TRINITY - Tome 3 : Rencontre du troisième type

[ 27 ] Plongée, omniscience et bibliothèque

Le jour suivant, Azaz propose de m'emmener dans un nouveau lieu qui, d'après lui, achèvera de me remonter le moral. Nous prenons une barque pour accoster chez les Az'Soll, les Ases qui vivent dans le désert. Cinq d'entre eux faillent me provoquer un arrêt cardiaque en jaillissant de leur cachette de sable. Une main sur le cœur, je les observe plus attentivement.

Avec leurs écailles jaunes, orangées ou ocre, ils se dondent parfaitement parmis les dunes ensoleillées. Ils portent des habits amples, protégeant leur tête et leurs prunelles du soleil qui darde ses rayons. Je remarque qu'une sorte de trait de khôl est dessiné autour de leurs yeux sombres. Comme tous les Ases que j'ai rencontrés, ils aiment les bijoux. Tous les cinq portent une fière ribambelle de bracelets, de colliers, de boucles d'oreilles, de bijoux de tête tombant sur leurs visages pour encadrer leurs yeux ou créant une cascade d'or dissimulant le bas de leur visage, mais pas leurs sourires. Le tout tinte joyeusement pendant qu'ils rient et se chamaillent, se félicitant de nous avoir bien eus. Après cette petite frayeur, je lâche un rire décrispé.

Nos pieds s'enfoncent dans le sol meuble alors que nous avançons jusqu'à leur campement nomade qui, par chance, se trouve en ce moment près du littoral. Je suis curieuse de découvrir leur façon de vivre dans cet environnement, qui me semble bien inhospitalier. En poussant un pan de tissu bordé de piécettes de verre multicolore, je pénètre dans une grande tente couleur safran. Pour entrer, je dois éviter de me prendre la tête dans des carillons de métal brillant et de bois ajouré, décorés de visages stylisés plus ou moins encourageants. Depuis tout à l'heure, je me demandais ce qu'étaient ces tintements accompagnés de longs sifflements. Je comprends que c'est la brise qui chantonne en se faufilant entre les perforations et les pailles des carillons. L'intérieur de la tente est décoré de tapis à motifs géométriques, de toiles tendues.

Ce qui ressemble à un service thé ou à café trône au centre de la tente. Une odeur flotte justement dans l'air, mais elle n'a rien à voir avec les boissons que je connais. C'est une fragrance à la fois épicée et sucrée. Un couple de vieux Az'Soll, assis près de la préparation fumante, m'assure que ce sera bientôt prêt et que je pourrais y goûter. Chassant ma curiosité pour les laisser effectuer tranquillement leur tâche, je ressors avec Azaz dans la chaleur qui me rappelle la ville de Phoenix.

J'approche, sans grande confiance, d'un quadrupède qui leur sert de monture et de bête de trait lors de leur migration. À mi-chemin entre le casoar avec son épaisse crête sur la tête, la macareux avec son gros bec multicolore, et une vigogne du Chili avec des pattes de félin, les Ases appellent ça un viinmaar. Le mélange que je viens de décrire pourrait paraître anarchique, digne d'un bestiaire médiéval, et pourtant, le résultat a une allure noble, et même plutôt mignonne, avec ses gros yeux noirs.

Je m'amuse bien avec le peuple du désert. Les enfants demandent pourquoi je ne suis pas habillée de façon plus adaptée au désert. Il n'en faut pas plus pour que leurs grands-parents lancent l'idée de me prêter un ensemble et pour que quelques adultes de mon âge mettent la procédure en œuvre.

Avant que je n'aie le temps d'esquisser une réponse, me voilà rhabillée d'une longue tunique beige ceinturée par un long rectangle de tissu, un turban coloré savamment enroulé sur la tête, des bottes à bout pointu aux pieds, des bracelets martelés tout le long des bras et l'un de ces fameux bijoux faciaux en cascade sur mon nez.

Ikar Smir Kes'Tran, le jeune Sage'Sang des Az'Soll, me maquille même à leur manière, avec du noir autour des yeux. Avec un sourire solaire, il m'assure que c'est à la fois pratique et esthétique chez eux ; la couleur sombre autour des yeux permet de les protéger du soleil. En plus de cela, les Az'Soll tissent leurs habits dans un tissu à la pointe de la technologie, gardant au frais le jour et au chaud la nuit, protégeant au passage leurs pupilles de la lumière crue.