesté l'ancien Roi Nimir, l'enlèvement de notre Grande Détentrice, ainsi que la scission de l'île d'Utopie, avec l'aide de complices en troisième strate.

Les couleurs revenaient. Il y avait du qui-brille. Et du blanc. Beaucoup de blanc.

— L'ex-caporal, feu monseigneur Soliamédus, a été bravement neutralisé par le caporal, monseigneur An-Chenlei, ici présent. Des blessures administrées par arme létale ont emporté l'ex-caporal, feu monseigneur Soliamédus. Compte tenu des crimes desquels il aurait eu à répondre, l'Ordre s'abstiendra de prier pour son âme.

Le blanc étincelait. La lumière grandissait et Rama se sentit ébloui. Son mal de tête décupla, ses paupières se pressèrent.

— Son ex-Altesse royale, le Prince Meyram, a vraisemblablement fui avec l'île d'Utopie. Selon les témoignages de la Garde Royale, il se rend coupable de contact prolongé avec notre Grande Détentrice, de tentative d'enlèvement de sa divine personne, d'extraction et d'utilisation de son pouvoir, de l'assassinat de nos estimés et regrettés grands anciens souverains.

Rama gémit. L'écho de sa voix se répercuta loin, plus loin encore, dans un silence plus lourd que la rue d'En-Bas.

Il ouvrit les yeux.

— Les complices de la troisième strate ont été identifiés, poursuivit avec lenteur un homme sans cheveux, habillé de vert et de blanc, un long parchemin déroulé sous le nez. Il s'agit d'un groupe de délinquants spécialisé dans les trafics illégaux, au cœur, semble-t-il, de ce très problématique commerce de pouvoir divin, que notre armée n'est toujours pas parvenue à endiguer.

Un raclement de gorge agacé résonna, tandis que, doucement, les yeux de Rama s'habituaient à la lumière. Aux côtés de l'homme sans cheveux, il vit des capuches, plusieurs dizaines de capuches, toutes les mains figées dans une forme qui ressemblait à un losange. Puis, encore à côté d'elles, débutait un grand escalier, qui montait haut, plus haut, jusqu'à une grande chaise dorée. Sur celle-ci se tenait une longue robe blanche, flanquée de bras blancs, d'une tête blanche, d'un regard étrange, et de ce bijou de tête pointu qu'il pensait avoir déjà vu.

Le chauve donna le rouleau à une capuche, qui lui en tendit un autre. Il le déroula d'un geste tranquille, qui trancha avec sa voix, quand il reprit d'un ton sans appel :

— Voici les préconisations de l'Ordre.

Rama ne savait pas s'il devait l'écouter. Les mots ne lui étaient pas inconnus, mais il avait l'impression de ne rien comprendre.

Le front tendu par une nouvelle migraine, il tourna la tête. Le plafond de la salle était si élevé qu'il en devenait un ciel de voûtes et de blancheur. Les parois étaient couvertes d'armures étincelantes, immobiles, rangées dans des centaines d'alvéoles de pierre.

Les MiraculésWhere stories live. Discover now