Chapitre Trois

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CHAPITRE TROIS

- DORMIR POUR OUBLIER -



— Il doit être dégoûté, commente ma sœur.

La lèvre inférieure coincée entre ses dents – signe de stress -, Nora garde les yeux rivés sur le banc des remplaçants près de la glace. Nos places hautes dans les gradins ne nous aident pas à lire les expressions des joueurs mais on devine tout de même notre ami n'en affiche aucune.

La deuxième période touche bientôt à sa fin, il reste huit petites minutes et les Grizzlies sont sur le point de perdre leur cinquième match de la saison. 6-2. La troisième et dernière période ne leur permettra pas d'égaliser face à leurs adversaires.

Cependant, je connais assez Nills pour savoir qu'il n'est pas du genre à être déçu par cette situation, pas quand il a tout donné et que son équipe en a fait de même. C'est ce qu'il aura fait ce soir, montrant à ses entraîneurs qu'ils ont eu raison de le laisser jouer. Même si ça n'a duré que quelques changements.

— T'en fais pas pour lui, dis-je à Nora.

Une défaite n'est jamais agréable à encaisser mais ça ne fait aucun doute, Nills ressortira de cette patinoire aussi souriant qu'il y est entré. En revanche, on ne peut pas en dire autant de son coéquipier, et très bon ami, Nashoba qui n'a joué que « six minutes cinquante-deux », comme il le répète, depuis leur entrée respective dans l'équipe universitaire. Tous deux jouent ensemble depuis le lycée et ont été ravis de pouvoir continuer en rentrant à la fac. Malheureusement, des problèmes de santé ont ralenti les plans de Nash ; les coachs Barnes & Grieski (Nills se plaît à les surnommer « Les BG ») peinent à lui accorder leur confiance. Ils redoutent la moindre blessure, le moindre accident, qui pourrait compromettre les deux parties.

Mon attention sur lui me fait immédiatement penser à sa propre sœur qui rate rarement ses matchs mais qui le fait de plus en plus ces derniers temps. Je décide d'interroger ma triplée qui copine avec elle et qui connaît toujours les derniers ragots :

— C'était quoi l'excuse de Kaya cette fois ? souris-je.

— Quelle excuse ? Elle travaillait c'est tout.

Le regard de Nora se veut innocent quand elle le relève sur moi mais elle oublie que je lis en elle comme un putain de mentaliste. Ça depuis nos premières années de vies. À 6 ans, je dénonçais ses mensonges ; à 11 ans, je la taquinais sur ses secrets ; à 15 ans, j'étais dans toutes ses confidences même celles qu'elle ne me disait pas directement. Je ne suis pas sa moitié, ou plutôt son tiers, pour rien. Et là, je vois bien qu'elle ne me dit pas tout.

— J'ai besoin d'en savoir plus, assèné-je. Tu sais bien que Nills me lâchera pas tant qu'il aura pas une réponse qui lui convient.

— Justement.

— Donc, elle l'évite bien ?!

Nora fuit mes prunelles insistantes pour se concentrer de nouveau sur le jeu tandis que je laisse échapper un ricanement de satisfaction. J'avais bien deviné la vérité, il y a quelques semaines, bien qu'elle ne soit pas difficile à percevoir. L'histoire Kaya-Nills remonte à l'année dernière, c'est une longue histoire qui s'est terminée sur une simple fréquentation charnelle, de temps à autre quand Kaya est de passage à Seattle ou que Nills retourne à Colhaw, notre ville natale. 

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