Luxury Girl

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Au volant d'une voiture de marque range rover sport, je conduis en direction du seul endroit où j'aime petit déjeuner. Les viennoiseries et les pains sont un délice dans cette boulangerie-pâtisserie, quand tu manges là-bas la première fois tu es obligé de revenir c'est comme si ce boulanger t'avait jeté un sort et que tu n'avais absolument plus d'autres choix que d'aller manger là bas. Je ne parle pas que de moi, depuis que j'y vais c'est toujours extrêmement bondé. Je pense que le propriétaire devrait trouver un local plus grand, il aurait plus de clientèle et donc plus de rentrées d'argent.
On dit que conduire avec la musique allumée est une sorte de distraction, encore plus quand on chante du Maluma avec tant de ferveur que moi, mais moi je trouve cela plus tôt ennuyeux de conduire en silence. De plus, je n'y peux rien, j'aime trop la musique de cet artiste latino peu importe la chanson, j'aime. Et c'est un beau garçon, je donnerai tout ce que j'ai pour être avec lui.
Je m'approche du rond-point Boundji et depuis peu il y a toujours au moins un policier alors que ce n'était pas le cas l'année dernière. Ce policier routier me fait signe de me garer sur le côté. Je me demande bien ce qu'il me veut ce mec, c'est à contre cœur que je m'exécute, ensuite je baisse la vitre juste légèrement.
-Bonjour, dis-je contrariée car je n'aime pas les forces de l'ordre de mon pays.
-Vous ne savez pas qu'il est illégal de sortir de chez soi sans masque ?
Comme la majorité des pays du globe, la République du Congo a été frappée par le Covid-19 (ou la je ne sais pas quel article est le bon). Mon beau pays, la République du Congo vient d'être déconfiné depuis deux semaines, c'était le 22 Juin 2020 si je me souviens bien, en tout cas c'était il y a deux semaines. On est toujours sous le coup d'un couvre feu à 20h tous les jours de la semaine et l'obligation de porter le masque en public. Ce policier veut savoir si j'ai un cache nez, je pense qu'il n'a pas dû faire attention parce qu'il est juste sur mon tableau de bord bien en évidence, on ne peut pas ne pas le remarquer c'est un masque chirurgical. Je le prends et le lui montre.
-Je l'ai, dis-je en le lui présentant.
-D'accord mais tu es censé le porter, dit-il en Kituba.
-Je le porterais une fois descendue de la voiture, répondis-je en français.
-C'est trop tard, vous devez payer une amende de 10.000.
Non mais il se fout de moi ce mec ? Je sais qu'il a été décrété que le port du masque est obligatoire mais qui veut-il que je contamine alors que je suis seule dans ma voiture et que toutes les portières et fenêtres sont fermées ? C'est comme s'il me demandais de porter un masque alors que je vis seul chez moi. Donc il pense que quand je suis sortie de chez moi j'avais prévu de remplir les poches d'un escroc comme lui ? J'aime toujours restée polie et courtoise mais si jamais je lui donne ne serait-ce qu'un seul franc alors je ne suis plus Naomie Tchikaya.
Promptement, j'ai commencé à lui expliquer que je ne suis pas le genre de personne stupide qu'il peut penser pouvoir tromper. Il m'a prise pour une idiote et je n'aime pas vraiment ça, il va le regretter amèrement.
Que je le menace ne lui a pas plu, il a essayé de prendre un air menaçant pour parvenir à ses fins, dès l'instant où je lui ai dit que j'appellerai le lieutenant Makosso qui travaille à la direction départementale de la police de Pointe-Noire afin qu'il m'explique s'il est légitime de vouloir coller une amende à quelqu'un qui conduit seul dans sa voiture avec toutes les vitres fermées pour le motif qu'il désigne.
Après mettre garée sur le côté, j'ai tiré le frein à main, mais je n'avais pas coupé le moteur de la voiture, chose que je fais tout de suite. Ensuite je prends mon téléphone qui était sur le fauteuil du co-pilote et avant de lancer l'appel, je regarde ce policier routier. Cet agent des forces de l'ordre effrayé m'a supplié de ne surtout pas appeler le lieutenant Makosso, c'est une personnalité connue dans la ville de Pointe-Noire, ce policier sait ce qu'il encourt si devais l'appeler et j l'aurai fait s'il ne m'avait pas laissé partir.

En admettant qu'une personne vienne à dire de moi que je suis une pipelette, je ne pourrais pas dire le contraire car je suis vraiment bavarde et indiscrète. J'ai beau le savoir mais je suis incapable pour autant de corriger cette partie de moi, j'aime connaître les secrets des gens et puis je dois dire que je suis un peu insolente et agressive. Quand je pense à tout cela je n'arrive pas à croire que je vais me marier dans deux semaines, je me demande sans cesse comment j'ai fait pour qu'il tombe amoureux alors que je ne le mérite absolument pas.
J'ai commencé à sortir avec Daniel, il y a un an, au mois d'août deux mois après le déconfinement. Il était le gérant de la boulangerie-pâtisserie que j'aime toujours fréquenter dans mpita ce petit quartier proche de la côte sauvage.
Au début, je ne voulais pas fréquenter ce garçon, je le trouvais ennuyeux et collant. Ce jeune homme avait facilement succombé à mon charme (ce qui est normal soit dit en passant) et comme j'étais une cliente fidèle, il venait constamment me draguer. J'ai pensé plus d'une fois cesser de fréquenter ce restaurant mais je n'y suis jamais parvenu parce que j'aimais trop les délices de cet établissement. Je suis un peu gourmande malheureusement ou heureusement pour moi parce que sans ce détail, aujourd'hui, je ne serais pas fiancée à l'homme que j'aime et prête à l'épouser dans deux semaines.
Daniel est quelqu'un de très obstiné, c'est le genre de personnes qui se donnent les moyens d'obtenir ce qu'elles désirent. Chaque jour, chaque matin que je venais petit déjeuner dans l'établissement dont il était le gérant, il venait à moi et me draguait. Sans vouloir être méchante, je ne comprenais pas le courage qui l'animait à revenir tout le temps à la charge peu lui importait le nombre de fois que je le rembarrais et surtout parce que lui et moi on ne collait absolument pas ensemble, lui et moi c'était le jour et la nuit.
À cette époque, il était plutôt beau garçon, et il l'est toujours mais à côté de moi je pensais que je valais mieux que lui, qu'il n'avait pas la carrure et la prestance nécessaire pour être mon petit ami sans parler de sa poche. Moi, je conduisais un range rover sport et lui, il se baladait en bus, il était clair que nous étions de deux mondes différents, de deux classes sociales bien distinctes. Cependant, il n'a jamais voulu lâcher l'affaire et je n'arrivais pas à le comprendre, j'avais utilisé différentes variantes de « va te faire foutre » mais il était toujours là, je n'en suis pas fière mais je peux être vulgaire et méchante quand je le veux. Je sais d'expérience qu'il existe des garçons qui détestent les filles qui se montrent grossières et vulgaire mais lui n'en est pas.
Daniel, devant tout ça au lieu de passer à autre chose, il trouvait cela amusant et rafraîchissant de passer du temps avec moi et de se faire insulter. Quand il m'a dit ça, je me suis dit que c'était la confirmation de ce que je pensais depuis longtemps à savoir que ce mec était fou. Draguer une fille qui est clairement d'une classe sociale supérieure à la tienne ce n'est déjà pas normal mais de dire que c'est amusant et rafraîchissant de se faire insulter et humilier, là, il n'y avait plus aucuns doutes, ce mec avait une araignée au plafond.
Ayant compris que ce mec était tout sauf sain d'esprit, je l'ai laissé venir me parler sans plus jamais l'insulter, ce que j'ai fait en revanche, c'était l'ignorer ce qui va à ma grande surprise se révéler ne pas être suffisant. On a joué à ça pendant six semaines, le premier jour de la septième semaine j'étais décidée à mettre un terme à cette histoire une bonne fois pour toute en le dénonçant au propriétaire. Sauf qu'à ma grande surprise, il n'était pas venu me voir, c'était pire. Daniel m'avait clairement ignoré, je n'étais pas contre, je pouvais enfin déguster mon petit déjeuné dans la tranquillité et la paix.
Seulement, je n'étais pas aussi contente que je voulais le croire. Après six semaines, entendre Daniel me dire tous les jours que j'étais une incroyable beauté et qu'il rêvait de sortir avec moi, de me faire des mes enfants... bref me dire toute ces choses me faisaient beaucoup de bien. C'était un beau parleur et des belles paroles, il n'en manquait jamais. En fait, le truc c'est que sa présence s'était imprégnée en moi. Inconsciemment, j'avais fini par apprécier sa présence et à manger sans lui, je me sentais vide et incomplète.
Donc deux semaines plus tard, je suis allée le voir et j'ai tenue à avoir des explications. Il était complètement stupéfait de me voir venir lui demander pourquoi il ne voulait plus me parler.
-Je suis sûr que tu te moques de moi, disait-il.
-Je penses plutôt que tu fais semblant de ne pas comprendre ce que je te dis. Je pensais que je te plaisais mais tu as vite abandonné à ce que je vois.
J'étais en plein délire, donc il a légitimement rigolé. C'est moi qui l'avais repoussé et pas de la plus classe des manières, il avait quand même insisté pendant six semaines, il a été plus persévérant que tous mes autres prétendants qui m'envoyaient de grosses sommes d'argent pour me convaincre. Ayant réalisé que j'étais puérile à venir lui faire des reproches, j'ai rigolé avec lui.
Trois petits jours après ce celui-là, nous avons eu notre premier rencard et aujourd'hui dans deux semaines, nous allons nous marier, du moins si, il veut encore de moi.
Les personnes qui ne commentent pas d'erreurs, ça n'existe pas, parce que l'erreur est dans le génome même de l'humain. Seulement, ce que moi j'ai fait est quelque chose de très grave, tellement grave que je ne peux pas m'attendre à ce qu'il me pardonne. J'ai moi-même du mal à me pardonner ce que j'ai fait.
Daniel a demandé ma main à mes parents il y a un mois et le mariage est prévu pour le 04 Septembre prochain. Et je culpabilisais de garder pour moi une faute aussi grave, c'était un si grand secret que j'étais complètement terrorisée à l'idée que mon fiancé vienne à le découvrir mais je savais que je ne pouvais pas l'épouser sans lui avoir dit toute la vérité sur moi. Donc il y a trois jours, je me suis rendue chez lui pour tout lui dire.
La vérité c'est que la profession qui me permettait de rouler dans un range rover sport, d'avoir une villa en étage, et de faire des allers retours à Paris, Milan, Dubaï était le proxénétisme. En République du Congo, les filles sont quasiment toutes attirées par l'argent, je ne fais pas exception. Je vivais dans des conditions précaires, mon père était jardinier ma mère vendait du manioc et ma condition me complexait beaucoup, je savais que j'étais belle mais je n'avais pas le courage de me vendre moi-même. Je suis entrée en contact avec une amie qui avait un bon rapport avec un officier haut placé à la gendarmerie de Mpita, je lui ai expliqué le plan (sans aucun doute Ignoble) qui consistait à se créer un réseau de prostitution clandestin et anonyme mais qui serait uniquement proposé à des clients de luxe que j'ai appelé « Luxury Girl ». Nous, nous sommes alliées avec cet officier important de la gendarmerie pour nous assurer de ne pas avoir de problème avec la justice. Comme nous, il était de basse moralité et il connaissait les contacts suffisants pour que notre entreprise puisse prospérer. Et c'est ce qu'il s'est passé, les filles qui voulaient sortir de la pauvreté comme moi étaient nombreuses et elles contrairement à moi étaient prêtes à vendre leur corps.
J'ai lancé cette entreprise avec mes partenaires quand j'avais 20 ans et dix ans plus tard, en 2020 l'entreprise qui se portait déjà très bien a connu un boost époustouflant grâce au confinement que nous a imposé le gouvernement pour ralentir la propagation du virus dans le pays, une très bonne initiative qui a sauvé beaucoup de vie et qui nous a permis de nous remplir les poches. Le confinement a compliqué la vie de beaucoup de gens au niveau financier mais aussi au niveau sentimental, donc nous avons eu plus d'employées qui voulaient de l'argent et il y avait aussi des hommes comme des femmes qui se sentaient seuls et qui étaient prêts à payer cher pour obtenir de la compagnie.
Avec le confinement, il n'y a eu pas de boulot, et pas de possibilités de faire de rencontre (ou de l'argent), les écoles étaient fermées, les marchés pareils, les restaurants aussi...bref, il n'y avait aucuns commerces d'ouverts et les possibilités de rencontre quasi nulle. Comme il y avait certaines personnes qui se baladaient à pied, la seule option pour les gars étaient de draguer dans les rues mais ce n'était pas toujours au gout de la gent féminine, c'est là que Luxury Girl a été propulsé au devant de la scène.
Avouer à mon copain que je suis à l'origine d'un réseau de prostitution à grande échelle dans Pointe-Noire, la ville océane, un acte qui me vaudrait de passer de passer de nombreuses années derrière les barreaux, lui dire que je me suis servie de femmes comme des objets qui devraient assouvir les désirs de personnes qui sont obscènes, vicieuses et perverses sans le moindre respect pour le corps de la femme étaient très difficile. Son visage est devenu livide et je n'ai plus vu dans ses yeux l'amour que j'avais toujours vu dans ses yeux, le premier jour qu'il s'est déclaré et le jour qu'il m'a dit qu'il voulait m'épouser et tous les autres jours qu'on a passé ensemble. C'était difficile à vivre mais compréhensible, quand j'ai commencé à sortir avec lui je n'ai pas arrêté mes activités mais quand j'ai réalisé que c'était sérieux, j'ai démissionné. Et j'ai décidé de le suivre réellement dans la prière, c'est d'ailleurs parce que je prie sérieusement que j'ai eu le courage de lui dire la vérité, quelques soient les retombées.
Aujourd'hui, il m'a donné rendez-vous dans la boulangerie-pâtisserie où nous, nous sommes rencontrés, et qui est désormais son ancien lieu de travail depuis qu'il travaille dans une start-up. Daniel me fait peur, j'ai peur de ce qu'il va me dire, j'ai peur parce qu'il me sourit en s'asseyant en face de moi. Je n'arrive pas à comprendre qu'il soit souriant avec moi alors qu'il est censé être en colère, donc je ne peux pas m'empêcher de flipper, de penser que c'est un sourire machiavélique qui cache quelque chose.
-Tu sais que je suis chrétien, mes parents le sont également mais la chrétienté n'est pas héréditaire, j'ai choisi en mon âme et conscience de faire de Jésus-Christ mon seigneur et mon sauveur. Donc je ne peux pas te condamner parce que tu as commis une erreur. Si Dieu peut te pardonner qui suis-je pour ne pas en faire autant ? Je t'aime vraiment de tout mon cœur, tu as eu le courage de te confier à moi et d'avouer ta faute et je respecte ça. Avec Dieu une faute avoué n'est pas à moitié pardonné, mais est complètement pardonné. Toi et moi nous allons toujours nous marier dans deux semaines, ce que tu as fais dans le passé était grave mais tu n'es plus cette personne

Fin

The Book Of LoveWhere stories live. Discover now