Ceux du dehors

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Ceux du dehors

L'enfer, c'est les autres !

(Jean-Paul Sartre)

Dans ce "Dehors", il y avait beaucoup de bruit provenant de partout, un mélange de chocs et de cris étouffés.

Rien n'était calme, tout semblait tout le temps en mouvement.

Certainement aveuglés par l'obscurité, les habitants se heurtaient contre tout ce qu'ils rencontraient, et en particulier, les uns contre les autres. Évidemment, cela ne rendait pas le quotidien très facile et cela compliquait bien souvent les relations.

Les gens vivaient dans ce crachin depuis toujours et étaient habitués à s'arranger avec. Il y avait malgré tout une ambiance plutôt dynamique bien qu'un peu électrique. Sans s'en rendre compte vraiment, les "Brouillards" (C'est comme ça que je les appelais) avaient mis en place un mode de communication assez brutal, à base d'yeux froncés, de nez plissés, d'airs sérieux, voire renfrognés et de mots qui résonnaient comme le tonnerre.

Oui, toujours ce tonnerre !

Je n'ai jamais réussi à m'y faire. Énervés, agacés, pressés, angoissés, rÉVOLTÉs, fatigués et condamnés à se cogner partout faute de luminosité, les habitants passaient tout leur temps à se chamailler pour un rien et se disputer pour tout.

Avoir raison était l'enjeu principal de toute conversation.

« Qui a tort ? À qui est-ce la faute si ça ne marche pas comme on veut ? Quel est le responsable ? Qui a bousculé l'autre le premier ? »

Chacun essayait de tirer la couverture à soi. Chacun tentait d'avoir une raison d'être contrarié, une raison de vouloir avoir raison.

« C'est ce maudit brouillard qui aveugle tout le monde ! » affirmaient certains.

"Ce sont les autres le problème, les différents, les pas comme nous, et ceux qui ne veulent pas faire comme tout le monde." Accusaient les plus virulents.

"Ne dites pas de bêtises ! C'est la vie qui est comme ça, c'est tout... On n'a pas le choix, il faut s'adapter si on ne veut pas se faire marcher dessus. Et puis, les anciens ont toujours vécu comme ça, pourquoi cela devrait-il changer ?" finissaient-ils tous par conclure.

Pour moi, Ce monde n'était que brouhaha et embrouilles. Je ne voulais toujours pas en faire partie. Malgré tout, cela fonctionnait très bien. Chacun avait sa propre technique pour appréhender la vie. On apprenait aux plus jeunes à se tenir sur leurs gardes pour se protéger, à se préparer, à être à la hauteur, à devenir les plus "adaptés". On se couvrait d'armures en tout genre pour amortir les chocs. On se blindait pour ne pas trop souffrir. On se mettait des casques pour avoir la tête dure. On se servait de boucliers pour ne pas être touché. On s'entraînait et on se musclait pour être toujours plus fort. On mettait de grosses bottes pour garder les pieds sur terre. On avançait coûte que coûte, droit devant parce que c'était comme ça et que tout le monde le faisait. Si on tombait, on se relevait, pour ne pas être piétiné par ceux qui avançaient plus vite et pour ne surtout pas se retrouver avec des bosses en plus. On pansait les plaies et les bobos superficiels. Et c'était reparti pour un tour. On se remettait en marche.

On parlait fort, on blaguait et on se moquait, de soi, des autres, des coquards sur les yeux, de tout et de tous. Les choses fonctionnaient comme ça et pour la plupart des habitants, ce n'était pas grave. C'était normal.

C'était la vie quoi !

Sauf que moi, je n'y arrivais pas. Je préférais vivre dans une bulle où rien ne blesse et où il fait toujours beau ; même si cela ne me permettait pas de vivre avec les autres. Pourtant, avec le temps, ce lien a fini par me manquer. J'ai tenté de sortir de ma bulle quelques fois, essayé de leur parler, mais c'est comme si je ne pouvais plus. Comme si la bulle ne me le permettait plus, comme si personne ne pouvait me voir au travers. Je voulais leur dire mais ils ne m'entendaient plus. J'avais comme... Disparu.

Le monde tournait sans moi.

Le monde tournait sans moi

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la BulleWhere stories live. Discover now