Chapitre Un

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CHAPITRE UN

- SIRSASANA-


Il n'y a pas un seul jour où je ne remets pas en question ma décision. Est-ce que l'amour suffit réellement à supporter une personne, 24 heures sur 24 ? Surtout quand elle semble tout mettre en œuvre pour nous taper sur le système nerveux...

Je laisse tomber mon crayon sur mes fiches de mécanique dont je relis le même paragraphe depuis une demi-heure. Impossible d'enregistrer la moindre information alors qu'un bruit sourd secoue un mur de ma chambre, avec une régularité impressionnante. Je ne sais pas ce que mon meilleur ami fout, mais je dois au moins lui reconnaître un certain sens du rythme.

— Nills, grondé-je en me levant, j'espère que t'es seul et habillé parce que je débarque !

En passant dans le salon, je jette un coup d'œil à l'entrée pour vérifier qu'aucune paire de chaussures inconnues ne s'y trouve. Avec lui, on doit s'attendre à tout. La preuve... Je pousse la porte de sa chambre et le trouve, la tête à l'envers, les bras pliés dans une position de poirier revisitée. Un sourire étire aussitôt mes lèvres tandis que je retiens de dégainer mon téléphone pour le prendre en photo.

Il n'a pas l'air surpris de me voir faire irruption. Il me sourit au contraire avant de refermer les yeux et de souffler. Ses cheveux blonds mi-longs tombent en cascade autour de son visage rougi par l'effort. Il se met à grimacer, perd l'équilibre et lutte pour reprendre sa position. Le tout en jurant. J'éclate de rire. Apparemment, la musique aux vertus relaxantes, qui émane de son téléphone, ne suffit pas à établir une atmosphère calme. En tout cas, je comprends d'où viennent les cognements incessants lorsque je vois ses pieds taper dans le mur pour l'aider à se stabiliser.

— T'essayes de faire quoi au juste ?

— Mec, ça se voit pas ? Je fais le Sirsasana, scande-t-il.

— Pour... ?

Il relâche ses bras et s'écroule lourdement contre son tapis de fitness rose fluo. Je connais Nills depuis nos 12 ans, mais les sept derniers mois de colocation m'ont fait découvrir des facettes de lui que je ne connaissais pas tout à fait. Comme ses lourdes insomnies ou ses obsessions étranges les jours d'avant-match. Et quand on lui demande, il assure qu'il ne stresse pas, mais moi je connais la vérité. Avant, ses matchs de hockey lui permettaient de se détendre et maintenant qu'il joue pour l'équipe universitaire, c'est lui qui doit se détendre avant de jouer. Il considère qu'il a des choses à prouver, des gens à ne pas décevoir, et des défis personnels à relever. La pression est plus importante, comme aujourd'hui à la veille d'un match.

— Alors, c'est quoi le but de ton Sirsa-truc ? le relancé-je face à son silence.

— Figure-toi, mon amour, débute-t-il d'une voix faussement douce, que ça renforce les liens entre mon corps et mon cerveau ! Cooper dit que le yoga améliore la concentration et aide à mieux jouer.

— Depuis quand t'écoutes un mec qui s'appelle Cooper ?

Ses yeux brillent de malice avant qu'il ne fonde en hilarité, très vite suivi de mes rires. Voilà pourquoi j'ai décidé de vivre avec mon meilleur... parce qu'on ne s'ennuie jamais, on rit tout le temps. Avec lui, je suis certain de me maintenir à flot. Changer d'université après ma première année était la meilleure chose à faire. Je n'aurais jamais tenu deux ou trois années de plus, à Phoenix en Arizona. Pourtant, j'avais tout pour m'y plaire. Les cours me convenaient, l'ambiance était cool, ma promo sympathique, mais il me manquait quelque chose. Sans doute une part de moi-même, laissée chez moi. Alors, je suis revenu. Pas vraiment dans ma ville natale, mais à quelques kilomètres de là. Auprès de mes proches.

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