Chapitre 19 - 1/2

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« L'amour et le chocolat, c'est du pareil au même. Ça peut être doux, sucré, amer, de toutes les formes, de toutes les couleurs, il y en a que tu aimes, d'autres pas. Et tu auras beau affirmer que tu n'aimes pas, putain qu'est-ce que c'est bon cette connerie d'addiction t'offrant autant de bien que de mal ! »

Paroles de Hella



Faire la paix avec Lettie... Plus facile à dire qu'à faire. Les réconciliations, ce n'était pas trop mon truc. Habituellement, si j'avais une dispute avec quelqu'un, ça se finissait par une bagarre. Parfois même par un mort ou deux dans le lot. Mais bon, il était rare que j'ai des disputes, sauf peut-être avec ma mère, lorsqu'elle était en vie. Et de son vivant Martin, de temps à autres.

Chez les vivants, à l'exception d'Hunter, Lettie était la première qui survivait à une dispute. Mais surtout, elle était la première qui lui faisait la tête. Personne ne faisait jamais la tête à Hella, on m'aimait bien trop pour s'y risquer. Même Strix n'avait pas osé bouder plus de quelques minutes.

Mon portable dans mes mains, le souvenirs de Strix m'embêta. Combien de temps cela faisait-il depuis la dernière fois que nous nous étions parlées ? Peut-être que si je l'appelais, cette fois-ci elle me répondrait ?

Laissant tomber le portable, je préférais prendre à nouveau la télécommande. Rien de mieux que des séries télé et des sitcoms pour trouver un moyen de se réconcilier.

Première solution proposée : supplier à genoux en se dévalorisant comme une grosse merde.

Deuxième solution : menace et chantage. Ça, je maitrisais.

Troisième solution : restaurant et baiser langoureux. Ah non, ça c'était pour les réconciliations amoureuses.

Ces séries étaient finalement vraiment beaucoup trop nulles, avec des scènes improbables et des réactions démesurées. Et même les programmes les plus proches de la réalité, voire même de ma réalité dans le surnaturel, ne me donnaient pas de réponse, ni aucune autre indication. Des fleurs et des chocolats, des cadeaux par milliers étaient-ils vraiment nécessaire ? Le pardon s'achetait-il à base d'objet et de nourriture ? L'amour se formait-il de ces attentions matériels ?

Stupide. Si ça avait été le cas, ma mère n'aurait pas tout fait pour m'empêcher d'avoir des amis. L'amour était dangereux et aujourd'hui je comprenais pourquoi. Le simple fait que Lettie ne puisse plus m'aimer déclenchait de ma part des tempêtes et pluies battantes. J'étais obligée de porter un collier comme un vulgaire chien...

— Bon, puisque la télé ne m'apprend rien, allons voir des tutos sur internet. Il doit bien y avoir un tuto du style « Comment se réconcilier avec un Oiseau de Joie lorsqu'on est une sorcière désespérée qui ne contrôle plus sa puissance ? ».


***


La nuit était tombée, et sous la Lune éclatante, la vérité s'offrait à la sorcellerie. Pour les yeux de Strix tout du moins. Elle voyait tout, entendait tout par le biais de son animal familier. Volant au rythme d'un vent froid, glacial, la chouette se laissait planer. Inutile pour Strix de bouger, ça ne servait à rien. Elle se liait et contrôlait l'animal d'un simple sort utilisé sur leur lien si particulier de sorcière à familier.

La chouette se posa sur une branche, n'attirant pas l'attention des loups alentour.

Le sort de sa mère ne fonctionnait pas, elle devait en trouver la raison. Aussi, la chouette verrait tout à sa place pour en percevoir la raison.

A l'intérieur du manoir, elle ne vit pas la moindre trace de Hell, mais une autre présence féminine prenait place auprès du loup Alpha. L'esquisse satisfaite de Strix lui fit oublier la raison de sa venue. Agnès de Chantraine était de retour auprès de son beau mâle. Hell ne serait pas contente de l'apprendre. Ce n'était un secret pour aucune sorcière du Convent. On ne cachait pas un sort à une sorcière de la haute hiérarchie. Et cette cicatrice-ci, cette balafre sur le torse du loup, n'avait rien d'une blessure ordinaire.

Chacun le savait. Agnès avait jeté un sort sur Hunter, avant d'être mise à mort au bûcher. Sans doute par amour.

Ce genre de sortilège était en quelque sorte sa spécialité après tout.

La jolie blonde à l'arrogance perceptible sur le visage tentait inutilement d'enlacer Hunter, ne se précipitant pas. Elle était l'une des rares sorcières immortelles de ce monde, les loups-garous ne connaissaient pas non plus la vieillesse. Elle saurait patienter. S'il s'entêtait à choisir Hella, la mort se chargerait de l'en tirer des bras pour lui laisser reprendre sa place. Agnès était patiente. Et intelligente. Ce qu'elle voulait, elle l'obtenait.

Strix se retrouvait dans ce fort caractère. Raison pour laquelle la chouette continuait d'épier, en quête de réponse.

Et c'est alors qu'elle le vit. Le collier.

Comment s'était-il procuré ce talisman protecteur ? Ce trèfle d'Awa... N'appartenait-il pas à ce travesti responsable d'un Club Alysse ?

Elle comprenait mieux à présent le pourquoi du comment.

Soudain, le regard d'Agnès se planta dans le sien. Dans celui de la chouette. Aussitôt, une nuée de corbeaux vinrent à l'attaque, l'obligeant à une retraite urgente.

La situation avait changé.

Mais si Agnès parvenait à éloigner Hella des griffes du loup, peut-être que tout ceci n'avait plus d'importance ? Hella se sortait d'elle-même du danger.

Seulement, si l'un des ennemis était écarté, un deuxième bien plus puissant subsistait. L'Oiseau de Joie. Lettie.

Strix s'était renseignée. Cette garce n'était qu'une menteuse manipulatrice. Derrière ses allures de Sainte-Nitouche fragile et innocente se cachait une garce capable de pousser au suicide et à la folie meurtrière. Elle l'avait vu, elle l'avait lu. Elle pousserait Hella au désespoir, la tuerait lentement parce que c'était ce qu'elle savait faire de mieux. C'était dans sa nature.

Mais Strix était là. Dans l'ombre, elle protègerait toujours Hella. Le monde pourrait bien vouloir l'anéantir, Strix serait toujours l'étreinte bienfaitrice et la lumière venue lui tendre la main. Elle l'aiderait, la protègerait.

Pour toujours...

— ... et à jamais, acheva-t-elle sa pensée en brisant la connexion avec sa chouette.

Il était temps de passer au plan B.

Bang Bang, Banshee sang ; Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant