Barbie et Ken

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Venir courir à la côte sauvage de Pointe-Noire est ma vision utopique du samedi matin parfait. Mais comme je vis loin d’ici, je n’ai pas toujours l’opportunité de ramener ma carcasse en ce lieu, résultat des courses, je suis crevé. De manière tout à fait logique, j’ai fait une pause. Je me tiens misérablement debout sur le trottoir essayant de reprendre mon souffle. Je suis en nage, j’ai vraiment l’impression que je vais vomir mes poumons et mon estomac me brûle, je me suis accroupi et je prends de grandes bouffées d'air.
-Oh lala tu es en nage, j’espère que tu ne vas pas vomir tes poumons, me dit une fille à la voix incroyablement sexy.
Ayant la tête en bas, ce sont tout d’abord ces baskets de sport de couleur rose que j’ai sous les yeux. Je prends une dernière bouffée d'air et me relève mais cette fille n’a pas qu’une voix sexy et agréable aux oreilles, elle est également dotée d’une beauté à en couper le souffle.
-Tu veux de l’eau ?
Cette fille me propose gentiment la bouteille d'eau qu’elle a dans sa main gauche. Sans me faire prier, je prends la bouteille et la débouchonne.
-Je veux bien te laisser boire un peu de mon eau mais j’apprécierai que tu évites de coller ta bouche, je n’ai pas envie d’échanger un baiser indirect avec un inconnu.
Sa réflexion n’est pas méchante mais j’aurais évité moi qu’elle la fasse. Avant même qu’elle n’ouvre la bouche pour me dire ses mots je savais déjà que je n’allais pas coller mes lèvres sur cette bouteille parce que 1) comme la bouteille n’est pas pleine, cela veut logiquement dire qu’elle a déjà, 2) dans le cas inverse, je me serais montré impoli en faisant cela. Finalité, j’ai bu deux gorgées d’eau sans avoir à coller avant de lui remettre sa bouteille.
-En revanche, moi j’ai eu à coller ma bouche ce qui veut dire qu’il y a de chances que tu aies mon ADN en toi maintenant.
En entendant cette phrase, j’ai toussé sous l’effet de la surprise.
-Mais c’est dégoûtant, dis-je écœuré. Pourquoi tu me l’as donné si tu avais mélangé l’eau avec ta salive ?
-Tu étais tellement essoufflé et malheureux que j’ai eu pitié de toi. On m’a toujours dit de venir en aide aux personnes dans le besoin.
-La ferme c’est dégoûtant, j’aurai préféré que tu ne me le dises pas.
-Bon je n’ai pas craché dans la bouteille non plus et j'ai dit qu’il y avait des chances, c’est une probabilité ce qui veut dire qu’il y a également des chances que tu n’aies pas mon ADN en toi.
-Je me sens plus rassuré maintenant, dis-je ironiquement bien sûr. Je suis déjà mal à l’aise rien qu’à l’idée de voir des mouches sur mon pain et combien de fois consommer la salive d’une inconnue ? Je ne sais pas qui elle est cette fille et si elle avait la covid-19 ? Ça craint pour mon matricule c’est sûr, je vais mourir ?
-Tout bien réfléchi, je pense que ma salive s’est mélangée à l’eau, désolée, dit-elle faussement.
-Mais arrête !
-Après, tu ne vas pas dire que c’est une mauvaise chose d’avoir gober ma salive ?
-Et tu pourrais me dire en quoi ?
-J’ai besoin de répondre à cette question ? Tu m’as bien vu ? Je suis une bombe sexuelle, il doit y avoir pléthore de mecs qui seraient honorés de consommer la salive, c’est comme échangé un baiser langoureux et baveux avec moi.
-Tu es une grande malade toi.
Je l’avais effectivement bien vu, elle est d’une beauté à couper le souffle peut importe sous quel angle on regarde. Elle porte des mèches rouges qu’elle a attaché en queue de cheval ce qui permet de distinguer chaque trait de son visage. Cette inconnue est très belle, elle a un grain de beauté en dessous de l’œil gauche, un visage carré avec une symétrie parfaite et de jolies fossettes quand elle sourit, elle a des écouteurs Bluetooth dans les oreilles, et son téléphone accroché à son avant-bras gauche. Quant à son corps, il est vraiment sexy, elle est un peu plus grosse au niveau de la partie inférieure du corps mais j’apprécie, sa poitrine n’est pas mal, comprimée dans son débardeur de sport rose comme ses chaussures, son collant noir moulant dessine parfaitement son corps.
Une pichenette me sort de mes pensées, c’est cette inconnue qui vient de me frapper.
-Je ne t’ai pas dit non plus de me regarder comme une pièce de viande d’excellent choix même si je suis bonne. Attends tu es un pervers ?
-Tu dis vraiment n’importe quoi.
Parler avec cette fille étrange m’a permis de reprendre mon souffle et de me reposer, je pense être au point pour reprendre mon footing en toute tranquillité et sérénité pendant au moins une vingtaine de minutes avant de m’écrouler de nouveau.
-Quoi qu’il en soit, je ne suis pas honoré d’avoir consommé ta salive, c’est dégoûtant.
-Tu es un menteur.
-Peu importe, merci pour l’eau mais je dois te laisser.
Après avoir exprimé ma gratitude, je me suis remis à courir et contrairement à ce que je pensais, cette fille m’a suivi.
-Si tu veux me remercier, tu pourrais me dire ton prénom ?
-Oui mais avant c’est toi qui es censé te présenter selon les règles de bonnes manières.
-Mon prénom à moi c’est Barbara mais tu peux m’appeler Barbie, dit-elle après avoir fait une moue trop craquante parce qu’elle n’était pas contente que je lui ai dit de se présenter en premier.
Elle s’appelle Barbara alors, c’est un joli prénom pour une jolie jeune fille, j’aime bien. En revanche, elle n’a pas le corps d’une barbie. Bon elle n’est pas grosse non plus mais barbie c’est le physique d’un mannequin genre Kendall Jenner mais elle c’est deux crans au dessus. Je répète, elle n’est pas grosse, elle est parfaite, elle est un peu enveloppée avec des rondeurs où il faut et la où il faut c’est magnifique.
-Alors tu me dis ton nom ?
-Oui, mon prénom c’est Kendrick.
-Comme le rappeur ? Je peux t’appeler Kendrick Lamar alors ?
Tu ne serais pas la première à le faire en même temps, ça manque tellement d’originalité.
-Non, je suis sûr qu’on t’appelle déjà comme cela vu ta réaction. Mais ne t’en fais pas, j’ai carrément mieux.
-Ah bon ? Lequel ?
-Kenichou, je vais t’appeler Kenichou.
Je n’avais pas l’intention de la revoir donc il n’y a pas de mal à ce qu’elle fasse comme elle veut même si je déteste ce nom vraiment ridicule, Kenichou, elle trouve cela mignon en plus.
-Bon tu peux me laisser maintenant ?
-Non, j’ai décidé que j’allais courir avec toi.
-Pourquoi ?
-Parce qu’on est dans un pays libre et que je fais ce que je veux et ce que je veux c’est courir avec toi Kenichou.
-Non moi je ne veux pas en plus on est en dictature, donc du balai
-Fais attention à ce que tu dis, le Palais présidentiel est juste de l’autre côté.
Le Palais du président de la République à Pointe-Noire est en face de côte sauvage, donc quand tu cours sur le goudron, tu passes devant le palais qui est gardé par des militaires armés.
-Mais c’est toi qui me fais dire n’importe quoi, fiche-moi la paix non de Dieu.
-Jamais.
Elle s’impose carrément, mais c’est qui cette fille ? C’est la première fois qu’une fille me fait ce coup là. Je vais vraiment devoir me faire à l’idée de l’avoir à mes côtés jusqu’à ce que je rentre chez moi, heureusement que ce n’est pas un laidron. Et puis, elle a quel âge ? Vu les regards qu’on nous lance, on doit nous prendre pour un couple, je crois qu’elle n’est pas seulement plus petite de taille que moi mais d’âge également.

Je me suis remis à courir depuis trois minutes déjà mais je sens déjà la fatigue qui ramène sa fraise. J’ai tout évidence surestimé mes capacités encore une fois, voilà ce qui arrive de venir faire un footing tous les trois mois, on perd le rythme.
-Tu pourrais venir courir devant moi ? Je sens ton regard lubrique de pervers posé sur mon cul.
-Qu’est-ce que tu es allée m’inventer encore ?
-C’est toi qui me reluques le cul, je peux te sentir me déshabiller du regard et t’imaginer en train de les baiser avec tes lèvres.
-Mais tu n’es pas bien dans ta tête toi ?
-Tu veux dire que tu regardes mon cul et tu ne fantasme pas ?
-Je ne vois rien, je te rappelle que tu cache tes fesses avec ton pull.
-Ah c’est vrai, dit-elle comme étant revenu à la réalité.
Je commence sérieusement à douter de la santé mentale de cette fille à cause d’elle et de ses réflexions à la con, il me vient maintenant à l’esprit de la voir retirer son pull pour que je puisse voir son cul.
-Cette fois-ci je t’ai vu tu as maté mon cul.
-Tu ne peux pas m’avoir vu, tu n’as pas d’yeux derrière la tête.
-Si tu me réponds ça, il est évident que tu as maté mon cul.
-La ferme tu m’énerve, de toute façon il n’y a rien à voir et je dois te rappeler que c’est toi qui m’as mis cette idée dans la tête d’abord ? Donc si j’ai regardé c’est de ta faute.
-Tu veux que je retire mon pull ?
-Oui…non.
Barbara a rigolé, cette fille va me rendre chèvre, elle est vraiment en train de se payer ma tête ouvertement et cela l'amuse grandement. Pourquoi, suis-je obligé de me coltiner une folle dingue comme ça ?
-Désolée mais je vais garder mon pull autour de mes reins.
-Va crever !
-Je vais courir à tes côtés ce sera mieux pour moi.
Barbie fait deux pas en arrière et arrive à mon niveau, si elle s’était retrouvée devant moi c’est parce que je fatigue de plus en plus.  Bientôt cinq minutes que je cours de nouveau mais je ne pense pas que je vais pouvoir courir un mètre de plus, je suis complètement épuisé c’est terminé pour aujourd’hui. Barbara essaie de me motiver en me promettant d’exercer un twerk si je me remettais à courir jusqu’au troisième virage mais je ne pourrai même pas atteindre le premier même si j’avoue que ça aurait été merveilleux de la voir remuer son cul pour moi mais je sais de toute façon qu’elle me ment, j’en suis aussi sûr que je sais que je ne pourrai plus courir aujourd’hui.
-Je vais rentrer chez moi, je ne peux plus courir.
-D’accord. Tu peux t’arrêter là pour aujourd’hui.
-Ne parle pas comme si j’avais besoin de ton approbation.
Cette fille m’épuise presque autant que la course mais je dois reconnaître qu’elle est amusante. Grâce à elle je me suis bien amusée aujourd’hui, elle a toujours le mot pour rire même si c’est à mes dépens. À quand remonte la dernière fois que je me suis amusé comme ça avec une fille ? Pas depuis que Célia m’a plaqué il y a trois mois, c’est sûr.
-J’ai faim, on va manger ?
-Va manger toute seule, on n’est pas ensemble.
-Non ce n’est pas amusant de manger toute seule, dit-elle en me prenant par l’avant bras comme si on était un couple ou au moins frère et sœur. Elle est beaucoup trop amicale cette fille, c’est de plus en plus bizarre et surtout même si j’en avais envie, je ne dis pas que c’est le cas… ne te mens pas à toi-même Kendrick, tu la trouve bizarre effectivement, mais tu la trouve également attachante et tu meurs d’envie de l'emmener manger et même avant qu’elle ne te le propose, tu as pensé à prendre son numéro pour que l’inviter un de ses quatre. La vérité c’est que tu n’as pas assez d’argent sur toi pour payer un restau, tu n’as que deux pauvres pièces de 100 Francs CFA dans la poche gauche de ton pantalon de jogging.
-Tu ne peux pas refuser, tu sais ?
-Pourquoi ?
-Parce que tu me dois de t’avoir évité de mourir déshydraté.
-De toute façon, je ne peux pas aujourd’hui c’est trop imprévu. Mais si tu me donnes ton numéro, je pourrais t’inviter.
-Pour de vrai ?
-Pour de vrai.
Avant de mettre son numéro dans mon téléphone portable pas du tout numérique (ici en République du Congo, on appelle ce genre de petit Samsung des anti complexes et en occident des téléphones jetables), elle m’a fait promettre de l’inviter. C’était la première fois que je faisais ce genre de promesses, elle m’a dit de croiser mon auriculaire droit avec son auriculaire gauche puis m’a dit de venir toucher son pouce et m’a dit de dire que si je ne tiens pas parole, je devrais manger 1.000 aiguilles, rien que ça, j’ai intérêt à tenir cette foutue promesse alors.
Quand je suis sortie de chez moi, ce matin, je ne pensais pas me faire draguer par une aussi belle fille. Je me suis éloigné d’elle à reculant pendant qu’elle me regarde partir en me disant au revoir avec sa main droite et affichant l’un des plus beaux sourires que je n’ai jamais vu de ma vie. Barbara est bizarre, c’est sûr mais cela ne me dérange pas tant que ça au final, sa présence m’a fait tellement de bien. Si jamais le coup de foudre existe, c’est sûrement ce qui vient de me traverser.





FIN

The Book Of LoveWhere stories live. Discover now