❄ - Chapitre 12 - ❄

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8 décembre 2021 – Bordeaux – Emma,

Mes nombreux sacs à la main, je slalome entre les gens dans les rayons du magasin. Je m'excuse auprès de ceux que je bouscule avant de poursuivre mon chemin. Cette journée est une course contre la montre. Ce matin, j'ai eu une panne de réveil qui m'a valu un retard au travail. Puis j'ai enchaîné les malchances les unes après les autres. Des clients exigeants à l'averse torrentielle qui m'est tombée dessus dans l'après-midi, tout a été de travers. Mes cheveux blonds me collent au visage. Je lâche un râle d'agacement. Nous sommes en décembre, pas en septembre. Pourquoi a-t-il plu ? À dix-sept jours de Noël, il devrait plutôt neiger.

Parce que oui, Noël est dans dix-sept jours. Mes parents ont déjà prévu l'ensemble de leurs cadeaux – ils me l'ont dit. Mes amis aussi, j'imagine. Pas moi. Comme tous les ans, je m'y prends à la dernière minute. À chaque fois, j'essaie de m'améliorer. En vain. Même avec un planning sur-mesure, pas moyen de m'y tenir. L'organisation est ma pire ennemie. Je préfère agir quand il n'y a plus le choix, quand c'est trop tard et que je ne peux plus repousser au lendemain. C'est plus fort que moi. Je me retrouve donc souvent à devoir me dépêcher pour être dans les temps ; la preuve aujourd'hui. Les commerces sont bondés en cette période. Bon sang ! Pourquoi n'ai-je pas commencé mes achats de Noël plus tôt ?

Au bout de plusieurs heures de marche, de recherches, de plaintes, de grognements et d'essoufflement, ma liste est complète. Enfin. Un soupir de soulagement sort de ma bouche. Il me tarde de rentrer chez moi, de cacher mes trouvailles dans un de mes placards et de m'étaler sur mon lit. Je rêve d'un matelas moelleux sur lequel m'allonger un long moment. Cette idée fait jaillir une once de joie en moi.

D'un pas rapide, je me dirige vers les caisses. Les rayons défilent sous mes yeux jusqu'à ce qu'un en particulier retienne mon attention. Je m'arrête net. Devant moi, des dizaines de jouets sont entassés sur de larges étagères métalliques. J'aimerais m'en aller au plus vite mais mon corps refuse d'avancer. Mes jambes sont aussi molles que du coton. Je ne comprends pas ce qu'il m'arrive. Non. C'est faux. Mes poings se serrent quand je réalise que je me mens à moi-même. Je sais très bien ce qu'il m'arrive.

Mon cœur se compresse comme une éponge en plein essorage. Inutile de me voiler la face. J'ai conscience que la grande affiche à l'effigie du dessin animé Toy Story en est responsable. Mais pas seulement. Depuis avant-hier, elle hante mes pensées. Oui, elle et ses robes moulantes, ses joutes verbales, son sarcasme et son comportement horripilant me pollue l'esprit. Malgré mon acharnement, impossible de me sortir cette garce de la tête. Madame Mills y a élu domicile et ce quoi que j'y fasse. Une injure m'échappe en un murmure. De ma vie entière, personne n'a jamais réussi à me mettre si vite en colère. Elle est la première à accomplir cet exploit. Une vague d'appréhension me submerge. Si cette femme me procure un effet si surpuissant à distance, qu'en sera-t-il lorsque nous nous recroiserons ?

Mes pulsions meurtrières ressurgissent en flèche. La visualiser face à moi me donne envie de lui coller une gifle dont elle se souviendra à coup sûr. Toujours immobile au milieu du centre commercial, je sollicite le maximum de ma concentration pour ignorer l'étrange mélange de sensations qui se disputent en moi. La rage bouillonne dans mes veines mais il n'y a pas que cela. Il y a bien plus. Il y a des choses inexpliquées. Pourquoi son visage se recréer en moi, encore et encore ? Pourquoi son image me suit partout où je vais ? Pourquoi un côté tordu de mon cerveau souhaite fondre sur elle, la toucher, sentir ses lèvres contre les miennes et me perdre dans un baiser passionné ?

Elle est abjecte, odieuse et bonne qu'à draguer des inconnus en pleine nuit sous l'emprise de l'alcool. Ou peut-être que les nombreux verres de whisky qu'elle a ingurgité n'y sont pour rien. Un lourd poids s'abat sur ma poitrine. Aurait-elle flirté avec cette fameuse rousse au teint mate en étant sobre ? Sont-elles allées plus loin qu'un simple jeu de séduction, ce soir-là ? Une boule de haine, de frustration et de je-ne-sais-quoi d'autre se forme dans mon ventre. Un brin de jalousie venu de nulle part s'infiltre dans mon cœur. Elle m'écrase de toute sa force. Pourquoi son intimité m'importe tant ? Ses stupides histoires de coucheries ne me concernent pas. Ses relations sexuelles ne m'intéressent pas. Je m'en fiche.

Opération "attraction glaciale" [SWANQUEEN]Where stories live. Discover now