Le départ

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Ne regardons plus en arrière

car ce n'est pas là que l'on va.

Tout comme nous, HAZE avait subi longtemps l'emprise du brouillard sur sa vie et il avait préféré partir à la quête de solutions. Il avait fini par se poser dans cet endroit gorgé de mystères et dénué de brumes.

Enthousiasmés par ses découvertes et son accueil, nous avons décidé de rester auprès de lui et de l'aider dans sa noble mission : libérer le monde du brouillard en rendant à la nature la priorité. Nous n'avons pas eu besoin d'y réfléchir trop longtemps. Nous étions déjà convaincus qu'un ailleurs nous attendait quelque part, loin de notre vie d'avant. Et cet ailleurs était là.

Par contre, nous savions aussi que notre enquête ne s'achèverait pas ici. Nous aurions certainement à explorer davantage d'endroits pour comprendre d'où provenait ce phénomène. Mais pour l'heure, le manoir et son microclimat nous aideraient à y voir plus clair. Ici, nous pourrions imaginer, inventer, créer, expérimenter, échanger librement sans craindre le courroux de la pensée collective qui impose, sans être condamnés par le jugement des têtes pensantes persuadées qu'il n'y a d'autres raisons que la leur.

Il nous fallait tout de même régler nos affaires auprès des nôtres pour pouvoir être libres dans ce que nous allions entreprendre. Nous ne pouvions laisser derrière nous regrets, remords, inquiétudes ou sentiment d'abandon. Nous devions retourner d'où nous venions et quitter un temps cette nouvelle maison et son unique locataire.

Pour moi, les au revoir ne furent pas un problème. Il y avait si longtemps que je vivais dans ma bulle, hors du temps et séparée des gens, que personne n'était là, à guetter mon retour. Personne n'avait fait attention à mon absence, ni même à ma présence d'ailleurs.

La vie suivait son cours sans que personne ne se soucie de moi et de ce que je vivais ou faisais. Quand je pénétrai dans la maison, nul ne changea d'attitude et tous continuèrent à faire ce qu'ils avaient à faire.

Rien n'avait changé depuis mon départ quelques jours plus tôt.

Rien, à par moi.

Je compris que la bulle m'avait vraiment fait disparaître aux yeux de tous. Finalement, je me dis que ce n'était pas une si mauvaise chose de n'exister pour personne. La peur du manque, le poids de l'absence et le chagrin dans le regard de mes parents auraient rendu mon départ plus dur et la séparation certainement difficile. Et puis, il fallait bien avouer que j'étais la première à les avoir oubliés en entrant dans ma bulle. Il aurait été mal venu de leur reprocher cette indifférence.

À l'évidence, ce ne serait pas ma problématique principale.

Je quittai la maison qui me vit naître ainsi que tous ceux qui avaient fait partie de ma vie. Pour la première fois, j'eus le cœur gros.

Mais... si je voulais voir les choses de manière positive, je me devais de remarquer que malgré cette lourdeur dans ma poitrine, et la boule qui durcissait dans mon ventre, toutes ces sensations étaient plutôt gage de bonne nouvelle. Elles montraient que je recommençais enfin à faire partie du monde et à reconsidérer les autres.

Surprise par ce que je ressentais, je pus constater que la bulle n'était plus là autour de moi et que je n'étais pas en train de suffoquer.

Sans doute que moi aussi, comme la fleur du terrain vague, je pouvais m'adapter.

Avant de partir, je portai un dernier regard sur mon passé : La petite maison en terre sans couleur, le jardin où l'herbe avait cessé de pousser, la boutasse, vidée de son eau, où plus aucune grenouille ne sautait et le grand chêne, qui trônait tel un fantôme du passé, dévêtu, asséché, mais déployant éternellement ses branches vers le ciel, cherchant désespérément le soleil, perdu dans les brumes de la Dombes.

la BulleTahanan ng mga kuwento. Tumuklas ngayon